Les relations entre Haïti et la République dominicaine ont été toujours tumultueuses en dépit des liens étroits existant entre les oligarchies des deux nations. La principale raison de ces différends est l’impossibilité ou le refus des dirigeants de notre pays à penser une politique adéquate de manière à mettre notre société à égalité de développement avec la république voisine.
Si ici, on a souvent traité la question du racisme anti-haïtien en République dominicaine, on oublie trop souvent que ce même racisme est cultivé parfois aussi chez nous par ceux qui ont charge de la chose politique et économique. Nous avons fait notre le mépris de l’autre. Nous mesurons notre réussite au malheur et à la précarité de l’autre. Nous jouissons littéralement quand à une position de pouvoir, des gens rampent à nos pieds pour quémander du travail ou simplement quelques sous. Notre conception du pouvoir politique est totalement faussée. Elle se résume à l’idée du chef tribal pour ne pas dire celle du chef de gang. Jouissance avide des privilèges. Étalage de sa force et de sa richesse. Mépris de l’intérêt national. On rampe continuellement devant l’étranger blanc ! Rien d’autre !
C’est ce virus qui corrompt la gouvernance en Haïti et qui la réduit à son strict minimum, un minimum qui n’est déjà qu’une façade, un prétexte à faire de l’argent. Les secteurs économiques profitent de cette mauvaise gouvernance et sont prêts à tout pour qu’elle reste ainsi, car on a appris à faire de l’argent avec. Comment peut-on dans ses conditions changer la nature de nos relations avec la République dominicaine ?
Car les relations entre les États ne s’établissent pas sur la base de bons sentiments. Il est vrai qu’aujourd’hui on peut s’adresser à des tribunaux internationaux pour certains litiges. Mais on connait les limites de ces juridictions qui ont la bonne volonté de « civiliser » les rapports entre états. La seule manière de changer la donne entre notre pays et son voisin est qu’ici nous nous attelons sérieusement à remettre sur pieds notre économie, notre système éducatif, à créer des emplois, à mettre sur pied un vrai système de sécurité nationale et surtout à faire en sorte que nos institutions soient solides et fonctionnent.
Il est aussi indiscutable que la corruption établie, incrustée à tous les niveaux de notre appareil étatique ne fait que fragiliser notre nation pour le mettre à la merci des étrangers. On est donc devant un vrai cercle vicieux. Nos grands clercs se satisfont de la mauvaise gouvernance. La mauvaise gouvernance engendre la corruption. La mauvaise gouvernance et la corruption engendrent la misère. Et plein de secteurs chez nous ont acquis une expertise consistant à obtenir de l’or avec la misère. Si on ne supprime pas cette équation, on ne peut avoir un État compétitif avec la république voisine. On se contentera de pleurnicher, de pousser de hauts cris chaque fois que nos compatriotes fuyant la misère chez eux sont maltraités, pas seulement en République dominicaine, mais partout sur la planète.
Ce serait la plus grande erreur de la part des dominicains et d’une fraction de notre élite économique que de penser que l’échec haïtien serait pour eux une aubaine économique. Faire l’erreur d’appuyer en Haïti les secteurs anti nationaux, l’ignorance et la corruption, c’est s’attacher un boulet au pied qui peut les entraîner vers une véritable catastrophe. Ils commencent peut-être par s’en rendre compte.
Gary Victor