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Le président dominicain ferme ses frontières, le Gouvernement haïtien en prend acte

Malgré les discussions entamées entre les autorités des deux pays, concernant les travaux de construction d'un canal du côté haïtien de la rivière Massacre, le président Luis Abinader a ordonné la fermeture de toutes les  frontières avec Haïti à partir de 6h du matin le vendredi 15 septembre 2023. Une décision qui provoque beaucoup de réactions du côté de la société civile haïtienne. 

En fin de journée du mercredi 13 septembre, le ministère des Affaires étrangères et des Cultes a annoncé qu'une rencontre avait eu lieu à Santo Domingo, à travers la Table hydrique binationale de la Commission mixte bilatérale, afin de trouver une solution juste et définitive au problème de l'utilisation équitable des ressources en eau partagées de la rivière Massacre. Les autorités haïtiennes ont également pris en compte le Traité de paix, d'amitié et d'arbitrage du 20 février 1929 qui a été signé entre les deux pays. Du côté haïtien, le MAE n'a pas tenu la promesse d'informer la population sur les résultats de cette rencontre.

Parallèlement, le président dominicain, suite à son ultimatum lancé en début de semaine pour forcer les paysans à abandonner leurs travaux, a ordonné ce jeudi, la fermeture de toutes les frontières de son pays avec Haïti; qu'elle soit terrestre, aérienne ou maritime à partir de 6h du matin, le vendredi 15 septembre 2023. 

Quelques heures après cette annonce, le Gouvernement haïtien dit prendre acte de la décision de la République dominicaine de fermer ses frontières.

"République d’Haïti peut souverainement décider de l’exploitation de ses ressources naturelles. Elle a, comme la République Dominicaine, avec laquelle elle partage la rivière Massacre, l’entier droit d’y faire des prises, conformément à l’accord de 1929. Le Gouvernement de la République d’Haïti prendra toutes les dispositions que de droit pour protéger les intérêts du Peuple Haïtien.

La République d’Haïti privilégiera toujours le dialogue ; dialogue qui était en cours et sur une bonne voie entre la délégation haïtienne, dûment mandatée, avec leurs homologues dominicains de la Commission binationale, à la Chancellerie dominicaine, en République Dominicaine, quand l’annonce unilatérale du Président dominicain de fermer ses frontières a été faite.

Le Gouvernement de la République d’Haïti en appelle à la protection des vies et des biens, des deux côtés de la frontière, et au respect des conventions internationales régissant la matière. Il invite la population Haïtienne à la sérénité et prendra toutes les dispositions afin que l’irrigation de la plaine de Maribahoux se fasse dans les normes, sous la supervision notamment des ministères de l’Agriculture des ressources naturelles et du développement rural et de l’Environnement", précise le communiqué de la Primature. 

Selon l'ancien sénateur Wanique Pierre, la construction du canal d'irrigation de la rivière Massacre est une grande opportunité pour les agriculteurs de la plaine de Maribahoux. Elle va contribuer à la relance de la production agricole dans la région et l'initiative va  permettre de diminuer le flux des importations et les demandes des produits de consommation vers la République  dominicaine. 

De son côté, l'ancien président du Sénat, l'élu du Nord,  Kely Bastien qualifie d'arrogance la position de Luis Abinader à ce sujet. «Pourquoi le gouvernement dominicain n'a-t-il pas convoqué l'ambassadeur d'Haïti en terre voisine pour discuter de ce conflit? Pourquoi le ministre des Affaires étrangères de la République dominicaine n'a-t-il pas invité son homologue haïtien à ce sujet», s'interroge-t-il ?

En ce sens, l'ancien parlementaire prend position pour que ces travaux puissent continuer malgré les pressions et les menaces des autorités dominicaines.  «Lors de la fermeture de la frontière en 2021, en raison de la crise sanitaire du coronavirus, le peuple haïtien s'était débrouillé pour se donner à manger. C'est encore une autre occasion offerte aux dirigeants haïtiens, également à la population pour réfléchir sur ce que nous devons consommer (...) la République dominicaine doit savoir que nous sommes deux peuples souverains qui partagent la même île. Granmoun pa pile granmoun, granmoun pale ak granmoun an granmoun», a-t-il ajouté dans un communiqué rendu public ce jeudi 14 septembre.  

Suite à l'annonce de la fermeture des frontières fixées pour ce vendredi, des ressortissants haïtiens, inquiets de cette mesure, ont décidé de retourner volontairement en Haïti. En revanche, d'autres préfèrent rester et suivre l'évolution de la situation, tout en sachant qu'ils sont exposés à des représailles la part des agents de l'immigration et des soldats dominicains.

Déjà, les conséquences des mesures adoptées par les autorités dominicaines se font sentir. Les prix des œufs ont chuté à Dajabón. Les producteurs dominicains, dont une grande partie de leur commerce repose sur le marché haïtien, se disent embarrassés par des pertes. Du côté haïtien, dans le Nord-Est, les paysans en toute solidarité poursuivent leurs travaux. 

 

Oberde Charles

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