Attention: une nouvelle vague de femmes dans la commune de Pétion-Ville !

Dans les rues de Pétion-Ville depuis plusieurs années, elles traînent sur les trottoirs quand elles ne sont pas accrochées dans les clôtures et les murs des rares résidences privées et d’autres institutions de référence de la ville. Impossible de rester indifférent devant ces femmes,  sans laisser son regard se distraire autour de leur charme, de leur sourire, de la sculpture de leur corpulence, de leurs seins ou des saints qu'elles représentent, et du sens sacré qu’elles dégagent parmi les vierges associées à notre panthéon.

Des regards perçants ou troublants laissent parfois traduire certaines émotions au grand public et aux spectateurs de la ville. Ces visages de femme racontent à la fois  toute l’histoire contemporaine de cette terre martyr, ainsi que les quatre saison du genre humain à travers le sexe faible. 

Des tableaux de femmes exposés dans les rues de Pétion-Ville, tôt le matin et très tard dans l'après-midi, quand elles ne passent pas toute la nuit exposées dans ces boutiques d’art à ciel ouvert, plus d'un peuvent  s'en offrir une d'elles, parmi ces toiles en série   pour quelques centaines ou des milliers de gourdes. 

Des miettes certainement, comparables aux prix des tableaux souvent du même registre esthétique exposés  les rares galeries d'art qui fonctionnent encore à Pétion-Ville, dans ce marché de l'art qui donne toujours carte blanche à la beauté. Face aux lois de l'offre et de la demande, et des familles à nourrir, ces hommes créateurs qui résistent encore et  fièrement aux autres possibles et viles attractions des plus rentables que certaines villes rouges du pays peuvent leur offrir, se livrent dans la production en série et à bon marché, en misant sur l'influence de leurs talents pour impressionner le plus grand nombre.

Du marché de l'art haïtien à la marche esthétique, ces créateurs haïtien, trichant entre les techniques de l'art et de l’artisanat en Haïti, qui évoluent dans  la commune de Pétion-Ville, continuent de réinventer à chaque occasion de nouvelles collections de portraits tout en rendant hommage aux femmes du pays, comme le peintre et musicien Ansy Derose le faisait si bien dans les refrains de ses chansons «Ala fanm yo bèl, Fanm Ayiti yo bèl ». 

Découvrons ensemble, au travers de ces beautés créoles affirmées, la représentation des silhouettes de ces femmes originaires d’Afrique. Une passion affirmée par la détermination de les rendre vivantes et visibles. La valorisation des femmes de teints occidentaux est de plus en plus en pause depuis un certain temps. Ces (nouvelles) peintures figuratives nous parlent dans un langage profond. Il faudrait rappeler que cette esthétique qui priorise les féminins, s’accompagne également, autant  des fragments que des jets de couleurs, en dehors des éléments du surréalisme abordés au passage. Sans pour autant enlever certaines des émotions sur les visages colorés de cette nouvelle vague de femmes dans les rues de Pétion-Ville, la représentation de chacun des sujets, tout en étant des copies, propose une variété de tons animés et de scènes parfois surchargées.

Des bouches qui laissent apparaître visiblement à la fois le sel de la vie et le sucre de l’amour, sous les couches épaisses de poussière des rues déposées silencieusement par le vent et les échappement de gaz des moteurs qui fréquentent régulièrement la zone. Entre l’ombre et la lumière, la souffrance des quotidiens monotones et l’espoir d’un client qui viendra les décrocher, ces femmes en voile, vêtues et parfois nues exposent visiblement les couleurs de la vitalité de cette race résiliente, et toujours rêveuse d'une vie meilleure.

Des veuves ou des femmes solitaires, dans certains cas des mères accompagnées de leurs enfants, trempées dans la représentation du syncrétisme Catholique-Vodou, continuent de garder la foi dans les faveurs de Dantor et de Freda, ces deux principales Erzulie qui coiffent la dualité dans les relations entre l’amour et l’argent, au pays dirigé par les femmes dans l’ombre.

De plus en plus de femmes sont représentées dans un nombre important de  toiles exposées dans la commune de Pétion-Ville, en particulier dans le voisinage de la place Saint-Pierre. Cette nouvelle vague de peinture ne se limite pas uniquement à représenter l’esthétique de la femme haïtienne plastique. Elle dégage dans cette somme de productions picturales récentes un nouvel intérêt pour la promotion des femmes locales, des femmes du terroir et des femmes nationales totales.

Dans toute l'histoire de l'art haïtien, les femmes ont toujours une place d’importance dans la palette des différentes générations et tendances des artistes peintres, des sculpteurs et des plasticiens du pays en majorité des hommes. Au fil des temps, et à chaque saison, elles se manifestent différemment, d’un ton contrastant à un autre, des teints rayonnants à des corps moins volumineux,  mûrs et matures. Ici, on retrouve presque toutes les tranches d'âge dans ce marché des femmes mises en tableaux, qui n’a rien à enlever de la réalité des autres femmes qui évoluent dans d’autres coins de cette ville.

Dans ce coin de rue paisible, mais très ensoleillé et parfois embouteillé dans la plupart du temps, ces femmes, se livrent à la ruse des créateurs qui signent avec d'autres noms d'artistes, à la rude compétition du marché artistique, et  aux regards croisés du public qui tombe en admiration de façon ouverte et voilée. Ces femmes aux lèvres épaisses, aux multiples coiffures, avec les visages sains ou nuancés, en dehors des cicatrices, les cheveux colorés, aux yeux verts, bleus, marrons, noirs et pastels posent et trônent sur la ville.   

Dans cette galerie à ciel ouvert, exposant des centaines de tableaux en face de l'hôtel Kinam II, un nouveau regard sur la représentation des femmes dans les arts plastiques en Haïti, est mis en avant.  Parmi les différents sujets abordés par ces talentueux créateurs haïtiens, inventifs et modestes, pour la plupart des artistes autodidactes qui n’avaient pas eu la chance de fréquenter l'École nationale des Arts (ENARTS), on retrouve des têtes de femmes, des portraits de femmes, des corps de femmes, des femmes nues, des femmes paysannes, des femmes patriotes portant le bicolore comme mouchoir, des femmes sensuelles, des femmes rebelles, des femmes en devenir,  des femmes au marché, des femmes dans la spiritualité, des femmes mères, des femmes au marché, des femmes débout, des femmes d’origine africaine, et des femmes authentiquement haïtiennes dans leur corps et leur âme, dans leur coeur et leur charme qui nous désarme.

Dans ce paysage féminin, entre la flore esthétique  et la faune sensuelle  exposées, se tiennent débout l’Empereur Jean Jacques Dessalines dans la commune de Petion-Ville. Les va et vient des passants qui fréquentent les trottoirs de cette commune n'empêchent pas pour autant aux automobilistes et aux motards de jeter leurs regards, à force que ces femmes occupent le sommet des expositions. 

De l’attention, ces femmes en réclament au passage, pendant que les auteurs de ces œuvres, ces talentueux artistes et exposants attendent désespérément de nouveaux clients pour négocier la prochaine vente. 

De l’encadrement de la part de la mairie de la commune, ou de l’assistance venant des autres entités culturelles, des élites modestes  et philanthropes fréquentant la plus riche ville du pays, on en réclame pour ces misérables talents. Au pays dépourvu de véritables structures impliquées dans la recherche, la formation, la production, la promotion et la diffusion des biens, produits et services artistiques et culturels, l’engagement manifeste et renouvelé de ces créateurs solitaires et solidaires mérite plus que jamais des applaudissements et des encouragements.  

Dans une approche beaucoup plus  esthétique que sociologique, ces femmes modèles, ces femmes miroir, ces femmes maquillées, déshabillées, méprisées et oubliées présentent toutes les traces de la vie et les tâches du vide autour de nous. C'est véritablement une chance pour le pays, de pouvoir disposer encore autant d'artistes portraitistes, peintres et plasticiens aussi excellents, pour représenter l'une de ses plus importantes réserves et ressources pour se renouveler, se recréer et se réinventer aux quatre saisons. Il est venu le temps de vous offrir une ou plusieurs de ces pièces, qui composent cette belle collection de tableaux mettant en valeur des femmes dans les rues de Pétion-Ville.

 

Dominique Domerçant

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