Éducation financière et religion en Haïti !

Dans le chaos que vit Haïti en 2022, et qui risque de se détériorer certainement si rien n'est fait pour favoriser la stabilité politique, le redressement des institutions, de la sécurité et des investissements,  les institutions religieuses ont un rôle important à jouer dans la recherche des solutions intelligentes et durables, qui doit passer par l'éducation des jeunes, le renforcement des familles, la promotion de la foi et des valeurs, et la création de richesses. D'où l'importance de soulever les débats sur la place de l'éducation financière entre les communications des prêtres et les comportements des fidèles ? 

 

Depuis la pandémie de Covid-19, qui avait contraint de nombreuses institutions à respecter les contraintes et limites du confinement, jusqu’à fermer leurs portes, et choisir  l’option du travail à distance et des rencontres virtuelles (Zoom), nombreuses sont les institutions religieuses, établies dans beaucoup de pays dans le monde, qui on été contraintes de suivre ce modèle de fonctionnement, en dehors des temples qui ont été obligés de fermer définitivement leurs portes, pour des raisons économiques.

 

Deux ans après, la situation n’a pas beaucoup changé en Haïti, ce qui, sans avoir été considérablement touché par la pandémie, s’est vu soumis aux lois d’une catastrophe beaucoup plus grave, qu’est l’insécurité. En dehors des prêtres protestants, catholiques, entre autres, et des fidèles qui continuent de subir des actes d’enlèvement, de violence et d’assassinat, il faudrait penser aux défis économiques et financiers dont la majorité des institutions religieuses font face dans cette crise multidimensionnelle majeure qui affecte la société haïtienne.

 

Dieu à lui seul, dans toutes ses représentations suprêmes et dénominations universelles, et à travers ses multiples délégations sacrées et partagées, à travers la Vierge Marie, Jésus, l’Apôtre, les Saints, les morts, les lwa, ne va certainement pas procéder par des miracles, pour résoudre ces graves problèmes économiques dont institutions religieuses font face depuis quelque temps dans le monde. En dehors des fondations et des ONG, les grands philanthropes, mécènes et donateurs croyants, c’est aux fidèles religieux qu’il reviendra l’obligation de contribuer de façon qualitative, quantitative, croissante et continue  dans le relèvement, la recapitalisation et la réouverture de ces cathédrales, temples, ces églises, ces péristyles dans des villes et quartiers fermés ou encerclés.

 

Devant un tel tableau aussi sombre de ces institutions contraintes à exigences économiques et financières pour répondre à leur fonctionnement habituel, et face aux urgences personnelles des fidèles qui composent leur assemblée respective, comment formuler des notions en matière d'éducation financière pour l’ensemble de la population, sans prendre en compte les valeurs et les idées préconçues sur la pauvreté, la création de richesses et le bien-être des familles sans distinction aucune, entre le luxe du prêtre et dans beaucoup de cas la situation misérable des autres membres de la communauté ?      

Derrière les nombreuses initiatives officielles et formelles, progressives et louables, entreprises par de nombreuses institutions publiques impliquées dans la mise en oeuvre du programme d’inclusion financière et de l'éducation financière en Haïti,  on ne saurait laisser de côté, la problématique de la foi dans le pays du “Bon Dye bon”, “Se Bon Dye ki bay”, “, des “Boul Djab” et des “Beny chans”.

 

De telles frontières idéologiques, spirituelles et symboliques, parmi tant d’autres, et en particulier que chacune des pratiques religieuses, dans la grande majorité,  impose aux individus et aux familles sont parmi les principaux obstacles qui empêchent toute intervention logique, cohérente, pratique et pragmatique en matière d’éducation financière en Haïti. Quels sont les principaux messages religieux qui encouragent la pauvreté en Haïti ?  Comment enseigner sur l'économie du temps dans les temples et Lakou en Haïti ? Quelles sont les religions qui encouragent le plus la paresse en Haïti ? 

 

Des efforts ont été réalisés parallèlement, mais de manière isolée dans la majorité des institutions religieuses en Haïti, au cours des dix, vingt et trente dernières années, grâce à l'émergence de quelques leaders et des prêtres visionnaires, qui ne souhaitent pas continuer à construire leur empire, sur l'ignorance et la pauvreté des fidèles contributeurs. Pourquoi répertorier les leaders religieux les plus visionnaires, portant des messages qui reflètent les principes de l'éducation financière ?  Comment faire comprendre à certains leaders religieux, plus les membres de la communauté sont riches, plus le temple va en bénéficier ?  

 

Dans la bible, à travers les versets et les psaumes qui enseignent sur la richesse, le travail, l’abondance, le partage, la dime, le don, la chance, l'héritage, la paresse, l'éthique, le luxe, le crédit, l'épargne, les dettes, la retraite, l'économie et la finance de manière générale méritent un inventaire, suivie de l’analyse profonde des discours et des pratiques religieuses qui vont pratiquement à contre sens des connaissances et des compétences classiques à développer dans la gestion des finances publiques et de l'éducation autour de la création de richesses.

  

Dans l’utilisation du temps des fidèles, particulièrement dans les églises protestantes en Haïti, voilà un des grands fléaux à prendre en compte dans l’apprentissage des jeunes, des parents et des familles, des professionnels et surtout des chômeurs, qui continuent de s’investir dans leur jeune et leurs genoux, comme parmi les seuls leviers pour sortir de la misère et pour laisser le pays.  Entre la mobilisation des 40 jours de prière et l’apprentissage des 40 principes en économie pour entreprendre, produire des biens et services au profit de la communauté, il y a urgence pour les concepteurs de programmes et les professeurs qui vont dispenser les cours en éducation financière de concilier la vérité à la réalité.

 

Dans le Vodou également, en particulier dans les Lakou, pendant longtemps des enfants, des  jeunes et leurs parents, ces initiées et choisis qui fréquentent ces hauts lieux mystiques, avaient préféré délaisser les productions agricoles et l’élevage pour se consacrer aux activités sacrées, sans jamais se tourner vers une formation professionnelle et des activités économiques capables de répondre réellement aux besoins de la communauté. Comment éduquer ces jeunes initiés sur les principes de base pour entreprendre, créer de la richesse et épargner sans renier leurs croyances ancestrales et ne pas rejeter leur foi et leur dignité, à cause de l’aide humanitaire venant souvent des  ONG qui soutiennent les autres religions ?

Donner sur la base de la foi c’est bien. C’est un geste très grand et très valorisé tant dans les religions occidentales (dite chrétiennes), dans les traditions ancestrales à travers le Vodou, que dans d’autres religions présentes en Haïti. Derrière ce geste, qui constitue la base de la solidarité, de la fraternité et de la rentabilité dans bon nombre de cultes, il y a les exigences du système capitaliste, et l'appétit des plus malin qui veulent parfois profiter de la bonne foi du plus grand nombre des croyants.

 

De la nécessité de prendre en compte la place, l’influence et l’impact des institutions religieuses en Haïti, parmi les plus importantes et les plus représentatives, en invitant les principaux responsables, les chefs de file de ces communautés et leurs proches à s’impliquer dans l'élaboration et l’adaptation, la formulation et la traduction des messages, des notions et des exercices en matière d'éducation financière et de création de richesses destinés aux milliers de croyants et de fidèles qui composent l’ensemble des communautés religieuses en Haïti.

 

Dominique Domerçant

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