La machine électorale vient de s’ébranler. Le Conseil électoral provisoire a publié un projet de décret qui comporte quelques nouveautés intéressantes : le respect du quota de 30 % de participation des femmes et, enfin, le vote de la diaspora.
Le décret a tout pour séduire et inviter à la participation. Le gouvernement vient de lancer un « alléchant » programme de formation à l’intention des partis politiques. Beaucoup d’argent sera dépensé… pour quels résultats ? La culture du résultat n’est pas, chez nous, la chose du monde la mieux partagée.
Quoi qu’il en soit, ce cap mis sur les élections n’apporte pas toutes les réponses à nos angoisses. L’insécurité, et sa rapide extension dans les régions de l’Ouest et de l’Artibonite, demeure la seule réalité sanglante et ressentie dans la chair. Les grandes manœuvres électorales résonnent, pour le moment, comme une grosse caisse vide invitant à un bal improbable.
Et pourtant, on souhaite autre chose pour notre pays : que le gouvernement parvienne, dans ces moments critiques, à faire plus que « libérer » le Champ-de-Mars ; que les éventuels électeurs puissent voter sans une mitraillette sur la tempe ni dans un chaos total, au milieu des claquements de fusils.
Le chemin est, on ne peut plus, malaisé. Mais ce n’est pas tout. Avoir deux cents partis politiques ne rassure en rien, sinon pour rappeler notre taux inquiétant de chômage. Nous avons un urgent besoin de solutions à court, moyen et long terme pour des choses aussi simples que l’assainissement de nos rues, le fonctionnement rationnel des hôpitaux et des marchés publics, ou la gestion non calamiteuse de nos installations aéroportuaires. Bref, dans un premier temps, juste un peu de dignité. Les Haïtiens ont besoin de reprendre confiance dans un processus politique qui garantisse l’avenir.
Pour l’heure, le décret électoral ressemble davantage à une promesse qu’à un projet réalisable. Sans sécurité, sans confiance, sans volonté réelle de rupture avec les vieilles pratiques, les urnes risquent encore une fois de ne refléter que le désenchantement d’un peuple fatigué. Pourtant, c’est dans ce même peuple que réside la clé du renouveau, si tant est qu’on lui en donne enfin les moyens.
Roody Edmé
