BOISROND TONNERRE, le héros de l’indépendance haïtienne dont le patronyme reste une énigme

Tout le monde le connaît sous le nom simplifié de Boisrond-Tonnerre avec le nom le plus souvent utilisé de Louis Boisrond-Tonnerre. Mais le nom complet du célèbre rédacteur de l’acte de l’indépendance d’Haïti dont le seul exemplaire imprimé a été retrouvé en 2010 dans les Archives nationales britanniques à Londres était Louis Félix Mathurin Boisrond-Tonnerre. 
Boisrond-Tonnerre était à  la fois rédacteur et signataire de l’acte de l’indépendance le 1er janvier 1804 et s’était classé aussi comme le premier historien haïtien grâce à son livre Mémoires pour servir à l'Histoire d'Haïti. 

Il a toujours été présenté comme un grand criminel affichant dans ses interventions une fougue révolutionnaire qui avait plu énormément à  Dessalines et était sans conteste l’un des plus anti-français de son époque, comme le prouvent les mots violents qu’il avait prononcés quand Dessalines lui avait confié la tâche de rédiger l’acte de l’indépendance haïtienne. 

Son patronyme a donné lieu à de nombreux débats qui ne sont pas encore clos à l’heure actuelle et qu’il est intéressant de rappeler au tout début de ce texte.

Les trois versions sur le patronyme de Boisrond-Tonnerre 
Il existe trois versions qui expliquent qu’il n’avait pas utilisé le même patronyme que son père, un charpentier de son temps, connu sous le nom de Mathurin Boisrond.

D’après la tradition, le patronyme Tonnerre avait été choisi par son père pour immortaliser le fait que son fils avait survécu à la foudre qui avait frappé son berceau sans qu’il ait été blessé.

Une seconde version, nettement plus simple, et sans doute la seule crédible, le surnom ajouté à son nom de famille, Tonnerre, lui serait donné le jour de sa naissance par son père, suite au coup foudre impressionnant qui avait éclaté ce jour-là. Une version qui ne mentionne pas que la foudre était tombée dans son berceau.

Une troisième version avait révélé que Louis Boisrond aurait rajouté à son nom celui de la ville de Tonnerre en France, en Bourgogne, où il aurait fait ses études dans les années 1790, accompagné de son oncle paternel Louis-François Boisrond, député de la colonie au Conseil des Cinq-cents. Une version tout à fait fantaisiste, puisque notre héros de la guerre de l’Indépendance ne saurait avoir fait des études dans ce qui est actuellement une commune rurale dans la région de Bourgogne-Franche-Comté, dont la population ne dépasse pas 4345 habitants en 2017. Elle est trop petite pour être jusqu’ à nos jours une ville universitaire et il est légitime de croire qu’à l’époque où Boisrond-Tonnerre était parti en France, il ne pouvait même pas y trouver un établissement d’enseignement secondaire.

Les sources les plus sérieuses informent qu’il avait plutôt fait ses études  à Paris au Collège de la Marche, où il s’était passionné, d’après l’historien Joseph Saint-Rémy, surtout pour les luttes politiques de l’époque, négligeant même ses études. Est-ce vrai ?

Son retour à Saint-Domingue jusqu’à sa participation à la Guerre de l’Indépendance haïtienne 

Après son retour à Saint-Domingue en 1798, Louis Boisrond-Tonnerre s’était fixé à Saint-Louis-du-Sud où il fut receveur au bureau des douanes pendant deux années, soit de septembre 1799 à septembre 1801. C’est alors qu’il avait fait la connaissance du général Dessalines au camp Gérard où Geffrard avait établi son quartier général. 
Selon Edrick Richemond, sa manière de parler créole et sa fougue révolutionnaire étaient particulièrement appréciées par Jean-Jacques Dessalines qui avait fait de lui son secrétaire et son principal conseiller. Ce qui avait suscité beaucoup de jalousie et beaucoup de haine de la part des autres proches du futur Empereur.
Boisrond-Tonnerre était resté très proche de Dessalines. Selon l’historien Joseph Saint-Rémy qui avait édité ses mémoires en 1851, il était un personnage horrible, l’un des pires criminels de la période révolutionnaire. Joseph Saint-Rémy lui avait consacré un portrait cinglant aux allures de règlement de compte.
Selon cet historien, Boisrond-Tonnerre « était aussi un mauvais conseiller, qu’il considérait être l’âme damnée du gouvernement de Dessalines. Il l’avait aussi qualifié de « vicieux, plein de vanité, délateur et perfide.

Saint-Rémy l’avait aussi accusé d’avoir été le principal acteur du massacre des colons qui a eu lieu entre janvier et avril 1804. Un portrait à charge qui avait visé clairement à déconstruire le mythe Boisrond-Tonnerre. 
Selon Hénock Trouillot, dans Les origines sociales de la littérature haïtienne, « Boisrond-Tonnerre, le premier en date des écrivains de la jeune nation, représentait un de ces partis, celui de Dessalines où la haine des blancs, ou plutôt des français, était à son paroxysme (…) L’un de ses traits essentiels comme écrivain, c’est que dans sa phrase robuste et colorée, les adjectifs pleuvent comme en cascade. On dirait un homme dont les sentiments sont trop ardents pour être renfermés dans une phrase. Alors, il court à la recherche des mots, des adjectifs qui conviennent, c’est-à-dire les plus forts, et qui tonnent comme des coups de canon d’alarme.».
Boisrond-Tonnerre avait joué un rôle fondamental dans la rédaction de l’Acte de l’indépendance d’Haïti qu’il avait écrit dans la nuit du 31 décembre 1803 au 1er janvier 1804. C’était la seconde tentative de rédaction de cet important document, puisque le texte préparé avant lui par le général Charéron dont une rue porte le nom à Port-au-Prince n’avait plu  ni à Dessalines, ni à Boisrond-Tonnerre.
C’est alors que Boisrond-Tonnerre avait dit au général en chef de l’armée indigène ces propos qui sont parmi les plus connus des Haïtiens: « Pour rédiger l’acte de l’indépendance, il nous faut la peau d’un blanc pour parchemin, son crâne pour écritoire son sang pour encre et une baïonnette pour plume. Une des citations les plus célèbres concernant l’histoire d’Haïti et que tous les Haïtiens ont appris avec une immense fierté à l’école primaire et à l’école secondaire.

En somme, c’était un ensemble de « paroles sanguinaires, nourries des crimes dont il a été témoin aux Cayes et en d’autres lieux, qui semblaient avoir touché Dessalines aux tripes et qui lui avaient valu de se voir confier l’écriture de l’Acte de l’Indépendance d’Haïti dont les documents originaux n’ont été retrouvés qu’en 2010, à la Bibliothèque de Londres, soit 206 ans après leur rédaction.

Boisrond-Tonnerre avait aussi le privilège d’être choisi par Dessalines pour lire le 1er janvier 1804 l’acte de l’Indépendance après les discours en créole de Dessalines devant un public chauffé à blanc, réuni  dans la ville de Gonaïves.

La fin tragique de Boisrond-Tonnerre

Boisrond-Tonnerre avait assisté à l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines le 17 octobre 1806, sans réagir comme Charlotin Marcadieu, qui avait payé de sa vie le fait d’avoir voulu porter secours à l’Empereur. Le même jour, il était arrêté et emprisonné. Puis il a été assassiné à son tour, le 23 octobre 1806 à Port-au-Prince.

On sait qu’il a été exécuté à la baïonnette quelques jours plus tard dans son cachot dans la nuit du 23 au 24 octobre 1806.

Hommage à ce grand défenseur de la liberté qui était aussi écrivain, poète et historien qui est aussi connu pour ses Mémoires pour servir à l'Histoire d'Haïti , ce livre de 108 pages qui retrace les grandes étapes de la révolution haïtienne, qui a été publié en peu d’exemplaires en 1804 et qui a été repris en 1851 à Paris et réédité en 1981 par les Éditions des Antilles de Dieudonné Fardin. On le trouve aussi on line sur plusieurs sites qui sont payants.
Conclusion
Pour terminer, nous rappellerons que ce personnage viscéralement anti-français, fils d’un blanc dont le patronyme reste une énigme doit être considéré comme l’un des acteurs les plus sincères de la révolution de Saint-Domingue qu’il a marquée surtout par la rédaction de l’Acte de l’Indépendance haïtienne. Le grand problème entourant ce personnage, c’est qu’il semble avoir eu beaucoup plus d’ennemis que d’amis dans le milieu politique qui pourraient prendre le contrepied des nombreuses critiques dont il avait été l’objet. Ce qui explique la raison pour laquelle il a été sacrifié sans doute injustement alors qu’il n’était qu’au début de sa trentaine. 

 

Jean SAINT-VIL
jeanssaint_vil@yahoo.fr

 

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