12 janvier 2010 : entre histoire, mémoire et patrimoine !

Derrière les souvenirs, les souffrances, les séquelles, les cicatrices et le silence éternel de nos proches disparus et des inconnus oubliés dans les secondes et les semaines qui suivaient après le passage en Haïti, du tremblement de terre du 12 janvier 2010, le pays s’est relevé plus vite que l’on s’attendait après ces jours de chaos. Dommage que la nation, à travers ses élites, n’a pas su prendre les mesures essentielles pour ne pas solliciter les secours des autres nations et organisations après chaque catastrophe humaine et naturelle.

 

Dans l’histoire d’Haïti la date du 12 janvier 2010, est depuis inscrite dans l’agenda officiel et national, sans vraiment porter le plus grand nombre des Haïtiens d’ici et d’ailleurs, en particulier les survivants de ce sombre après-midi à prendre conscience de la chance qu’ils et/ou qu’elles avaient ce jour-là. L’anarchie des nouvelles villes construites depuis, et l’expansion des anciens quartiers bidonvilles ne confirment aucune forme de conscience ou d’intelligence collective chez les habitants. 

Dans l’histoire universelle, ce drame national « Made in Haïti », peut-être vu de différentes manières, suivant la position et les centres d’intérêt des uns et des autres. Un grand nombre des acteurs qui se sont impliqués de près ou de loin dans la gouvernance de cet héritage catastrophique ne dispose que des passifs. On ne pourra jamais oublier les marques de soutiens venant de la région, et de solidarité internationale reçues par la population haïtienne après ce drame. La nation haïtienne n’était pas restée seule dans ce deuil !

Dans un autre sens, l’après-séisme a certainement laissé un goût amer dans l’histoire des relations internationales et dans la gestion des crises humaines, face aux nombreuses promesses de dons et d’agenda de la  reconstruction qui sont restés sans suite, plus de dix ans après. A qui la faute ? Certainement pas des victimes oubliées. L’après 12 janvier 2010, s’est tristement confirmé dans les années qui suivent comme une nouvelle catastrophe de l’éthique dans la gouvernance multilatérale des dons et des fonds destinés à un pays à genoux.   

Dans la mémoire collective, nous continuons quatorze ans plus tard, à commémorer le vide laissé par nos proches et les victimes irréparables sans aucune forme de réparation morale et mentale. Il faudra également souligner dans la liste des passifs la somme des défiances affichées envers l’environnement et les lois de la nature, l’étendue des déviances assumées dans l’utilisation des normes de construction, et l’univers des dérivés accumulés dans la gestion des espaces urbains en Haïti au pays des incrédules, la nation de Bon Dieu bon !

Dans le funeste décor perpétuel qui accompagne ce patrimoine national que représente la date du 12 janvier 2010, on retient dans la palette des hommages, à chaque nouvelle édition, toutes les couleurs commémoratives et protocolaires, entre les minutes de silence et les soupires, les poses de pierre et le recueillement autour d’un autel improvisé, imaginaire, mais surtout insensible à l’intelligence collective. Les discours d’occasion et les rencontres de recueillement ne pourront malheureusement pas ressusciter nos morts orphelins de la nouvelle Haïti. 

D’ici 2030, les personnages disparus et les bâtiments détruits lors du séisme du 12 janvier 2010 auront vingt ans. Deux décennies c’est pratiquement beaucoup dans la vie d’un être humain. Pourtant, cela ne va pas signifier grand-chose dans l’imaginaire des enfants qui sont nés après le drame, ou propulsés par l’intimité des abris provisoires et de la quête de thérapie de nombreux parents improvisés. Ces enfants de la génération post-séisme qui deviendront majeurs ne disposeront pas assez de vestiges, de monuments, de centres d’interprétation, de musées, en dehors des rares constructions symboliques, ou de mémorial érigé dans certains quartiers devenus infréquentables ou inaccessibles, pour ne pas citer Saint-Christophe et Martissant.

Devant un si sombre tableau, affichant autant d’images chaotiques, les victimes oubliées du séisme de 2010, comme celles du tremblement de terre de 2021, n’auront pratiquement rien à regretter face à l’évolution tragique d’un grand nombre de villes fantômes. Face aux violences urbaines qui illustrent les pages de notre histoire, devenue chimérique, la catastrophe humaine en cours semble vouloir rattraper ou même dépasser le bilan de cette terrible catastrophe naturelle de 2010. 12 janvier a été, et restera pendant longtemps dans la mémoire collective, ce patrimoine national funeste, dont les contours sont dessinés avec le sang des milliers de victimes, incapables de se reposer dans des villes tourmentées, et qui continuent de nous observer à l’ombre d’une illusion de reconstruction et de renouvellement.

Dominique Domerçant   

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