Le carnaval dans les rues de Port-au-Prince a fait ses adieux comme phénomène de masse. Ce qui est le prix de l’insécurité urbaine chronique. La hantise aux loisirs porte la population à substituer ce besoin. La parade artistique se donne dans des bars et restaurants. Nous avons assisté à la magie des disc joker (DJ) qui se mettent de la partie pour animer les dimanches pré-carnavalesques de 2025. Le coup d’envoi s’est fait le 19 janvier 2025. Ainsi plusieurs prestations dans ces bars et restaurants sans les nommer par prudence d’engager des publicités commerciales. L’aire métropolitaine est devenue la scène d’animation des DJ à Delmas et Pétion Ville. Les grands rendez-vous pareils à Lalue , Bois Verna et Canapé Vert ne sont pas encore en liste.
Les party pré-carnavalesques font leur défilée de bars-restaurants en bars-restaurants sous des labels respectifs. Les « party « sont baptisées RetroNaval, Mache Cha a, Naval, Cha Panche et Tet Cha a.On ne sait pas si cette liste va s’allonger davantage. Ce sont des activités payantes, en conséquence, sélectives par la force des choses. Le décor de l’ambiance du carnaval se voit établi avec la présence de stands, de reines, des déguisements et des effets spéciaux. Le Boukman Expérience était au rendez vous dans l’un des bars-restaurants à l’ordre du jour.
Il est un fait que les bars, restaurants, bistrots, cafés et hôtels ont une longue histoire associée à la prestation de groupes musicaux. Nos orchestres et mini jazz ont éclos dans ces mêmes milieux : Ibo Combo, Bossa Combo et autres. L’orchestre Aux Calebasses en 1955, soit l’ancêtre immédiat de l’Ensemble Nemours Jean Baptiste a pris le même nom que le Night-Club ou il savait exercer. Les animations des bals « Anba tonèl » dans les milieux ruraux étaient aussi de la partie. Ce phénomène fut aussi le cas des premiers groupes de jazz aux Etats Unis. Beaucoup d’autres villes du monde ont eu à marquer le pas en ce sens. Dans certains cas, les mairies s’interposent pour faire des places publiques l’un des lieux d’animation musicale en termes de promotion des loisirs de masse.
Tout se joue au nom d’un changement de la géographie des loisirs à Port-au-Prince. Le carnaval populaire qui est un acquis des luttes pour l’accès aux loisirs de masse durant la première occupation américaine d’Haïti se trouve à nouveau étouffé. Les psychiatres rapportent que le carnaval sert de prévention aux maladies mentales suivant les statistiques du Centre Psychiatrique Mars and Klein de Port-au-Prince qu’en sera-t-il dans cette conjoncture de traumatismes liés à l’insécurité et aux massacres perpétrés contre la population.
Les « party » pré-carnavalesques dans les bars-restaurants de l’aire métropolitaine ne sont pas à leur premier essai. Déjà quelques années auparavant, c’était la grande animation dans un complexe réputé à Lalue ainsi qu’à d’autres points. Quant à la partition des DJ, elle remonte à la fin des années 1990 avec le phénomène de Gros Lobo de feu l’ingénieur de son Jacques ANTOINE. En effet, le Dj Gros Lobo animait les dimanches pré-carnavalesques dès la fin du mois décembre, en dehors de la période régulière consacrée pour ces festivités.
La créativité de la population peut-elle tenir lieu de substitut pour une représentation de l’ambiance du carnaval à partir réseaux d’animation comme le You Tube et Facebook. Les « bamboch » manquent aux Port-au-Princiennes et Port-au-Princiens qui ne cessent de faire du deuil de leur castration d’un carnaval populaire.
Les carnavalières et carnavaliers de Port-au-Prince sont dans le suspense et à la hantise d’une parade artistique inédite. La carte du carnaval national à Fort-Liberté du 3 au 4 mars 2025 serait-ce une lueur de liberté qui anime les fantasmes d’un retour au passé glorieux du carnaval haïtien à Port-au-Prince.
Hancy PIERRE, professeur à l’Université