Trafic d’armes: ce commerce juteux et assassin

Pendant que les groupes armés font chanter la poudre un peu partout dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince, au moins 3 cargaisons d'armes et de munitions ont été saisies respectivement dans les douanes de Port-de-Paix et de Port-au-Prince. Avec ce commerce juteux, qui rapporte gros aux trafiquants, le pays semble être encore loin de s'en sortir sans des mesures célères et sévères de la part des autorités politiques, judiciaires et policières.

Après Port-de-Paix, plusieurs containers suspects ont été détectés à la douane de Port-au-Prince dans la nuit du mercredi 13 juillet. Dans une opération de fouille, le jeudi 14 juillet, au port de la capitale, la Police a procédé à la saisine de beaucoup d'armes de gros calibre ainsi que des munitions.

Cette opération est conduite par un détachement d'agents du Bureau de lutte contre le trafic de stupéfiants (BLTS) / DCPJ sous la supervision du  commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Jacques Lafontant, qui s'est fait accompagner d'un juge de paix. Beaucoup de tractations se font autour de l’identité des propriétaires de ces containers. Aucune autorité n'est encore en mesure, comme c'est souvent le cas, de confirmer à qui appartiennent ces armes et munitions.

Déjà, dans la nuit du 12 au 13 juillet, les forces de l'ordre dans le Nord-Ouest avaient intercepté un camion en direction de Port-au-Prince transportant une cargaison de 25 000 cartouches emballées dans 26 caisses.

Bien avant ce coup de filet, une grande opération à la douane de Port-de-Paix a conduit à la saisie de 120 000 cartouches répartis dans 157 caisses, des armes de poing, des chargeurs et des étuis de fusil Ak-47, 3,890 dollars américains et 814 mille 343 gourdes . Ces cargaisons en provenance des États-Unis ont été transportées par le bateau dénommé Miss Lili.

Malheureusement, les deux personnes arrêtées au cours de cette opération allaient rapidement recouvrer leur liberté à l'initiative du commissaire du gouvernement près le tribunal de Première instance de Port-de-Paix, Michelet Virgile. Ce dernier a été vite mis à pied par le ministre justice, puis arrêté et transféré à la Direction de la police judiciaire à Port-au-Prince pour des soupçons de corruption dans la libération de ces présumés trafiquants d'armes.

Ces derniers jours, la Police s'active un peu dans la chasse aux trafiquants. Les agents douaniers semblent aussi être plus collaboratifs depuis le renvoi de l'ancien directeur général de l'AGD, Romel Bell, accusé dans le trafic d'armes. Est-ce par pure coïncidence que ces opérations soient menées après son départ de la douane?

Depuis bien des temps, les frontières du pays sont devenues de véritables passoires pour les trafiquants de tout acabit, en particulier ceux des armes à feu qui sont transités par les ports, les aéroports et les  points frontaliers limitrophes de la République dominicaine. Pourtant, cela fait bien des années que Haïti est sous embargo en ce qui concerne les armes à feu.

À présent, personne ne sait la quantité d'armes en circulation sur le territoire. Les gangs armés ne cessent d'exposer sur les réseaux sociaux, des armes de guerre susceptibles même de donner le tournis. Il est donc un fait que beaucoup d'armes à feu circulent dans le pays. En 2017, le sénateur Jean Renel Sénatus, qui était président de la commission Justice, Sécurité et Défense nationale du Sénat avait fait état de 400 mille armes à feu en circulation de façon illégale. Quelque cinq ans après, ce chiffre doit avoir considérablement augmenté.

Alors que la circulation des armes semble hors de tout contrôle dans le pays, pourtant depuis bien des années l'achat et la réglementation des armes deviennent la chasse gardée de la Police nationale d'Haïti. Quelqu'un qui veut faire légalement l’acquisition d'une arme doit écrire au directeur général de la PNH qui lui délivre une autorisation. Après l'achat le détenteur de l'arme doit se rendre à la Direction de la police judiciaire pour l'enregistrement. Sur le papier, c’est un secteur bien contrôlé.

Ce qui parait paradoxal, en dépit des restrictions imposées sur les armes à feu, la population civile n'a jamais été aussi armée. Les groupes armés se multiplient. Les demandes en armes, munitions et autres accessoires augmentent aussi. Et, le commerce devient plus florissant au grand dam de la population qui risque de compter encore longtemps les morts et les blessés par balle.


Noclès Débréus

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