Temps de l'île, An II de la solitude
Voici donc une lettre que, peut-être, tu n'auras pas le temps de lire. Nous avons trop semé le doute sur nos chemins. Éparpillé, l'amour au large. Pour enfin croire que l'un l'autre, nous nous vivrons encore d'amour. Tu n'as plus ton charme et, moi, plus mon amour.
Déjà assez longtemps, ont tout fui les désirs, larguées toutes les amarres, lorsque, nue, dans cette chambre que n'éclaira seule la lueur de tes seins, je t'ai prise sous la tempête. Tu t'accrochais à moi, ainsi qu'une noyée s'agrippe à une bouée, de peur de s'y laisser engloutir.
Vrai, j'ai été insensible dans ton délire. J'ai voulu m'introduire mieux sous ta peau comme l'évangile : et devenir une seule chair. Tu t'es offerte à moi comme du pain frais au matin. Le jour naissait entre les interstices de la porte. Tu sommeillais encore le corps recouvert du parfum de la nuit.
Je rêvais m'envoler vers d'autres corps, vers d'autres vents. Autant féminin que ton galbe pur qui m'ensorcèle encore.
Le jour courait ainsi que l'Artibonite sur nos amours, sans arrêt et quartier. Le jour était presque mort telle l'ombre projetée sur la ville.
Je t'aimais, puisqu'il ne s'agissait plus de nous. La chambre peut-être... Je t'écris cette lettre. Mais j'attends moins la réponse... Tu n'as plus ton charme, madame, et, moi, plus mon amour.
Je mens peut-être... Mentir à longueur du jour, j'attends moins la réponse.
Vrai, madame, tu n'as plus ton charme, mais, moi, plus mon amour.
James Stanley Jean-Simon