Les sept dimensions de l'exception Jovenel Moïse

Des années après le 7 juillet 2021, on ne finira pas d'explorer et d'exposer les contours de l'exception Jovenel Moïse. Tous les instruments, toutes  les grilles d'analyse et les approches offriront certainement des pistes de réflexion et des repères pour tenter de comprendre ou pour faire comprendre à qui veut l'entendre que la politique n'est pas, et ne sera jamais un jeu d'enfant. Surtout dans un pays comme Haïti. 

 

Découvrons quelques-unes des dimensions retenues, parmi d'autres en revisitant l'évolution et l'aventure de ce personnage politique atypique aux fins dramatiques. Une manière intelligente pour mieux apprendre des déceptions et des leçons de ce dernier. 

 

D'abord le citoyen et candidat Jovenel Moïse, d'un point de vie anthropologique, avait bénéficié d'un pouvoir, d'une catégorie sociale et famille politique dans laquelle il n'était ni greffé,  encore moins il ne partageait les mêmes racines. En portant la casquette électorale de «Nèg bannann nan», pour supplanter ses compétiteurs il ne faisait qu'élargir le fossé tout en confirmant son origine sociale.  «Ti pwason pa swiv gwo kouran». 

 

D'un point de vue sociologique, la mise à l'écart de l'alchimie autour du feu, de la terre, du soleil, et des gens pour se tourner vers la caravane et non le konbitisme, ne l'a pas permis de se constituer une véritable base paysanne, populaire ou même populiste,  pour disposer dans la liste de ses fidèles sympathisants des frères et sœurs de sang. «Se nan chimen jennen yo kenbe chwal malen».

 

D'un point de vue psychologique, le président Jovenel Moïse n'a pas su trouver le meilleur des vocabulaires pour renforcer ses rangs, pour rassurer ses patrons et ses proches, en tombant dans l'engrenage de l'orgueil et de l'ego.  Le président a parlé, à ces oligarques corrompus qui ont investi dans  sa campagne électorale,  après Dieu,  pour ensuite jeter les restes au peuple, sont parmi les dossiers et les discours qui indignent et insultent autant ses pairs que ses adversaires. 

 

De façon scientifique et en tenant compte d'un grand nombre de  faits historiques à l'appui,  il est possible de dégager un grand nombre d'actifs et surtout des passifs à la base de son triste sort. À cette fin, on pourrait identifier les dimensions suivantes: anthropologique, sociologique, psychologique,  économique, politique, juridique, et diplomatique.  

 

D'un point de vue économique, sans tomber dans les grands dossiers ou les contrats d'énergie, les nouvelles laissant croire que le chef de l'État disposait de fortes sommes d'argent en sa résidence, pendant que des semaines plus tôt, des agents affectés à la sécurité du Palais national cotisaient pour payer la rançon pour libérer l'un des agents de l'unité kidnappé, confirment une certaine absence de solidarité et d'empathie du premier citoyen de la nation, à l'égard de ses premiers protecteurs, en temps normal comme en temps de crise. Difficile de voir qu'un fils de paysans aurait perdu le sens et l'intelligence de la sagesse populaire : «Se sik ki rale foumi».

 

Diplomatiquement, malheureusement,  l'ancien  président Jovenel Moïse n'a pas su maîtriser les quatre fonctions basiques de représentation,  de défense des intérêts,  de négociation et de développement.  Car, l'absence de mobilisation et de manifestations organisées dans les premières heures à la suite de son assassinat confirme qu'il ne représentait pas la majorité de la population et n'était pas défendu encore moins, par une minorité de son clan politique et de sa garde rapprochée.

 

Dans sa mort en solitaire, on peut conclure qu'il ne défendait pratiquement les intérêts d'aucun camp, qui auraient pu anticiper, le prévenir ou le protéger. Encore moins, avant et pendant le drame, il n'a pas été en mesure de négocier sa démission ou sa survie politique par un exil, comme d'autres avant lui l'avaient fait à plusieurs reprises.  En conclusion, l'ancien président n'a pas su développer des relations de confiance, de confidence et de défense des intérêts mutuels et réciproques au sommet de l'État. 

 

De la dimension juridique à la dimension politique, telles sont les deux institutions sur lesquelles se repose l'héritage de l'exception Jovenel Moise. Un nom, un citoyen, un père de famille,  un homme politique, un dirigeant, un martyr, un symbole, mais surtout un apprenti diplomate têtu et pas assez bien conseillé, qui n'avait pas su négocier, sa survie, sa dignité  et sa sortie du pouvoir. 

 

Dominique Domerçant 

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