Projecteurs sur Haïti

Une exposition de peintures haïtiennes au titre évocateur « Lumière sur Haïti » se tient à la médiathèque intercommunale de Garges-lès-Gonesse, en banlieue parisienne, jusqu’au 5 novembre 2023. Organisée par deux associations haïtiennes, cette activité qui entre dans le cadre de la semaine de la langue et la culture créoles, permet aux expatriés d’atténuer la grisaille qui atteint leur pays.

Mercredi 25 octobre 2023, une petite foule composée d’Haïtiens, d’élus municipaux français d’origine haïtienne, de diplomates haïtiens, de militants associatifs culturels haïtiens et français, se presse dans la médiathèque intercommunale de la ville de Garges-lès-Gonesse, commune française de la banlieue nord de Paris. Ils viennent pour assister au vernissage de l’exposition « Lumière sur Haïti » organisée par deux associations haïtiennes : Promo Art Haïti de Patrick Léon Cauvin et Rêvons pour Haïti mis sur pied par deux Haïtiennes très engagées, Suzette Noël Mompérousse et Marlène Bertrand.

Plusieurs artistes exposent leurs couleurs dans cette banlieue parisienne où vivent de nombreux compatriotes. Plus d’une trentaine de tableaux ont été exposés. Habitué de ce genre d’exposition, Patrick Cauvin était tout à son aise pour présenter ce travail collectif : « Ce soir, Promart Haïti est à l'honneur! Ce soir, Rêvons pour Haïti est à l'honneur! Ce soir Haïti est à l'honneur! », commence-t-il.

Il en a profité pour rendre un hommage bien mérité au héros haïtien, Toussaint Louverture dont on commémore cette année le 220ème anniversaire de la mort au Fort de Joux, en France, en 1803. Il a ensuite rappelé qu’Haïti a vu naître de grandes hommes et femmes dont la Reine Anacaona, Caonabo, Jean Jacques Dessalines, Alexandre Pétion, Henri Christophe, Alexandre Dumas de la Pailleterie, premier général indigène de l'armée française, père et grand-père des 2 écrivains Alexandre Dumas. Côté diplomatique, il a retenu le nom du Sénateur Emile Saint-Lo, rapporteur du comité qui a joué un rôle prépondérant dans l'élaboration de la Charte de l'ONU, en 1948. Parmi les immortels, il a cité Charlemagne Péralte, héros haïtien qui a lutté contre l'occupation américaine de 1915 et parmi les grands écrivains il n’a pas manqué de mentionner Jean Price Mars, Emile Roumer, s’arrêtant à ces illustres pour raccourcir le temps.

 

Redorer le blason d’Haïti

Dans son allocution, le Maire de Garges-lès-Gonesse, Benoît Jimenez, a mis l’accent sur le tissu associatif de sa ville où l’on compte de nombreuses associations haïtiennes. Il a évoqué, à l’instar de l’un de ses principaux conseillers municipaux, Claude Marseille, la richesse culturelle du pays de Jean-Jacques Dessalines, espérant que cette activité culturelle pourrait redorer le blason de son pays dont l’image est ternie par la criminalité et l’anarchie qui y sévissent. Mais on ne sait pour combien de temps car nos dirigeants et nos élites ne sont pas conscients de l’image fortement négative qu’ils projettent à l’étranger.

Ce n’est pas la première fois que « Promo art Haïti » et « Rêvons pour Haïti » collaborent avec la Mairie de Garges-lès-Gonesse. Cette fois-ci, ils ont accouché de cette magnifique exposition sur un pays qui confronte l’une des crises les plus terribles de son histoire. L’assassinat du président Jovenel Moïse en juin 2001 dans sa résidence à Port-au-Prince a accentué cette tendance de la presse française à présenter Haïti sous un prisme négatif, pour ne pas dire déformant. De telles initiatives culturelles ne vont pas forcément changer la donne, mais elles pourront sans doute contribuer à l’atténuer en fournissant au moins à ceux qui s’intéressent à Haïti l’occasion de voir autre chose que l’habituel désastre. Comme son nom l’indique d’ailleurs, cette exposition essaie de donner un contenu différent de ce qui se dit dans les médias sur Haïti.

Cette richesse culturelle, les créateurs haïtiens l’ont encore une fois exprimée avec cette nouvelle exposition. La présence haïtienne dans cette ville culmine avec l’entrée de plusieurs compatriotes dans les conseils municipaux de ces villes de la banlieue parisienne. Lors des dernières élections municipales, beaucoup d’Haïtiens ont été en effet élus. C’est le cas de Claude Marseille. Né en France, cet élu de Garges-lès-Genosse est à l’origine de ce coup d’œil pictural sur son pays d’origine.

 

Problématiques haïtiennes

On observe le même mouvement dans des villes comme Montmorency avec Éric Sauray et Charenton avec Péguy Bazile et bien d’autres encore etc. Le programme de la Mairie de Garges-lès-Gonesse autour d’Haïti s’étend sur une semaine avec chaque jour un programme d’activités différent où les problématiques haïtiennes sont soulevées. Par exemple, le 26 octobre dernier, a eu lieu la projection d’un film haïtien tourné à New York « Un mariage haïtien », qui offre une plongée dans l’ethnologie et la sociologie haïtiennes. Stéphanie et Patrick viennent de se fiancer et discutent sur l’endroit où ils devraient se marier. Patrick a quelques réserves par rapport à Haïti, mais il accepte de s’y rendre pour demander la main de Stéphanie au père de cette dernière. Ce magnifique chef-d’œuvre prouve encore une fois que quand ils sont bien encadrés, les créateurs haïtiens peuvent faire des merveilles.

Les contes haïtiens ont aussi fait partie du programme. Pour mettre en valeur cet héritage culturel, on s’est référé à Jude Joseph, un conteur qui, dans la communauté haïtienne, se passe de présentation. Un grand dans son domaine. Il a le don de nous émouvoir avec ses histoires et de nous transporter en l’espace de quelques minutes dans un monde magique. Comme on l’a ressenti avec son dernier livre de contes Soleil, Vent, Froid, Pluie. Lors du vernissage, mercredi 25 octobre, il a égayé la soirée avec un conte fantastique, L’oranger magique .

De son côté, Jean Marie Théodat, professeur de géographie à la Sorbonne et spécialiste des relations haïtiano-dominicaines, est intervenu à la journée consacrée aux associations, pour résumer avec brio ce qui constitue l’essentiel de nos désaccords avec la République voisine.

Quant à madame Rebecca Cadeau, chercheuse dont le travail est consacré à la diaspora haïtienne en Europe et au Canada, elle a parlé entres autres de la difficulté de la communauté haïtienne de France à s’impliquer dans la communauté française. Un débat récurrent au sein des communautés haïtiennes à l’étranger. On sait aussi que l’un des plus gros problèmes auxquels sont confrontés nos entrepreneurs est la difficulté de faire venir en territoire français des produits haïtiens très recherchés par une clientèle haïtienne pourtant prête à payer un peu plus cher, surtout si ces produits respectent les qualités requises par les États européens.

 

Les associations « affectées »

L’association Rêvons Pour Haïti a un projet de santé à Bainet, situé dans un quartier très pauvre de la ville. « Maintenant tout est stoppé », se plaignent ses responsables car notre pays est livré poings et mains liés aux gangs qui poussent comme des champignons.

Les associations haïtiennes en France comme la leur sont très affectées par ce qui se passe au pays.

Suzette Noël Mompérousse et Marlène Bertrand bénéficient d'une expérience de plus de 25 ans dans l’univers associatif, en tant que bénévoles, adhérentes, chargées de projets, éducatrices, juristes, conseillères d’éducation, notamment au sein de la diaspora haïtienne en France et à Miami. Avec une équipe bénévole passionnée, Rêvons pour Haiti propose diverses activités pour aider les bénéficiaires à surmonter les défis auxquels ils sont confrontés. Les cheffes de cette association sont conscientes que leurs projets ne peuvent se concrétiser sans le précieux soutien de donateurs et bénévoles. « L'association remercie vivement ceux qui ont contribué à la réalisation de ses projets et les encourage à continuer de soutenir sa mission pour aider les plus démunis à croire en un monde meilleur, plus juste et plus durable », nous disent-elles.

Les actions de ces deux associations ayant organisé l’exposition sont complémentaires. Elles ont eu à cœur de mettre le projecteur sur Haïti en recherchant des projets de coopération avec les institutions en vue de parvenir à une répartition plus juste des richesses chez nous. En Haïti, elles soutiennent financièrement les projets afin de favoriser une économie sociale. Cette dernière activité culturelle qu’elles ont portée entre dans la même logique de promotion de leur pays à l’étranger. Ayant déjà à son actif pas moins d’une dizaine d’expositions dans la Ville lumière, en banlieues parisiennes et aussi en Europe, Proma Art Haïti déjà jeté le pont entre Haïti et l’Europe ayant déjà fait venir pas moins d’une vingtaine d’artistes haïtiens en résidence en France et en Europe.

 

Maguet Delva

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