Jonel Juste, écrivain et journaliste haïtien, publie en 2025 son recueil bilingue “Anba Syèl Ble a” (Sous le ciel bleu), aux Éditions Marginales, à Miami. Ce recueil de nouvelles, rédigé principalement en créole haïtien, se situe à la croisée du témoignage et de l’imaginaire, brouillant volontairement les frontières entre réalité vécue et fiction anticipatrice.
Dès l’introduction, Jonel Juste annonce l’ambition de ce recueil : raconter "yon bann koze k ap dewoule toulejou anba syèl ble a" (des histoires qui se déroulent constamment sous le ciel bleu). Des nouvelles inspirées par des histoires du quotidien, traversées par l’espérance et les luttes d’un peuple. Ce ciel bleu devient métaphore d’un horizon partagé, témoin des douleurs et des rêves.
La nouvelle phare, “Tout Syèl la Klere”, transporte le lecteur en 2050, dans un monde bouleversé par la robotisation et l’intelligence artificielle. Par un renversement symbolique, Haïti devient terre d’opportunité qui attire des immigrés américains et européens, victimes du chômage technologique dans leurs propres pays. À travers le parcours d’Aleksann, médecin haïtien retourné au pays, l’auteur invite à réfléchir sur l’avenir de l’humanité, la notion de progrès et la place de l’homme face à la machine.
Entre journalisme et littérature
Ce qui distingue le recueil de nouvelles “Anba Syèl Ble a”, c’est le style de Jonel Juste, à mi-chemin entre reportage et fiction poétique. Chaque récit, ni trop long ni trop court, possède une intensité propre. Le rythme journalistique se mêle à la profondeur de la méditation. Le critique Jean Venel Casseus souligne cette stratégie narrative : "chak narasyon se yon balans ant reyèl epi santiman… Anba Syèl Ble a gen ritm nouvèl, sansasyon repòtaj, ak limyè refleksyon pwofon " (chaque narration oscille entre le réel et le ressenti… “Anba Syèl Ble” a le rythme de la nouvelle, la sensation du reportage et la lumière des réflexions profondes).
Le recueil ne se limite pas à la science-fiction. Certaines nouvelles replongent dans l’histoire récente d’Haïti, notamment après le séisme de 2010 et la gestion controversée de l’aide internationale. D’autres explorent des souvenirs d’enfance, des récits de survie ou encore des visions mystiques, mêlant imaginaire populaire et mémoire intime.
Dédié à tous ceux qui croient qu’Haïti peut changer, que des fleurs peuvent naître du béton et de la pierre, et qui verront l’an 2050 , “Anba Syèl Ble a” se lit comme un acte de foi dans la résilience. C’est un livre qui interroge l’avenir mais qui, en même temps, se nourrit de racines profondes dans le vécu haïtien.
Schultz Laurent Junior
