Pandémie et insécurité alimentaire : où sommes-nous en Haïti ?

Depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19, les Haïtiens sont aux aguets et croisent leurs doigts pour que le ciel nous épargne pour une fois de cette adversité tant difficile. Et le mal est fait puisque le président Jovenel Moïse, lors d’une conférence de presse au palais national le 19 mars dernier, a officialisé la présence de deux cas sur le sol haïtien. Et depuis, cette situation ne cesse d’aggraver avec 15 cas confirmés au 30 mars 2020 selon le ministre de la Santé publique et de la population, le Dr Marie Gréta Roy Clément, en conférence de presse au Centre d’Informations permanentes sur le Coronavirus (CIPC). Et le pire, nous n’avons aucun contrôle sur notre frontière avec la République dominicaine qui est le pays le plus infecté d la caraïbe avec 901 cas positifs.

Cette évolution du nombre de cas, même si tout le monde le présageait, irrite encore plus les Haïtiens qui avaient déjà leurs nerfs à fleur de peau, car nous sommes tous devant le fait accompli d’absence d’un hôpital de standard international pouvant nous prodiguer des soins adéquats. Ainsi, l’état d’urgence sanitaire déclaré par le gouvernement sur tout le pays implique pas mal de changement notamment avec la fermeture des ports et aéroports à partir minuit de la nuit du 19 au 20 mars 2020. Par contre, la question brulante qui est sur les lèvres de tout le monde, comment allons subvenir à nos besoins de première nécessité qui étaient déjà très difficile avant même la présence du coronavirus et cette question n’a trouvé aucune réponse lors des différents points de presse du gouvernement.

Avec une économie qui tournait déjà au ralenti pour ne pas dire arrêter complètement avec les séquences de pays lock, le pays est à son plus bas niveau de capacité de réponse à l’insécurité alimentaire qui sévit dans le pays depuis plusieurs décennies selon les rapports de la CNSA. Et aujourd’hui nous sommes dans l’obligation de fermer nos frontières si on veut éviter le pire en dépit que notre balance commerciale fût déjà déficitaire.

Selon la BRH, entre novembre 2018 et octobre 2019, le déficit commercial d’Haïti est en moyenne US 236 millions de dollars par mois et le déficit commercial moyen enregistré au cours des dix dernières années est de US 2,9 milliards de dollars alors que ce déficit était de US 2.2 milliards de dollars en 2012 selon le FMI. Tout ceci pour mettre en évidence une balance commerciale chroniquement déficitaire malgré que tous les voyants sont au vert pour adopter cette mesure en dépit que les exploitations agricoles ne produisent qu’environ 45% des produits de consommation alimentaire du pays (FAO, 2020) .

Avec un pays où tout s’achète chez nos voisins depuis la carotte, le mirliton, l’aubergine, les choux, le piment, les œufs, le salami, les morceaux de volailles jusqu’au riz qui constituent les bases de notre consommation quotidienne, peut-on maintenir pendant longtemps cet isolement ? Aujourd’hui, près de 55% des produits alimentaires consommés en Haïti sont importés, selon le Ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) ce qui ne cesse d’augmenter depuis le séisme du 12 janvier 2010. Cette dépendance est caractérisée par une baisse de la production nationale et une augmentation de la croissance démographique très importante.

Avec ce faible niveau de production du pays, les politiques néolibérales appliquées ne pourront qu’aggraver notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur vu que nos agriculteurs ne peuvent pas concurrencer les produits importés avec de faible frais de douane (3% seulement sur le riz avant les décisions du gouvernement Moïse Céant de le supprimer complètement sur 12 000 tonnes de riz importés) sans oublier la contrebande sur la frontière avec la République dominicaine.

Les constats effectués des deux côtés de la frontière sont les mêmes. La production haïtienne est incapable de satisfaire la demande interne du marché et les producteurs dominicains capitalisent sur cette faiblesse de plus en plus. Alors on se demande tous, nos frontières sont fermées pour combien de temps avec autant de dépendance de l’extérieur ? N’est-il pas le moment idéal pour bâtir cet état de droit tant prôné par le régime en place ? N’est-il pas encore le moment idéal pour relancer la production agricole et préparer le lendemain de cette pandémie ?



Evens JOSEPH

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES