Rencontre de la Jamaïque : une tempête dans un verre d'eau

Des assises réunissant les acteurs politiques haïtiens se sont tenues en Jamaïque du 11 au 13 juin. Sous la pression de l'insécurité croissante et d'une gouvernance défaillante, ces discussions ont offert une lueur d'espoir pour un véritable changement en Haïti. Les participants ont abordé des sujets cruciaux tels que l'amendement constitutionnel, la sécurité et les élections. Malgré l'échec des discussions, certains acteurs ont réussi à signer une proposition de sortie de crise.

 

 

Des acteurs politiques haïtiens, qui sont généralement à couteaux tirés, ont répondu à l'invitation de la CARICOM pour discuter de la crise. Cependant, sur ce terrain neutre offert par Kingston, chaque structure cherche à défendre sa vision.

 

Certains acteurs politiques ont manifesté leur volonté de rejoindre le consensus du 21 décembre, un projet auquel le Premier ministre, Ariel Henry, reste attaché et défend ardemment dans son discours. D'autres souhaitent que les discussions aboutissent à une décision commune, tandis que le groupe G8 souhaite que toute déclaration conjointe soit signée en Haïti et non en Jamaïque.

 

Le Groupe Montana, représenté par Mme Magali Comeau Denis, Ted Saint Dic et l'Ingénieure-Architecte Ginette Chérubin, propose quant à lui de rétablir les trois pouvoirs de l'État sur une base consensuelle et transitionnelle, conformément à la Constitution de 1987. Ils proposent la mise en place d'un exécutif bicéphale dont les détails exacts seront définis par consensus. Ils ont également proposé, entre autres, d'ajouter deux membres au Haut conseil de transition (HCT) et de tenir une Conférence nationale souveraine.

 

Cependant, ces trois jours n'ont pas été sans tensions. Lors de la deuxième journée des travaux en atelier, Ted Syndic, Ginette Chérubin du groupe Montana et Pierre Espérance ont exprimé, au nom de la souveraineté nationale, leur opposition à toute assistance armée pour résoudre la crise sécuritaire en Haïti.

 

Les réactions suscitées par ces déclarations du côté des partisans du pouvoir ont obligé l'ancien Premier ministre de la Jamaïque, membre du groupe de personnalités éminentes de la CARICOM, à mettre rapidement fin aux travaux en atelier pour faciliter un retour au calme, selon les informations.

 

D'autres acteurs présents ont adopté une position plus rigide et estiment que ces rencontres doivent permettre un changement du statu quo. Emmanuel Menard, présent durant les journées d'échanges, indique que l'exécutif dirigé par le Premier ministre Henry est contesté par une majorité des participants. «Aucune élection n'est possible avec ce gouvernement», soutient-il.

 

Il informe que sa structure, la Force Louverturienne Réformiste, proposera une formule consensuelle pour une nouvelle gouvernance intérimaire. Il ajoute que sa structure rejette les offres d'un remaniement ministériel et de changements ici et là dans l'administration pour sauver les meubles de la coalition. «Rien ne sera plus comme avant», a-t-il fait savoir.

 

Néanmoins, malgré les divergences, certains acteurs ont signé une proposition de sortie de crise à l'issue de la troisième journée de discussion.

 

Les signataires de cette entente proposent le rétablissement d'un pouvoir exécutif avec un Collège présidentiel et un gouvernement d'unité nationale dirigé par un Premier ministre. Le document indique que le gouvernement devra créer les conditions nécessaires pour inspirer confiance à la population, instaurer un climat de sécurité favorable à la reprise des activités économiques, aux réformes et à la tenue d'élections crédibles et inclusives.

 

Les partis politiques et organisations signataires proposent également que le gouvernement puisse satisfaire les priorités définies dans une feuille de route servant de référence pour la transition, avec la mise en place d'un comité de suivi comprenant notamment des représentants de la CARICOM. Les partis EDE, En Avant, UNIR, Fanmi Lavalas, Mopod, ainsi que des représentants du groupe Montana figurent parmi les signataires de cette proposition.

 

De retour au pays, le Premier ministre Ariel Henry s'est félicité des pourparlers qui se sont déroulés en Jamaïque sous l'égide de la CARICOM. Lors d'un point de presse le 14 juin, à l'aéroport international Toussaint Louverture, le chef du gouvernement a indiqué que ces consultations leur avaient permis de constater que leurs points de convergence sont plus nombreux que leurs points de divergence. Il a exprimé le souhait que le gouvernement parvienne à une déclaration commune sur la crise sécuritaire et à des pistes de solution pour créer les conditions propices à la tenue d'élections dans le pays.

 

Le Premier ministre a également évoqué le prochain remaniement du cabinet ministériel annoncé lors de son discours, ainsi que la mise en place du prochain Conseil électoral provisoire pour entamer le processus électoral.

 

Cependant, l'absence d'un consensus adopté par l'ensemble des parties prenantes compromet la recherche de solutions à la crise. Cette situation laisse présager un avenir encore plus incertain pour Haïti et mine totalement la confiance du peuple envers les dirigeants politiques.

 

 

Esdra Jeudy 

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