La face cachée du 7 avril en Haïti !

Derrière la mort en captivité de François Dominique Toussaint Louverture, le 7 avril 1803, le précurseur de l’indépendance d’Haïti, ce personnage militaire, politique, historique et géopolitique dans l’histoire d'Haïti, cette date symbolique charrie plusieurs dimensions parmi les plus déterminantes dans l’évolution, l’existence et la survie du peuple haïtien, sur le plan local et international, plus de 221 années après.

Diplomate comme lui seul, fin négociateur, stratège, politicien, on ne peut que déplorer que des générations après, l’ADN du génie militaire et visionnaire François Dominique Toussaint Louverture tarde à se renouveler au sein des élites ou les masses, parmi les premiers bénéficiaires de son héritage, qui a accouché après sa mort, neuf mois plus tard, la première nation des noirs libres et le nouvel ordre mondial de 1804.

Dommage, les leçons du premier des noirs ne sont malheureusement pas enseignées dans les écoles et les universités en Haïti. Elles auraient pu servir à mieux faire comprendre l’ultime stratégie de son successeur, le général Jean-Jacques Dessalines, dans l’aboutissement des batailles décisives, à l’utilisation des moyens extrêmes (Koupe Tèt Boule kay), pour pouvoir renverser l’ordre déshumanisant et persistant jusqu’à nos jours, imposé par le système colonialiste, esclavagiste et raciste.

Duvalier, de père en fils, le dernier régime politique avec son long règne (1957-1986), l’un des derniers régimes qui a le plus investi dans les infrastructurelles culturelles et symboliques du pays, allait s’inscrire dans cette démarche commémorative et intelligente de cette date, pour ne pas rater le train, en inaugurant le principal et plus grand musée de la République, le 7 avril 1983, à travers le Musée du Panthéon national haïtien (MUPANAH). C’était l’occasion pour le pays de faire venir du Fort de Joux en France, la dernière demeure du précurseur, les restes symboliques de Toussaint Louverture ? !

Dire que François Dominique Toussaint Louverture, à tort ou à raison, est l’un des plus célèbres personnages historiques mondialement reconnus dans le monde, et en particulier en Afrique. Il dispose de façon modeste, un monument dédié à ses grands-parents originaires du Bénin. N’est-ce pas une dimension autant anthropologique que géopolitique, pourtant explorée, exposée, exploitée et exportée par les élites haïtiennes ?

De la commémoration de la mort de François Dominique Toussaint Louverture à l’inauguration du plus grand musée national haïtien, on retiendra la journée mondiale de la santé partage également cette date. En se basant sur la définition de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), selon laquelle: «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité», on peut facilement constater ou conclure que l’espace haïtien, en particulier dans les deux départements géographiques l’Ouest et l’Artibonite, la capitale politique et économique, et historique, ne favorisent nullement le bien-être mental, physique et social.

Dans ce nouvel ordre de violences multidimensionnelles et du terrorisme importé, se développent de nombreuses maladies, en dehors des cas d’infirmités qui s’ajoutent dans la liste des victimes des récents séismes survenus depuis 2010. Et pire encore, on assiste à une destruction programmée des infrastructures médicales et sanitaires depuis le début de l'année 2024. Les hôpitaux, les cliniques, les centres de santé, les laboratoires, les pharmacies et dépôts de médicaments et des équipements ont été pillés et incendiés, en plus des dizaines et des centaines de professionnels de la santé qui ont été enlevés contre rançons, violés, assassinés. On ne manquera pas de souligner parmi ces survivants, les professionnels de la santé qui ont été contraints de fuir leurs résidences, leurs espaces de travail ou le pays tout simplement durant les dernières années.

Difficile de ne pas prendre en compte l’importance d’une telle journée consacrée à la santé, dans l'évolution de la société haïtienne. Quel est l’état des lieux de la santé des Haïtiens, après les années de guerres civiles, d’occupation étrangère, de dictature, de dechoukay de 1986, d’autres drames comme les catastrophes naturelles telles le cyclone Jeanne de 2004, le séisme et le choléra de 2010, les mouvements sociopolitiques avortes, l’assassinat traumatisant du chef de l’État, et le terrorisme en pleine expansion en 2024 ?

D’autres questions encore plus pertinentes, toujours en lien avec la santé en Haïti, sont à prendre en compte d’un point de vue anthropologique, psychologique et génétique, parmi lesquelles on pourrait se demander: Comment les séquelles découlant de la colonisation (commerce triangulaire et Code noir), avec les pratiques déshumanisantes de l’esclavage pendant plusieurs siècles, continuent-elles d’influencer dramatiquement et de manière silencieuse l’ADN des familles de descendants d’esclavages et le quotidien de la majorité des Haïtiens plus de 220 ans après l’accouchement de l’indépendance en 1804 ?

D'autres aspects des plus pertinents sont à prendre en compte autour de la géopolitique de la santé des Haïtiens, à travers l’effondrement de la souveraineté alimentaire du pays, qui importent presque tout des autres pays. Entre l’annonce du riz venant des États-Unis qui risqué de fragiliser considérablement fragiliser la santé d’une couche importante de la population, et les exportations des produits alimentaires venant de la République dominicaine exclusivement dédiée aux Haïtiens, en dehors déchets de toutes sortes, les vêtements et produits usagés, les véhicules de transports de produits chimiques contaminés, des vaccins imposés, des produits pharmaceutiques contrefaits ou avaries, parmi d’autres produits et services sanitaires, certains esprits avisés évoluant en Haïti choisissent de consommer des produits importés directement de l'extérieur.

Derrière la résilience affichée à la face du monde du peuple haïtien face à la pandémie de Covid19, entre 2020 et 2022, on ne peut compter le nombre de fois que des membres des familles haïtiennes issus de la paysannerie et des grandes villes, tombent malade ou meurent de façon prématurée, par absence des compétences ou des équipements spécialisés pour diagnostiquer leur problème ou pour soigner leur maladie, pendant que plus d’un continue d’accuser les adeptes et pratiques du Vodou à l’origine de cas de maladie et de mortalité. Podyab Lwa ! Podyab Ginen !

Dans cette face cachée autour du 7 avril, qui nous impose de développer une forme d’intelligence autour des dates, la situation chaotique qui se dessine sous le ciel d'Haïti, nous offre l’occasion de revisiter l’un des derniers grands drames survenus à la fin du siècle dernier, qui rapproche de plus en plus Haïti du Rwanda.

Dans l’attente d’une possible assistance internationale concrète, efficace, rapide et proportionnelle au sort imposé à Haïti par le terrorisme en cours, la population haïtienne devrait se préparer à bénéficier dans un proche avenir d’une journée mondiale sur fond d’hommage aux actuelles et futures victimes des violences urbaines, n’est-ce pas ? En effet, la date du 7 avril a été également retenue depuis quelques années, par l’ONU, pour commémorer la Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis ? La République d’Haïti devra-t-elle se préparer pour rattraper et dépasser le génocide du Rwanda, avec son lourd bilan de plus de 1 074 017 morts en 1994, selon le bilan des autorités rwandaises de l'époque ?

D'une simple date commémorative, il est possible de décrypter la face cachée d’un certain nombre de faits marquants, de drames historiques, anthropologiques, psychologiques, sociologiques qui poursuivent le passé, le présent et l’avenir d’une nation. La date du 7 avril s’impose comme un rendez-vous historique, géopolitique, scientifique et symbolique pour le peuple haïtien. Aux élites et aux couches encore saines et conscientes de la jeunesse de développer l’intelligence politique nécessaire pour poursuivre le combat pour la sauvegarde de cet héritage historique, et pour la survie de cette génération des héritiers de François Dominique Toussaint Louverture, 221 ans.

 

Dominique Domerçant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES