Quand j’ai sollicité auprès du poète Carl Pierrecq une entrevue à l’occasion de la parution de son tout premier livre « Quelquefois et puis toujours » aux Éditions Ruptures, il a été de prime abord réticent sur toute la ligne. Lui, Pierrecq, en tant que critique d’art et écrivain nourrissant dans son cœur de grandes aspirations sait qu’il doit prendre du recul pour permettre à l'œuvre de poursuivre sa route et faire son chemin. « Prefacé par l'écrivain Evains Wêche, » Quelquefois et puis toujours « est un long poème d’amour dédié à la femme qui porte dans ses seins depuis la nuit des temps l’Humanité entière. Dans ses vers de pommiers verts et dans lesquels se condense un poète plein de promesses, Carl Pierrecq redonne à la femme toute son essence fragile et dessine tous les contours de son âme sensible avec l’encre tachée de ses doigts et parfois avec les larmes giclant de ses yeux. Mais la femme est l’avenir de l’homme, Pierrecq l’a bien compris , il était plus que nécessaire de nous redire que la femme sait aussi donner le goût de son âme au morceau de pain sans fromage. L’entretien réalisé avec Carl Pierrecq qui vient de prefacer : » Brèche ardente » de l’immense Franckétienne est un clin d’œil à Le National pour son 2000 e numéro et un heureux prétexte de saluer le travail du poète qui nous livre dans « Quelquefois et puis toujours » une poésie intimiste, une poésie qui vient du cœur. Entretien.
Le National : « Quelquefois et puis toujours », le titre ressemble à un texte de nouvelles ou le titre d’un roman de Steel, Sagan, ou Du Maurier, pourtant c’est un long poème. Pouvez-vous présenter pour les lecteurs de Le National ce livre ?
Carl Pierrecq : Avant la publication de « Quelquefois et puis toujours » aux Éditions Ruptures, je prenais un plaisir fou à parler de ce livre à quelques-uns de mes amis proches. Je disais à l’un « tu vas beaucoup aimer ce livre » et je disais à l’autre, pour rire, « je vais être ton poète préféré et je suis désolé de tout cet amour que tu vas vouer à mon œuvre », etc, etc, etc. J’aime aborder mon œuvre littéraire et poétique avec mes amis avec une pointe d’humour. Maintenant que le livre est publié, j’ai du mal à en parler. Je refuse même d’en parler comme si en parler c’est un peu spoiler les lecteurs. J’ai l’impression aussi de perdre un peu de légitimité sur ce livre et je voudrais que les lecteurs s’approprient la parole poétique qui s’installe le long des pages. Ce faisant, le lecteur ou la lectrice deviendra co-auteur du livre, car danser, faire l’amour ou écrire, c’est toujours mieux à deux ou à plusieurs. Je crois que la llittérature à toujours été une aventure collective et c’est pourquoi elle est si jouissive.
L.N: Qu’est ce qui vous a poussé à l’écrire ?
C.P: quatre choses m’ont poussé à écrire ce livre : 1) l’amour, celui d’une femme. 2) l’amour, celui de la littérature. 3) l’amour, celui de l’éternité. 4) l’amour, celui de l’amour. Je suis un amoureux des choses de la vie, des histoires simples et grandioses. Je m’émerveille pour si peu. Au fait, si j’ai écrit ce livre, c’est parce que je voulais vieillir à la place d’une femme aimée comme dans un conte philosophique, comme on aurait pu le voir dans un Micro-Méga de Voltaire ou un Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. J’ai écrit ce livre parce que j’aime les grands mythes qui façonnent notre humanité. Pour moi, les personnes qu’on aime éperdument font partie de notre panthéon. D’Elsa d’Aragon à Margha de Philoctète, en passant par Nadja de Breton ou Adlyne d’Adelson Elias, les femmes portent en elles le germe de la poésie et de la beauté du monde.
L.N: Quelquefois et puis toujours, le titre s’apparente à des souvenirs refoulés, des promesses ou des vœux, ce long poème l’as tu adressé à quelqu’un ?
C. P : Il est évidemment adressé à une femme. Il est évidemment adressé à la femme. Il est adressé à l’homme aussi parce que la femme du livre porte aussi l’homme dans son immensité. Il est adressé à l’espèce parce que la femme du livre est assez grande pour accueillir toute l’humanité dans une seule étreinte. Même s’il est adressé à une femme réelle, le livre est pour moi un prétexte pour parler de la beauté du monde et du fait d’exister. Célébrer l’amour, c’est approfondir la connaissance du monde, surtout la connaissance de Dieu, pour paraphraser un peu Marguerite Duras dans L’amant.
L.N. : Quels sont les sentiments que tu as éprouvés en écrivant ce livre ?
C.P: J’avais le sentiment de combattre ma mort, mais aussi la mort de l’être aimé, et surtout celle du monde. C’est utopique ce que je viens de dire et c’est vrai en même temps. La littérature est une saine utopie, celle qui nous empêche à nous autres écrivains de devenir fous.
L.N: As-tu versé des larmes comme Musset dans Les Nuits ou étais-tu stoïque comme Vigny dans La Mort du Loup ?
C.P: J’ai versé des vers (rire). Personne ne peut être stoïque face à l’amour. L’amour est une longue procédure de vulnérabilités, de silences tapageurs et de paroles confuses, mais en même temps, c’est la seule chose au monde qui vaille la peine qu’on s’y attarde et qu’on accorde un peu de crédit. Après, tout le reste est féminisme, machisme et marxisme. On ne peut pas être pour ou contre l’amour. On se doit d’être pour l’amour peu importe la forme dans laquelle il s’exprime, peu Importe ses lignes et ses courbes. L’amour est ou n’est pas. En ce qui concerne les pleurs, je crois que « oui » j’ai pleuré parce que l’être aimé est une femme réelle qui, un jour, disparaîtra comme les arbres, les animaux, les sources et le système solaire. Par une logique absurde, je souhaite qu’une mémoire de l’amour que j’ai porté pour cette femme demeurera longtemps encore quand il n’y aura plus de mémoire, de terre et de monde.
L.N. Mets-toi à la place du lecteur, quelle idée fera t-il en ouvrant et en refermant le livre ?
C.P: Le lecteur ou la lectrice se rendra compte d’une chose : l’amour est une affaire sérieuse.
L. N : Partages avec nos lecteurs un extrait de ton texte ?
C.P: Femme Mars ou Vénus
Les femmes partout viennent de toi
Et les hommes aussi de partout ou de nulle part
Tu es le monde et ses origines
Tu es la pomme et l’arbre
Tu es la démesure des dieux et des mondes
Et tu marches
Et le monde marche avec toi
Et tu marches
Et le monde marche sous tes pas
Et puis tu marches à bride abattue dans la fulgurance de la parole
Et le monde devient ovale
Et ovale le sens du monde
Et le monde devient ovale et sans alphabet
Tu marches
Sous tes pas le monde marche avec toi
Tu marches en moi et hors de moi
Et tu es l’essence diluvienne
De mon poème brut non poli
Et les bruits confus de ta peau lisse font police dans les rues de ma ville
Toi
Femme qui marche dans l’éternité par tes yeux
J’ai une envie ivre de possession de lunes en plein dans ma chambre
J’ai une envie d’arcs-en-ciel »
Le National : Les dates retenues pour les ventes signatures
Carl Pierrecq : Le livre sera bientôt disponible dans toutes les bonnes librairies. Il est déjà sur Amazon pour les commandes en ligne. Nous sommes dans les préparatifs pour les ventes signatures. Les lecteurs et lectrices en seront informés. C’est à eux que le livre est dédié en second lieu et leur regard est nécessaire pour que ce livre rentre véritablement dans l’existence.
Propos recueillis par: Schultz Laurent Junior
