Plus d’une centaine de femmes, dont la majorité vivent avec un handicap dans les camps de déplacés, se sont rassemblées le vendredi 5 décembre à Pétion-Ville, sous l’impulsion de l’Initiative pour le Développement des Jeunes (IDEJEN) et du Réseau pour l’Égalité de Genre dans l’Action Humanitaire (REGAH). À cette occasion, plusieurs travailleurs et acteurs humanitaires étaient présents pour sensibiliser et plaider en faveur d’un meilleur traitement pour les personnes vivant avec un handicap dans les camps, en particulier les femmes, qui sont les plus vulnérables.
L’événement a débuté sur une note émouvante. Après que la foule eut chanté la « Desalinienne », Chrisnette Saint-Georges, qui animait la journée d’activités, a invité plusieurs personnes vivant avec un handicap à témoigner de leurs conditions de vie, surtout dans le contexte de la crise sécuritaire qui les a poussées à trouver refuge dans des camps de déplacés de la zone métropolitaine de Port-au-Prince.
Des histoires bouleversantes se sont succédé. Parmi ces femmes, certaines ont raconté avoir perdu un membre dans un accident de la route ; d’autres ont été victimes d’événements naturels ; d’autres encore ont subi des attaques de gangs qui les ont laissées avec un handicap physique, réduisant leur vie à la misère, l’indifférence, le mépris et la discrimination. En conséquence, la majorité d’entre elles sont privées d’accès à des services de base, n’ont aucune activité économique, ne peuvent pas trouver de travail et sont incapables de répondre à leurs besoins financiers.
Même dans les camps, les droits humains ne sont pas toujours respectés
Arrivées dans les camps de déplacés, les conditions de vie des personnes à mobilité réduite ne changent pas. Beaucoup d’entre elles peinent à trouver de l’eau potable, de la nourriture, et les niveaux de traitement au sein des camps ne sont pas toujours équitables.
Alexandra, une habitante de Solino qui a fui sa maison à cause de la violence des gangs, vit actuellement dans le camp OPC avec un handicap visuel provoqué par une balle reçue lors d’une distribution de kits alimentaires par un policier dans l'un des camps de fortune de Port-au-Prince où elle prend refuge. « Cet événement a bouleversé ma vie. Je me sens diminuée, j’ai perdu la capacité de travailler, je manque d’assistance, et cela empêche mes enfants d’avoir la meilleure version de moi-même, celle qui pouvait encore répondre à tous leurs besoins », a déclaré la victime.
Par ailleurs, plusieurs femmes handicapées ont exprimé leur indignation face à leurs conditions de vie. Elles dénoncent certains responsables de camps qui ne prennent pas toujours en compte leur situation lors de la distribution de l’aide. Elles critiquent également les autorités de l’État qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour leur offrir l’accompagnement dont elles ont besoin, pour faciliter leur retour chez elles ou pour restaurer la paix dans le pays afin qu’elles puissent regagner leurs quartiers.
Un appel urgent pour venir en aide aux personnes handicapées
À l’occasion des 16 jours d’activisme contre la violence faite aux femmes et aux filles, qui mettent cette année l’accent sur les personnes vivant avec un handicap, IDEJEN et REGAH ont retenu le thème : « Porter attention aux femmes vivant avec un handicap dans les sites ». Ce fut l’occasion pour la directrice exécutive d’IDEJEN, Guerda Prévilon, et d’autres partenaires tels que le Bureau des Affaires Humanitaires des Nations unies en Haïti (OCHA) et ActionAid, de lancer un plaidoyer pour que les femmes vivant dans les camps de déplacés puissent bénéficier d’un meilleur traitement. Ils demandent ainsi aux autorités haïtiennes d’appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRPD), que Haïti a ratifiée en 2009. Ils rappellent par ce plaidoyer que l’État s’est engagé à garantir la protection, le respect et les droits des personnes handicapées, souvent marginalisées dans la société.
Les travailleurs humanitaires estiment qu’il est à la fois une obligation morale et légale pour Haïti de permettre l’inclusion et la participation des personnes handicapées, car il s’agit d’un droit fondamental. Dans ce sens, ils encouragent l’État haïtien, les institutions publiques, le secteur privé et la société civile à contribuer à la construction d’une Haïti où chacun peut vivre dans la dignité, sans distinction.
Sorah Schamma Joseph
