Diplomatie : les dernières nominations de Jovenel Moise

Le chef de l’État, Jovenel Moise, continue d’opérer d’importants changements dans la diplomatie haïtienne. Plusieurs nominations dans des postes clés de la diplomatie haïtienne ont eu lieu ces dernières semaines. Mais au regard de la constitution de 1987 amendée, ces nominations sont contraires à l’esprit démocratique.

Des représentants permanents, ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires, et consuls généraux ont été nommés durant ces dernières semaines par le chef de l’État haïtien, mais sans tenir compte de l’article 141 de la constitution de 1987 amendée qui exige l’approbation du Parlement (le Sénat) avant d’accréditer des ambassadeurs et des envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères. L’arrêté nommant ces personnalités est pourtant bien clair. Ils n’ont pas été nommés en tant que chargés d’affaires avec rang d’ambassadeur, un titre qui n’exige pas l’approbation du Sénat pour partir en poste, mais de préférence comme ambassadeurs, représentants permanents ; ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires. À ce niveau, l’approbation du Sénat est une obligation constitutionnelle.

En plus de cette considération, la nomination d’Antonio Rodrigue comme ambassadeur, représentant permanent auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU) pose encore plus de problèmes. Ce dernier était ministre des Affaires étrangères et des Cultes durant la première année de mandat de Jovenel Moise, et il n’a jamais obtenu décharge de sa gestion en tant qu’ordonnateur. Autre nomination en tant qu’ambassadeur, représentant permanent concerne Sam Beau Soleil qui va représenter Haïti auprès de la communauté caribéenne. En outre, dans la longue liste des ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires on trouve Smith Augustin envoyé auprès de la République dominicaine, Jean Josué Pierre envoyé en France, Louis Marie Monfort Saintil, envoyé en Espagne, Frantz Bataille en Allemagne et Helph Monod Honorat au Japon.

Par ailleurs, ce même arrêté présidentiel fait état de la nomination de Yolande Moyard Joseph comme directrice générale de l’Office de protection du citoyen (OPC) et de Wedlyne François Pierre comme consul général d’Haïti à Paris. Et de même qu’une nomination comme ambassadeur extraordinaire ou ambassadeur représentant permanent, celle de consul général exige également l’approbation du Sénat. Donc, par ces nominations en cascade, sans respect de l’esprit constitutionnel, on comprend mieux les velléités du pouvoir en place de ne plus se plier à certaines exigences. Aujourd’hui, il est plus qu’important de rappeler l’importance de la Constitution comme norme juridique fondamentale et ultime, et qu’un pouvoir ne peut pas se contenter de passer outre de ce document dans ses décisions.

Il est vrai qu’elles sont prises dans un contexte politique exceptionnel qui est la négation même de l’État de droit et de la démocratie dont les tenants du pouvoir font la promotion depuis plus de trois ans. Si aujourd’hui le vivre ensemble n’est plus possible dans le pays, c’est parce que la Constitution comme norme juridique fondamentale et ultime n’a jamais été respectée et appliquée. Pourtant, nombreux sont ceux et celles qui pensent que la bonne marche du pays doit nécessairement passer par un changement de constitution, alors qu’ils n’ont jamais pensé à respecter et appliquer celle qui est en vigueur. À l’heure actuelle, le pouvoir peut brandir la carte de caducité du Parlement pour expliquer ses différentes décisions, mais là encore on se demandera qui est responsable si les élections pour le renouvellement du Parlement n’ont jamais eu lieu dans le pays ?

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