Cette année, c’est officiel : la date du 14 août, marquant la cérémonie de Bois Caïman, ne passera pas inaperçue. Le gouvernement a décidé de la proclamer jour férié national et prévoit une série de festivités culturelles pour célébrer cet événement hautement symbolique.
Lors de la 21ᵉ édition des Mardis de la Nation, l’exécutif a mis en lumière cette commémoration. Selon la Primature, la cérémonie de Bois Caïman incarne l’un des symboles majeurs de la révolte et du soulèvement des ancêtres, prélude à la fondation d’Haïti et à l’affirmation de son identité. Pour 2025, le gouvernement de transition a débloqué plusieurs millions de gourdes pour financer les célébrations, avec des activités culturelles prévues dans toutes les régions : concerts, danses, représentations théâtrales. L’objectif est d’honorer la mémoire des ancêtres et de réfléchir à ce grand événement historique, qui rassembla des centaines d’esclaves décidés à conquérir la liberté et la souveraineté.
Pour l’anthropologue et professeure d’université Rachelle Dominique, Bois Caïman fut un événement « extraordinaire » qui insuffla aux esclaves une force nouvelle, les conduisant vers l’indépendance nationale, proclamée le 1er janvier 1804. Elle rappelle que cette cérémonie s’inscrivait dans un cadre religieux : les esclaves invoquaient leurs divinités africaines (loas) pour les soutenir dans leur lutte contre le « dieu des Blancs » qui les opprimait. L’événement avait aussi une portée politique : le discours enflammé de Boukman galvanisa les participants, les convainquant qu’ils étaient invincibles et prêts à affronter les colons armés de fusils et de munitions.
L’historien Thomas Madiou y voit, lui, un moment où la nature et la volonté humaine se sont mêlées pour donner naissance à un grand peuple : « La nature s’en est mêlée, avec des orages et une forte pluie. Les représentants des différentes plantations de la plaine du Nord étaient présents, attendant le discours de Boukman. » Pour de nombreux historiens, la cérémonie de Bois Caïman symbolise la résistance et traduit le cri d’un peuple épuisé, décidé à prendre son destin en main pour vivre libre.
Dans le contexte actuel, le gouvernement affirme vouloir renforcer et valoriser le patrimoine culturel national. Des travaux de restauration sont en cours sur le site historique, et une commission a été créée pour faire avancer le projet. Par décret présidentiel du 11 décembre 2024, le 14 août a été officiellement reconnu jour férié en Haïti. À cette occasion, l’administration publique, les établissements scolaires, ainsi que les institutions commerciales et industrielles suspendront leurs activités sur tout le territoire. Dans le département du Nord, les autorités locales se préparent déjà : un programme d’activités socioculturelles est prévu sur le site tout au long de la journée.
Depuis octobre 2024, la Délégation permanente d’Haïti auprès de l’UNESCO a officiellement proposé l’inscription du site de Bois Caïman, élément central du patrimoine immatériel haïtien, au Réseau UNESCO des lieux de mémoire liés à l’histoire et à l’héritage de l’esclavage. Cette démarche pourrait renforcer la reconnaissance internationale de son rôle dans la lutte mondiale contre l’esclavage. Aujourd’hui encore, Bois Caïman demeure un lieu d’inspiration, à la fois mystique et spirituel, qui attire chercheurs, pratiquants du vodou et passionnés d’histoire, désireux d’en apprendre davantage sur cet épisode fondateur qui continue de marquer la mémoire collective haïtienne de génération en génération.
Oberde Charles
