Armes illégales en Haïti: le rapport de l'ONU révèle des chiffres alarmants

Dans le rapport présenté sur le financement de la violence armée en Haïti, le groupe d’experts des Nations unies créé par la résolution 2653 estime que le nombre d’armes à feu en circulation dans la population civile, les organisations de recherche spécialisées, les organismes des Nations unies et les agences gouvernementales haïtiennes est passé de 291 000 en 2018 à 600 000 en 2022. Ces armes sont majoritairement en provenance des États-Unis et sont passées par le marché illicite à travers la frontière haitiano-dominicaine.

Selon les enquêteurs la mauvaise gestion des frontières, la faiblesse des contrôles douaniers et la corruption constituent les principaux moteurs de l'expansion de la violence dans le pays. Les ports, les terminaux et les frontières sont pour la plupart contrôlés par des hommes d’affaires, des familles et des marchands qui servent de leurs influences pour assurer le trafic illicite d’armes à feu. Les détenteurs d’armes qui se fournissent de manière illicite sont de tout type civils, sociétés de sécurité privées et gangs.

Le Groupe d’experts dit constater que certains douaniers avaient été impliqués dans des malversations financières. Tel est le cas de l'ancien, Directeur général des douanes de 2018 à 2022, Romel Bell qui a commis et encouragé la fraude fiscale et d’autres infractionfinancières, dont des transactions bancaires suspectes. Il avait selon le rapport toléré un système corrompu qui a compromis les processus de contrôle douanier, ce qui a eu un impact non seulement sur les recettes douanières, mais aussi sur la capacité des douanes d’empêcher le trafic de marchandises illicites, y compris d’armes et de stupéfiants, à destination et en provenance du pays, portant atteinte ainsi à la sécurité et à la stabilité d’Haïti. 

« Bien qu’il soit très difficile de déterminer le nombre d’armes à feu en circulation dans la population civile, les organisations de recherche spécialisées, les organismes des Nations Unies et les agences gouvernementales haïtiennes estiment qu’il serait de 291 000 en 2018 et de 600 000 en 2022. Puisque seulement quelques milliers de permis d’armes à feu sont délivrés ou renouvelés chaque année la grande majorité des armes à feu sont détenues de manière illégale. Comme dans d’autres pays des Caraïbes, les armes de poing de 9 mm restent les plus convoitées. Les autorités ont saisi 191 armes à feu entre octobre 2022 et juillet 2023, dont 102 pistolets et 45 fusils», ont indiqué les enquêteurs.

Les experts ont indiqué que la majorité de ces armes proviennent des États-Unis, notamment l'état de Miami. Rappelant que les autorités américaines avaient renforcé les contrôles et saisi plusieurs armes et munitions à destination d’Haïti par voie maritime ou aérienne. Entre janvier 2020 et juillet 2023, le Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a saisi 15 938 munitions de différents calibres ainsi que 35 carcasses et 59 armes, dont 45 armes de poing, 1 fusil de chasse, 12 fusils et 1 mitrailleuse. 

Une grande partie du trafic passe sous le radar, toutefois, les autorités dominicaines et haïtiennes ont effectué plusieurs saisies récentes de part et d’autre de la frontière. Les affaires concernent souvent du matériel acheté à l’origine aux États-Unis et acheminé vers le marché illicite de la République dominicaine. L'achat de matériel sur le marché illicite est très bénéfique pour le marché dominicain reste, un fusil semi-automatique de 5,56 mm coûtant entre 500 et 700 dollars aux États-Unis peut se vendre environ 2 500 dollars en République dominicaine ou deux à trois fois plus en Haïti.

De plus, le Groupe d’experts révèle que les gangs peuvent acheter sur le marché illicite haïtien ou en République dominicaine des armes de poings, des fusils à pompe et des fusils semi-automatiques de 5,56 mm ainsi que les munitions correspondantes, les gangs les plus importants et les plus riches essaient de se fournir directement aux États-Unis pour certains types de matériels spécifiques, par exemple des armes de plus gros calibre, comme des fusils anti-matériel de 12,7 x 99 mm, des mitrailleuses légères et les munitions correspondantes ou d’autres calibres peu courants.

« Plusieurs gangs, en particulier 400 Mawozo, dont le territoire est le plus proche de la frontière, passent par des trafiquants dominicains pour acquérir des armes à feu et des munitions. Le Groupe d’experts a enquêté sur d’autres cas montrant des réseaux passant par des responsables corrompus, notamment des policiers, des fonctionnaires et des proches des autorités locales, qui facilitent le passage de matériel illicite. Dans la plupart des cas examinés par le Groupe d’experts, le trafic passe par le poste frontière de Belladere, par lequel la plupart des marchandises officielles en provenance de la République dominicaine entrent en Haïti» ont-ils révélé. 

Les investigateurs ont montré qu'au cours des trois dernières années, les gangs des départements de l’Ouest et de l’Artibonite ont considérablement augmenté leur puissance de feu, leur stratégie d’acquisition se concentre surtout sur les fusils semi-automatiques. Ils continuent d’utiliser principalement des armes de poing de 9 mm et des fusils semi-automatiques de 5,56 mm ainsi que des fusils semi-automatiques de 7,62 x 39 mm, mais dans une bien moindre mesure. La demande d’armes fait progresser les prix et le trafic devient une activité lucrative. Ainsi, des fusils semi-automatiques de 5,56 mm, qui se vendraient pour quelques centaines de dollars aux États-Unis, sont régulièrement vendus entre 5 000 et 8 000dollars en Haïti, tandis qu’une arme de poing de 9 mm peut être vendue entre 1 500 et 3 000 dollars et les munitions entre 3 et 5 dollars la cartouche. 

Ils ont en outre souligné qu' entre 2012 et 2023, près de 2 500 armes à feu de la police ont été déclarées perdues ou volées. Certaines d' entre elles sont emportées par des bandits suite à des attaques contre les policiers, d'autre part les policiers vendent leurs propres armes à feu et munitions. «Les unités de police, même celles qui n’utilisent pas habituellement les armes à feu dont elles disposent, reçoivent régulièrement des munitions, ce qui pousse certains policiers à vendre leur surplus», disent-ils 

 

Sheelove Semexant 

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