Le 7 août 2025, dans le cadre de la décision du Conseil présidentiel de transition (CPT) de mettre en place une présidence tournante, l'élite sauvage aux commandes d'Haïti depuis quelques décennies va encore renforcer la bêtise et la stupidité en prenant des choix politiques controversés, souvent perçus comme inefficaces par une partie de la population.
Laurent Saint-Cyr, dont le nom n’évoque aucune expérience dans l’appareil d’État et ses institutions, est réputé être un consommateur inutile des fonds du Trésor public, provenant des prélèvements fiscaux obligatoires des citoyens. À l’instar des autres conseillers, il assurera la présidence pour le reste de cette deuxième transition.
Cette gouvernance ne se distingue en rien de celle du Dr Ariel Henry, détenu aux États-Unis après avoir été écarté par un coup de force orchestré de l’extérieur. Au regard du droit international, cette forme de coup d’État — survenue après trente et un mois d’une gestion jugée calamiteuse — pourrait avoir des répercussions au-delà des frontières d’Haïti.
Dans cette ambiance malsaine qui est devenue une tragédie nationale, le CPT a succédé au Premier ministre de facto, Ariel Henry, nommé par le Président Jovenel Moïse juste avant son assassinat. Après près de trois ans à la tête du pays, il a été écarté du pouvoir dans les circonstances que l'on sait. Sans élections, c’est-à-dire sans l'expression forte du suffrage universel, - principe fondamental en démocratie par lequel le peuple délègue sa souveraineté, sans toutefois y renoncer -, l'opposition à Jovenel Moïse aura passé cinq années au pouvoir, le temps d'un mandat présidentiel.
Les tergiversations de Fritz Alphonse Jean
Fritz Alphonse Jean, qui se présente comme économiste, n’a jusqu’ici pas démontré de manière convaincante ses compétences en la matière dans la sphère publique. C'est malheureusement ce même individu, un manipulateur avéré, qui, pendant de longs mois, a collaboré étroitement avec le secteur privé pour gouverner le pays. Or, ce secteur privé qu’il dénonce aujourd'hui comme étant responsable des malheurs du pays, et qu'il avait autrefois critiqué pour son rôle de force réactionnaire "capturant" l'État. En réalité, il redoute la prise de pouvoir de Laurent Saint-Cyr à la date du 7 août, l'homme à qui il doit faire place nette à la direction de l'État dans le cadre de la stratégie du pillage de l'État d'Haïti.
En attirant le danger sur ce couple mulâtre qui va bientôt accéder au pouvoir, Fritz Jean est en train de bluffer. L’homme a un dossier de corruption en traitement au cabinet d'instruction, déposé dans les tiroirs depuis le départ du juge Lamarre Belizaire. Une affaire connue de tous. Le « président » en fin de « mandat » n'est pas meilleur que son collègue Saint-Cyr, avec qui il danse depuis quelques mois sur les dépouilles de la république dans cette présidence tournante.
La société, qui est en perte de repères moraux et éthiques, laisse tout passer et ne sanctionne pas. Le choix de renouveler constamment la déchéance à la direction de l'État est un consensus bien huilé entre les différentes élites qui gouvernent la république. Dans ces conditions, comment espérer avoir des résultats ?
Certains craignent une prise de pouvoir totale du secteur privé à travers deux mulâtres : Didier Fils-Aimé, un ancien allié de René Préval, et Laurent Cyr, le délégué du secteur privé au sein du CPT, où la défense de l'intérêt général — le but ultime que poursuit l'État — risque d'être compromise ou noyée dans les intérêts privés avec la présence de ces deux chefs du pouvoir exécutif placés au sommet de la hiérarchie gouvernante du pays.
Un échec collectif
Au-delà du discours anti-mulâtre, qui est signé d'imbécillité parce qu'il ne permet pas de cerner toute la complexité de la crise haïtienne, il était donc perceptible que le CPT, tel qu'il a été créé, n'était rien d'autre que le symptôme d'un système en déconfiture confié à des pourris. Ce n'était pas la formule politique qui aurait pu fonctionner, mais l'international et les acteurs locaux, en grande majorité représentés au sein de cette structure, l'avaient voulue ainsi.
À qui donc la faute ? C'est collectivement que nous avons choisi de nous tromper. Il serait donc illogique et déraisonnable de mettre le sous-développement d'Haïti sur le dos d'une catégorie sociale bien déterminée. Cet échec est le résultat combiné du crétinisme et de l'incompétence de toutes les classes sociales et tendances idéologiques qui se sont illustrées au pouvoir en Haïti. Il est donc inutile de passer notre temps à écouter les imbéciles qui, dans une logique de manipulation de la conscience nationale, activent la question de la couleur dont l'objectif principal est de continuer à conserver un pouvoir violent, parce que mal acquis. Ils essaient de brouiller la réalité pour cacher leur propre insuccès, dû à leur incapacité à réussir cette transition pour laquelle ils se sont battus jusqu'à commettre l'impensable et admettre l'inadmissible. Le temps n'est pas à la manipulation mais au bilan de toutes les bêtises !
Fritz Jean s'en va donc et Laurent Saint-Cyr arrive. La tragédie haïtienne se poursuivra avec ce consommateur du bien public pour qui, comme pour ses prédécesseurs, la recherche du résultat est le cadet de ses soucis. Il aura six mois pour continuer la catastrophe haïtienne qui les conduira tous dans le dépotoir de l'histoire.
Le projet de société que nous voulons
Notre politique est celle qui s'étend sur la longue durée. Préparons donc le projet de société que nous voulons, non celui élaboré dans des plans concoctés ailleurs, en inadéquation avec nos préoccupations nationales. Notre terre est celle de nos ancêtres. Cette vérité doit nous inspirer et résonner en nous, surtout dans le cœur de nos élites dégénérées, pour une possible reconversion et rééducation aux valeurs de patriotisme, de solidarité et d'intégrité en ces temps difficiles.
Haïti n'est pas seulement un bien que nous possédons ensemble, noirs et mulâtres, égaux en droits et en dignité, selon notre héritage historique et les principes républicains consacrés par toutes nos Constitutions. C'est un héritage sacré que nous devons transmettre aux générations futures.
Une élite véritable, je le répète, assume ses responsabilités dans son propre pays tout en assurant la pérennité des communautés par l'industrie, le commerce et l'éducation. Elle consacre son énergie à chercher des solutions aux problèmes nationaux, plutôt que de se rendre à l’étranger pour y subir l’humiliation. Il n’est pas acceptable qu’elle aille jouir, souvent sans mérite, des acquis bâtis ailleurs par des élites responsables au service de leurs peuples. Dieu prend soin de nous ; à nous de prendre soin de notre patrie.
Ce rappel est une invitation solennelle à la responsabilité à laquelle nous ne pouvons pas manquer et qui exige que nous agissions de manière réfléchie et déterminée pour trouver la solution à la crise actuelle de manière urgente, par la concertation politique indispensable entre tous les acteurs intéressés par le devenir de notre patrie. Il est impératif que les forces progressistes unissent leurs forces et reconstruisent Haïti sur des bases solides, afin d’offrir aux générations futures un avenir digne de ce nom.
Sonet Saint-Louis av
Professeur de droit constitutionnel et de méthodologie à la faculté de droit et des sciences économiques de l'université d'État d'Haïti.
Professeur de philosophie
Sous les bambous,
La Gonâve, 5 août 2025
Tél : +509 440 73580
Email : sonet.saintlouis@gmail.com
