Maggy De Coster, journaliste de formation avec un DEA en sociologie du droit et relations sociales, est une passionnée pour les lettres. Elle a accepté volontiers de se confier dans les colonnes du journal Le National.
Le National : Vous avez un parcours littéraire riche et varié ?
MDC : C’est vrai que j’ai touché à tous les genres littéraires. Je me suis toujours passionnée pour les lettres. Je suis journaliste de formation avec un DEA de Sociologie du Droit et relations sociales.
LN : Pouvez-vous nous raconter comment vous êtes arrivée à la poésie, et comment votre parcours personnel et littéraire a façonné cette voie ?
MDC : J’ai la poésie chevillée à l’âme donc, elle fait corps avec moi.
LN : Quels sont les premiers livres ou poètes qui vous ont marquée dans votre jeunesse ou dans votre vie d’adulte ?
MDC J’ai été familiarisée avec la lecture des fables, dès mon plus jeune âge par ma maman, avant même d’entrer à l’école maternelle. Puis comme tous les scolaires, je lisais des livres de jeunesse, tout ce qui me tombait sous les yeux et la main. J’étais très avide de lecture. Je peux dire aussi que la lecture des Fables de La Fontaine m’avait également donné envie d’écrire.
J’adorais faire des comptes-rendus de lecture. À la maison il y avait une bibliothèque organisée par mon père, avec des livres divers et variés, et le jour que je suis tombée sur Madame Bovary, de Flaubert, alors que j’étais en classe de Sixième, je ne l’ai pas lâché d’une semelle.
En classe de 3e j’étais la co-directrice d’une Revue qui s’appelait la Jeune Muse.
Et le professeur Christophe Charles publiait mes poèmes dans sa Revue avant de m’éditer alors que j’étais encore adolescente.
En poésie, il y a René Depestre, Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Apollinaire, Éluard, Nerval, Victor Hugo, bien sûr, tous les grands classiques. Côté femme, il y a Louise Michel sur laquelle j’ai travaillé (j’ai fait des conférences sur elle tant en France qu’au Panama (en espagnol). Je suis très friande de poésie. Je lis aussi les auteurs latinos.
LN : Y a-t-il des figures particulières qui ont orienté votre propre écriture ?
MDC : À proprement parler, je n’ai pas eu affaire à un « orientateur » en matière d’écriture car je me suis mise à écrire spontanément de la poésie même si certains relèvent dans mes écrits le souffle de tel ou tel auteur. On peut être imprégné par la lecture d’un auteur sans s’en rendre compte car on est tous réceptifs en tant que lecteurs et comme dit Lavoisier. « Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ».
LN : Certains poètes, écrivains ou artistes sont souvent des "sources d'inspiration" ou des "moteurs créatifs" pour les écrivains. Qui sont les vôtres, et en quoi ont-ils influencé votre vision de la poésie ?
MDC : Mes sources d’inspiration c’est la vie, la réalité, l’environnement. L’écriture est pour moi une nécessité vitale. Cela dit, c’est la poésie qui me sollicite et c’est pour cela que je n’aime pas trop écrire sur commande car cela fausse un peu le jeu. L’appel doit venir du tréfonds de mon être, même s’il s’agit d’un fait extérieur.
LN : Votre écriture semble traversée par des préoccupations profondes, tant personnelles que collectives ?
MDC : La plus grande responsabilité que l'homme puisse s'assigner est de supporter la vie dans tous ses états. Donc la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut toujours se battre jusqu’au dernier souffle. Il y a un point de départ mais jamais un point d’arriver, rien n’est définitif, il faut toujours s’inventer, trouver à chaque fois un modus vivendi.
Je fais mienne cette pensée de Raoul Follereau : « On n’a pas le droit d’être heureux tout seul. »
LN: Quels sont les grands thèmes qui nourrissent votre poésie aujourd'hui ?
MDC : L’Humanisme est sans doute la thématique majeure de ma poétique sans oublier l’écologie, le lyrisme personnel ou impersonnel y trouve son compte également.
LN : Existe-t-il des thématiques récurrentes qui reflètent vos préoccupations contemporaines ?
MDC : J’écris avec une telle spontanéité que je ne me dis pas de prime abord que je vais partir d’une thématique précise. Le poète est un être sensible donc tout lui parle.
LN: En écrivant, utilisez-vous la poésie comme un moyen d’explorer des aspects de votre identité, notamment en tant que femme, poétesse et citoyenne ?
MDC : C’est sûr que j’écris des poèmes qui reflètent la souffrance des femmes dans les pays autoritaires, le sexisme ordinaire et aussi le militantisme des femmes.
LN : Quelle place accordez-vous à la question de l’identité dans votre œuvre ?
MDC : Mon œuvre a plutôt un cachet universel et non identitaire, car je suis avant tout un être humain. Je me permets de reprendre un passage de la présentation que mon ami poète, Lauréat de l’Académie française et Chevalier des Arts et des Lettres, Michel Bénard a écrit dans une présentation qu’il avait faite de moi, à la Société des Poètes français dont il est actuellement le vice-président :
« Maggy De Coster, l'humain de la poésie en partage
Si je devais me trouver devant ce délicat dilemme de n'avoir que deux mots pour situer la poésie et l'engagement d'acte en poésie et de vie journalistique de Maggy De Coster, je retiendrai, partage et humanisme. »
LN : Le corps et ses représentations sont souvent présents dans vos textes?
MDC : Le corps c’est ce qu’il y a de tangible, de palpable, de matériel. D’ailleurs, il n’ y a pas que le corps humain qui existe. Tout ce qu’on ce qu’on peut toucher est un corps. En physique et en chimie, toutes les substances qu’on peut toucher sont désignées sous le vocable de « corps ».
C’est la représentativité de tout élément tangible.
LN Comment la corporalité s’intègre-t-elle dans votre écriture, et comment percevez-vous le lien entre poésie et le corps ?
MDC : Le corps humainement parlant est variable, modifiable, il épouse le ton de la vie.
Le corps qu’on flagelle, qu’on martyrise, qu’on brûle, qu’on déchiquette, ne doit pas passer inaperçu. La poésie est sans doute là pour le révéler ou le révérer.
LN : Voulez-vous provoquer une forme de réaction sociale ou politique ? Ou privilégiez-vous la liberté d’interprétation du lecteur ?
MDC : Mes écrits, une fois publiés, ne m’appartiennent plus. Ils sont livrés en pâture aux lecteurs. Il arrive que les lecteurs arrivent à y voir tout autre chose que j’avais pensé. Je me rappelle une fois qu’une amie avait fait la recension d’un de mes recueils de poèmes, elle m’avait envoyé le « papier » pour relecture et elle avait fait une interprétation tout à fait erronée d’un de mes poèmes à tiroir comme on dit, pour clarifier les choses je lui expliqué la symbolique de mes pensées qu’elle n’avait pas comprise.
LN : Vous êtes publiées aux Éditions du Cygne, un éditeur reconnu pour sa capacité à soutenir des voix poétiques fortes ?
MDC : Je suis publiée aux Éditions du Cygne depuis 2007 y compris les auteurs latino-américains que je traduits en français. Je suis également publiée aux Éditions Unicité.
LN : Comment cette collaboration a-t-elle modifié votre manière de concevoir votre travail d’écrivain ?
MDC : Patrice Kanozsai, mon éditeur est devenu un ami et on a de très bons rapports.
François Mocaer , mon deuxième éditeur, quand je lui avais envoyé le manuscrit d’une anthologie de 45 poètes que j’avais traduits en espagnol, il n’avait pas les moyens de la publier et quand il a vu que cette anthologie avait été finalement publiée par les Éditions Idem, coordonnées par mon amie Suzanne Draciu, qui y figure également, il est venu vers moi en me disant : « si tu as un manuscrit à toi, je veux bien t’éditer ». Chose dite, chose faite.
LN : En tant que poétesse, comment percevez-vous la place de votre œuvre dans le paysage éditorial français ?
MDC : Ce n’est pas à moi de considérer la place de mon œuvre dans le paysage éditorial français mais à mes lecteurs et aux critiques. Jusqu’à preuve du contraire, j’ai bonne presse. Mon œuvre a trouvé sa place en raison de son cachet universel et humaniste. La Poésie n’a pas de frontières.
LN : La publication en maison d’édition influence-t-elle la portée et la réception de vos écrits, en particulier dans un contexte où la poésie semble parfois marginale ?
MDC : C’est une preuve de reconnaissance qu’une maison d’édition à compte d’éditeur publie l’oeuvre d’un auteur. Être publiée à compte d’éditeur (romans, nouvelles, poésie, essais sur la presse, contes pour enfants etc.) m’a permis d’être Sociétaire de la Société des Gens de Lettres et d’adhérer en même temps à la SOFIA qui sont deux organismes de protection des droits d’auteurs.
LN : Quel rôle les Éditions du Cygne jouent-elles dans la diffusion de vos textes et dans l’accompagnement de votre œuvre ?
MDC : Les Éditions du Cygne assure la diffusion de mes publications en librairie et à travers toutes les plateformes de distribution existantes sans compter les salons littéraires, le Marché de la poésie. Idem pour les Éditions Unicité.
LN : Comment se passe la relation avec votre éditeur, et en quoi cela impacte-t-il le contenu de vos écrits ?
MDC : Fort heureusement mes éditeurs ne touchent pas à mes écrits. Cela fait tellement longtemps que je suis installée dans l’écriture que mes éditeurs me font confiance. J’ai dirigé une revue de poésie Le Manoir des poètes pendant 14 ans et j’ai facilité la percée de certains poètes, je fais partie des jurys de poésie en France et en Italie, donc j’ai une certaine notoriété en ce sens que trois mémoires de master et licence ont été faits sur mon œuvre poétique et mes nouvelles à l’Université de Cagliari en Sardaigne (Italie) sous la direction du Professeur Mario Selvaggio. Il y a même un étudiant en doctorat qui m’avait contactée pour sa thèse de doctorat qu’il compte faire sur mon œuvre poétique.
LN : Les poètes d’aujourd’hui ont-ils une responsabilité particulière vis-à-vis des enjeux sociaux, politiques et environnementaux ?
MDC : Les poètes sont là pour dire la vérité, dire le monde, énoncer les problèmes sociaux, dénoncer les situations implacables mais ils n’ont malheureusement pas la possibilité de changer à eux seuls le cours des choses. Ils n’ont qu’un rôle incitatif
LN : Si oui, quelles sont, selon vous, les urgences que la poésie devrait aborder ?
MDC : À chacun selon sa sensibilité, son centre d’intérêt. L’urgence absolue pour l’instant c’est la survie de notre planète avec tout ce qu’elle comporte de vivant.
LN : Quel rôle jouent pour vous les lectures publiques, les rencontres avec vos lecteurs, dans le processus de transmission de votre œuvre ?
MDC : J’ai une activité littéraire très intense. Mes nuits sont déjà bien trop courtes. Je suis très sollicitée.
LN : Quelles sont les directions que vous souhaitez explorer dans vos projets futurs ?
MDC : Je travaille avec des artistes-peintres. J’ai un livre d’art avec les peintures de Sarah Mostrel et mes textes, lequel sortira bientôt aux Éditions La route de la soie.
J’ai le projet d’un livre d’art avec les peintres jumeaux Vladimir et Slobodan Pesquirevic.
Je touche aussi à la peinture. Les peintres connus et reconnus ont validé mon œuvre picturale.
LN : Envisagez-vous d’expérimenter de nouveaux formats ou de nouveaux genres littéraires ?
MDC : Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Je ne me dis jamais que je vais faire ceci, je vais faire cela. Je laisse les choses se faire. J’accepte des propositions en fonction de mes envies, mes disponibilités, ma curiosité. Je continue d’écrire (poésie et prose, conférences, articles de presse, traductions). La vie continue.
LN : Votre poésie pourrait-elle évoluer vers d’autres formes artistiques, comme le théâtre, la musique ou les arts visuels ?
MDC : J’ai déjà écrit des chansons poétiques. J’ai des chansons inédites que j’avais écrites pour la fille d’un ami mais elles n’ont été suivies d’effet. J’ai fait du théâtre pendant deux ans. J’ai un livre écrit à quatre mains sous forme de dialogue théâtral qui a été lu à la Maison de l’Amérique latine à Paris par le comédien Rodrigo Ramis et la comédienne Dominique Gambey, j’aimerais pouvoir trouver quelqu’un qui le théâtralise sur scène:
Ce que le grand doit au petit
Dialogue des mots jour après jour
De Maggy De Coster, Eduardo Caveri
Éditions du Cygne, 2019
LN : Comment percevez-vous l’évolution de votre propre écriture au fil des années ?
MDC : Quoi vous répondre ? Un troisième roman, peut-être ? Mon premier roman avait reçu la Médaille d’Argent de l’Académie Internationale de Lutèce, avec Mention.
LN : Est-ce que vous vous voyez changer de direction ou, au contraire, affiner davantage votre approche poétique ?
MDC : Quoi qu’il arrive, Dame poésie sera toujours ma plus fidèle alliée.
LN : Quel est le message que vous souhaitez laisser à vos lecteurs, et comment espérez-vous que votre œuvre continue de résonner à travers les générations ?
MDC : J’ai la chance d’avoir mes livres dans la médiathèque de ma ville Montmagny, c’est déjà une possibilité de passer à la postérité, si tout va bien dans notre monde. L’autre possibilité c’est le fait d’être traduite dans plusieurs langues. J’ai 4 livres publiés en italien, je me suis traduite en espagnol, je suis traduite et publiée aux USA. Je suis traduite en 10 langues et j’ai 34 livres édités, tous genres confondus. Je ne compte pas les différentes publications en anthologie, en français, en roumain, en portugais, en espagnol, en anglais. Je suis souvent sollicitée pour la traduction de mes poèmes par des étudiants en langues étrangères ou pour des études. Voilà.
LN : À vos yeux, qu’est-ce qui distingue la poésie des autres formes d’expression artistique, comme le roman ou le théâtre ?
MDC : La poésie du fait de sa concision facilite l’apprentissage de la lecture et du langage surtout en ce qui concerne les débutants, c’est une méthode que j’ai mise en pratique quand j’intervenais en classe de CP y compris en atelier d’écriture. Elle capte mieux l’attention des enfants qui adorent jouer avec les assonances. Pour ainsi dire, la poésie a une fonction esthétique et ludique. Sur le plan linguistique elle est très efficace pour les apprenants. Elle véhicule des symboles alors que l’écriture du théâtre et du roman est plus proche du langage parlé.
LN : La poésie permet-elle d’atteindre une vérité ou une profondeur que les autres genres ne peuvent pas atteindre ?
MDC : La poésie contrairement au roman et au théâtre se départit de la fiction. Elle mise sur le ressenti, sur la spontanéité du poète même s’il y a une écriture comme on dit.
LN : Comment la poésie peut-elle contribuer à transformer la perception que nous avons de la réalité ?
MDC : Je ne pense pas que la poésie puisse transformer notre perception de la réalité mais nous aide à vivre la réalité en fonction de sa sensibilité. On est plutôt en immersion, parce qu’on est dans l’empathie.
LN : Pour vous, elle permet-elle d’apporter une compréhension plus profonde du monde ou est-elle avant tout une quête d’émotion et de beauté pure ?
MDC : La poésie permet d’appréhender le réel différemment des non poètes. Elle renferme une esthétique propre à elle, des normes et des valeurs propres à elle également. Elle peut être salvatrice en ce sens qu’elle joue un rôle cathartique.
LN : Vous avez peut-être une vision personnelle de la "fonction" de la poésie dans la société ?
MDC : La poésie est un art de vivre et une manière d’être face à une situation, un événement. C’est aussi un parti pris.
LN : Est-ce un simple acte esthétique ou un geste de rébellion, de réconciliation, ou de résistance face à des forces qui échappent à notre contrôle ?
MDC : L'écriture, qu'elle soit poétique ou prosaïque, pour qu'elle soit authentique, doit revêtir le cachet personnel de son auteur. Ainsi, peut-on dire qu'elle doit laisser transparaître son moi profond comme le ferait un prisme ? En un mot, elle est pour le lecteur le radar lui permettant de suivre, de cerner la personnalité de l'auteur. Chaque fois qu'on écrit un poème ou simplement quelques phrases, c'est une parcelle de son être qu'on offre à ses lecteurs qui peuvent la rejeter ou l'accepter selon la force et la nature des vibrations qu'elle déclenche chez ces derniers. La démarche d'écrire répond à un besoin de survie, une nécessité d'être ou une volonté de conjurer ou d'exorciser des situations insoutenables mais aussi d'immortaliser des situations heureuses, inattendues ou inespérées.
LN : Si vous deviez choisir un poème parmi les vôtres pour qu’il soit le reflet de votre vision de la poésie, lequel serait-ce, et pourquoi ?
MDC : Je choisirais le poème numéro 1 de « LES VERSETS SIMPLIFIES DU SOLEIL LEVANT », Éditions du Cygne, 2017
Parce ce que c’est le tout premier poème d’une série de 40 poèmes de ce recueil qui m’avait été inspiré par les attentats de Paris et Nice. Un événement qui m’avait profondément bouleversée car nous étions tous logés à la même enseigne. Je voulais que l’Amour triomphe sur la Haine !
Comme dit Ghandi : « La haine tue toujours, l’amour ne meurt jamais. »
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1- Résiste … marche haut les mains sur les voies libératrices
Fuis la compagnie des moqueurs malséants
Sois comme l’arbre qui plonge ses racines dans le ruisseau
Qui désaltère les assoiffés du bonheur de vivre
Cet arbre qui prodigue son ombre au promeneur harassé
Le vent dissipe des fragments de vérités occultées qui parviennent
Aux oreilles attentives mais les aveugles d’esprit
Les précipitent dans l’hypogée de leurs pensées irréversibles
Dans le vortex des jours demeurent en suspension tant de points
Semblables à des grains de sables emportés par des marées
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Ce recueil de poèmes est traduit en anglais par Daniel Legros Georges, en 2024
LN : Enfin, quel message final souhaiteriez-vous transmettre à ceux qui découvrent votre travail, qu’ils soient nouveaux lecteurs ou fidèles admirateurs de votre œuvre ?
MDC : Je n’écris pas pour être admirée, j’écris parce que, en tant que poète, je suis un passeur de mémoire, un témoin de son temps. Si certains se retrouvent dans mes écrits et que cela ait un impact positif sur eux, je dirai que j’ai fait œuvre qui vaille.
Propos recueillis par Godson MOULITE