Haïti: Le cas «Ariel Henry», une dangereuse boite de pandore

Dans une société polarisée sous télécommande internationale, oser ramer à contrecourant des vagues majoritaires , en plus perçues comme bien-pensantes, reste une prouesse herculéenne. Mais, comment se tenir coi  devant une action d’une arrogance si dangereuse et dont les conséquences seront éminemment désastreuses, pas seulement dans l’immédiat, mais pour des générations à venir ?

Aujourd’hui, comme souvent, Haïti se trouve dans des dilemmes inimaginables et pratiquement insolvables . On est constamment en situation de choisir entre le mal et le pire, entre la montée des eaux et l’avalanche.

Nous voici haïtiens - en dépit de notre aversion, de nos haines pour un Président hâbleur, magouilleur, nul en action - obligés d’être vent debout contre son assassinat. Parce que l’acte en soi est, dans sa réalisation non seulement dégradant pour la victime et sa famille, mais répugnant et blessant pour l’humain et les fiers citoyens haïtiens que nous sommes. Il  endeuille notre âme haïtienne et constitue une vraie souillure pour la République.

Alors, par orgueil  citoyen nous devions nous dresser tous comme un seul homme pour nous battre afin  que justice soit rendue, mais que plus jamais cela ne se reproduise ni ici, ni ailleurs.

Or, avant même de nous redresser suite à cette gifle fatale, nous voici, encore en ce mois de Mars, empêtrés dans un autre choix difficile  entre garder en exil ce  nullard, vendeur de patrie et se dresser contre la façon de le démettre de sa fonction parce qu’elle s’achoppe sur un principe fondateur de la liberté des peuples « par in parem non habet imperium» un Etat n’a pas de juridiction sur un autre . 

D’où  la nécessité de sauver ce principe fondateur de l’avenir et de la dignité des peuples à disposer d’eux-mêmes malgré le fait qu’on serait bien content de voir ce bonhomme qui nous a causé tant de malheur partir loin de nous . Un ouf de soulagement si nécessaire  nous commanderait de nous esclaffer de son sort en disant qu’il a récolté ce qu’il avait semé, en bon créole ma défunte grand-mère dirait «zandolit la pran souflèt la mezi machwèl». Mais au-delà de la petite superficie de ce personnage minable, se joue la survie, le prestige, la dignité de toute une nation. 

Avant toute satisfaction personnelle ou collective comment accepter sans risque de créer un mauvais précédent que le poste de Chef de l’Etat (de facto ou pas), soit aussi banalisé et infantilisé par un autre Etat? À bien soupeser la situation quelles seront les conséquences pour Haïti en particulier et pour les États faibles en général ?

Procédons par un constat factuel suivant les informations disponibles via les medias : Ariel Henry fut nommé Premier Ministre, à la veille de sa prise de fonction survint  l’assassinat du Président . Son prédécesseur qui lui avait déjà remis charge et attendait seulement la cérémonie de son intronisation revint, de son propre chef,  à la charge avec une déclaration aussi surprenante que creuse : tout est sous contrôle. Quelques heures plus tard, après de multiples tractations , le  fameux core group tranche par un Tweet et décide que ce soit le Dr Ariel Henry qui assume les commandes de l’Etat. 

Durant des mois tout s’organise autour de ce dernier pour concentrer entre ses mains les trois pouvoirs de l’Etat . Donc, il est de fait à la fois chef de gouvernement et chef d’état et comme tel il a été dans tous les fora et conventions internationaux sous son chapeau de chef d’Etat Haïtien.

Son tout dernier périple commençait à partir du Kenya, sur demande des USA, sous couvert d’une résolution de l’ONU, où il devait signer un protocole d’accord avec le Président Kenyan pour répondre aux exigences de son parlement  quant au débarquement des troupes kenyanes en Haïti . On lui a même déroulé là bas le tapis rouge.

Maintenant, qu’est-ce qui s’est passé depuis ? Les faits médiatisés nous présentent un jeu à la roulette russe dans lequel notre pantin de Premier ministre serait pris. Dans la confusion des nuages de rumeurs et de supputations, une chose est évidente: le gars est retenu à l’étranger contre son gré, quoique coiffé de son bonnet de chef d’État.

Cette situation, en dépit de tout éventuel bienfait qu’elle pourrait procurer à la faune  politique haïtienne, crée malheureusement  un mauvais précédent très dangereux pour l’avenir du pays. Elle ouvre une boite de pandore où les puissants quand bon leur semble peuvent - au cours des voyages des dirigeants faibles dans leur précarré pour des motifs inavoués et inavouables - en sortir contre eux le kidnapping, la mise sous arrêt et même la torture aux fins d’extorsion de quelques avantages ou autres .

Dans ce même registre, jusqu’où les États puissants et  riches peuvent aller quand ils veulent imposer aux plus faibles leurs lois suivant leurs intérêts et au détriment de ceux des  autres ? Nous avons déjà eu trop de dérives de leur part,  là maintenant le cas haïtien est inédit; mais détrompons-nous il ne tardera pas à faire école si bouche cousue et bras croisés nous encaissons le coup .

Jovenel Moise a été contraint de voter contre le Venezuela, puis humilié et assassiné, Ariel Henry contraint de toutes les viles courbettes pour obtenir une occupation honteuse du pays, ensuite mis en laisse comme un caniche et jusqu’à présent ni lui ni le pays ne savent dans quelle sauce ils seront cuits.

Maintenant, si les pays de la Caraïbe s’enorgueillissent d’avoir fait le sale boulot et si les pays africains pensent qu’ils sont trop loin pour s’y impliquer et crier au temps pour nous; car ce ne seraient  pas leurs oignons, eh ben là ! frémissez à votre réveil que le cas haïtien ne soit pas une boîte de pandore ouverte pour que le chef d’état de vos pays respectifs déjà à indépendance sous caution ne soit le prochain Ariel Henry de Haïti. À bon entendeur salut .

 

Daniel JEAN, Av.

daniel_jean50@yahoo.fr

19 Mars 2024

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