Pour une interprétation du pouvoir politique en Haïti à l'aune de la zombification

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D'une façon globale, parler d’Haïti après l’indépendance de 1804, c'est aussi parler d'un ensemble de pratiques coloniales qui sont encore présentes comme au sein du peuple. Si l’on prend en compte les travaux effectués par Jean Ronald Augustin (2016) sur la mémoire de l'esclavage en Haïti, il y a lieu de trouver un nombre considérable de pratiques, comme par exemple le phénomène de la zombification, la domesticité infantile, le vodou et tant d'autres points encore. En ce sens, il importe de préciser ici que l’élément qui fera objet d'une plus grande attention est la question de la zombification. Il est à remarquer que c'est un phénomène qui suscite pas mal de curiosité chez bons nombres de chercheurs.es haïtiens.nes ou étrangers.ères et ceci depuis pas mal de temps. La continuité de cette pratique dans le temps et aujourd’hui est considérablement indéniable.

Par ailleurs, il y a le pouvoir politique, qui est à voir dans le sens de Max Weber (1919), comme étant la capacité à faire obéir, de soumettre quelqu’un à sa volonté. Sans rentrer à fond dans la conception de la politique dans l’Antiquité Gréco-romaine, il est à dire d'une façon globale, que la politique a souvent été question de voir ou de mettre en avant ce qui serait mieux pour la société, ce qui pourrait conduire à son bien-être. De ce fait, une chose qui représente le mieux le pouvoir politique n'est autre que l’État, qui au sens de Weber (1919), possède le monopole légitime de la violence. En ce sens, il est à comprendre que dans bons nombres de société c'est de la responsabilité de l’État de donner le ton dans une certaine mesure. D’ailleurs, il était à voir avec les contractualistes que l’avènement de la société politique ou encore de l’État était objet d'un ensemble de consensus pour répondre à certains besoins de sécurité, de propriété, de respect de droit, pour une meilleure condition de vie.

De ce fait, face au pouvoir politique ayant pas mal de responsabilités. La non considération de ces éléments, ou encore leur non effectivité pour le bien de la communauté, peut-elle être assimilable à la zombification ? Comment est-il possible pour qu'il y ait zombification de la part du pouvoir politique au point que cela détruirait la capacité à revendiquer chez les citoyens ? Le pouvoir politique peut-il raturer les capacités du citoyen à revendiquer ? Comment une telle chose peut-elle être visible ou du moins être démontrer ? La zombification peut-elle s’étendre sur l’ensemble d'une société ? Alors, pour essayer d'apporter des éléments de réponse à l'ensemble de ces questions posées plus haut. Dans les lignes à venir, en premier lieu, il sera question de voir ce qu'est le phénomène de la zombification telle que connue, en restant dans le cadre de trois textes phares sur la question, celui de René Depestre

(1988) « Hadriana dans tous mes rêves », de même que Frankétienne (2010) à travers « Les affres d'un défi » et aussi l’article de Frank Dégoul (2006) intitulé « Du passé faisons table d’hôte », il s'agira dans ce cadre d'une description du phénomène.

Ensuite, dans la seconde partie pas mal de lien vont se faire entre la zombification et le pouvoir politique en Haïti. L'objectif est de tester dans quelle mesure le pouvoir politique en Haïti constitue un facteur de raturage de la capacité du citoyen à revendiquer. 

La zombification 

Tout d'abord, bien avant de rentrer dans les détails ayant rapport à la zombification, il est important de préciser, pour qu'une telle chose soit possible, il doit nécessairement y avoir de la mort, autrement dit un décès. Mais, il arrive que la situation de décès soit provoquée par un Bokor, appréhendé dans le sens d'une personne qui se sert de ses deux mains, comme pouvait l'illustrer très bien l’expression créole lorsqu’une personne parle « yon moun ki melanje ginen an, ki sèvi djab », « djab » dans la logique où ces esprits traversent le sang, ou encore tuent directement des gens comme des mercenaires. Ajouter à tout cela, la mort peut être aussi provoquée par n'importe quelle autre personne ou malfaiteur possédant le savoir nécessaire pour engendrer une chose pareille. La cause de cette drame peut être multiple, cela peut se faire par souci de justice et de vengeance après un affront quelconque, cela peut se faire aussi par jalousie et aussi pour n’importe quelle autre chose qui peut paraître insignifiante aux yeux de certaines personnes.

De ce fait, dans le livre de René Depestre (1988), l’accent est surtout mis sur un poison qu'une personne pouvait administrer à une autre pour provoquer sa mort, bien qu'il sera à comprendre qu’il s'agira d'une mort purement apparente. Abordant la question d’une façon plus large, Frank Dégoul (2006) fait une considération qui va au-delà de l'affaire d'un simple poison, il y a les expéditions qui peuvent survenir à n'importe quel moment, en ce sens. 

Dans le texte de René Depestre (1988), la première chose qu'il y avait à évoquer lorsqu’une personne parle de zombification comme première phase est « l’abaissement spectaculaire du métabolisme », la cessation apparente des principales fonctions vitales. Ensuite, il sera à remarquer que le Bokor ou manbo de men, ou autre malfaiteur.trice aura pour responsabilité d'aller chercher la personne décédée (de façon apparente) pour la ramener dans un endroit sûr ou un contrôle strict sera exercé sur cette personne en question, en commençant par l'appeler dans son tombeau, pour ensuite la gifler trois fois selon le rituel (Dégoul, 2006). Après, il sera question de prendre la personne pour la conduire chez des personnes proches de lui, pour  leur rendre visite, celles-ci peuvent être des membres de sa famille, des amis entre autres. Plus loin, arrivé dans la demeure, la personne en charge du zombi aura pour mission de le baptiser, de le donner un nouveau nom (Dégoul, 2006) comme ce fut le cas avec la Traite des esclaves. Il sera à remarquer que le/ la responsable du zombi privera la personne enterrée de son petit bon ange pour la mettre dans une bouteille (Depestre, 1988), dans la phase finale du processus et l'utiliser comme bon lui semble.

Pour avancer beaucoup plus sur la question, en plus de la question de travail forcé dont le zombi fait l’objet, il importe de souligner aussi que les zombis sont aussi objet de censure ou encore de punition. Dans le texte de Frankétienne (2010) par exemple, il sera à voir beaucoup d’atrocités envers les zombis comme punition pour leurs dérèglements. Nombreuses situations ont été évoqué sur ce plan, comme par exemple, Zofer n’hésitait pas à tailler la peau de ses zombis à les battre jusqu’à enlever leur peau avec des fouets, de même qu'il leur arrachait leurs dents parfois (Frankétienne, 2010). 

Enfin de compte, en dépit de tout ce qui vient être évoqué il est important de préciser que le zombi comme statut n'est pas une condition éternelle et qu'il y a lieu pour un zombi de s’évader comme cela s'est produit avec la fameuse Hadriana, pour sortir dans le cercle de Rosanfer, ou encore de mourir, mais cette fois-ci d'une vraie mort, comme mentionné dans le texte de Frank Dégoul, qui peut être traduit en créole par l’expression « mouri lanmò Bondje ». De là, en prenant en compte l'ensemble de ces éléments qui viennent d’être évoqués sur le processus de zombification, une personne peut dans une certaine mesure cerner de quoi il est question lorsqu’une personne parle de zombification. 

 

Partie II

Pouvoir politique et zombification en Haïti

Pour faire suite à l'ensemble des considérations qui ont été  faites plus haut sur la zombification, dans cette partie il sera question de voir dans quelle mesure le pouvoir politique en Haïti traite les citoyens comme des zombis en raturant toutes leurs capacités à revendiquer et ceci sur divers aspects. De ce fait, un accent sera mis sur la question de l’éducation, la question de la représentation politique et l’aliénation entre autre et plus loin, un regard sera apporté sur l’être humain en Haïti, la communauté politique, la considération de la vie humaine par le pouvoir politique, et enfin de compte la question de travail sera abordé en faisant ressortir les nuances et lien avec la zombification.

Dans la description du processus de la zombification, à travers les différents textes consultés sur la question, il était question de voir que le zombi ou encore la personne zombifiée n'avait pas droit de goûter au sel, et ceci que ce soit avec « Hadriana dans tous mes rêves » , ou encore dans le texte « Les affres d'un défi » de Frankétienne (2010) ou Zofer ne cessait de mettre en garde sa fille  « Sultana » contre l’utilisation du sel dans la nourriture préparée pour les zombis. Bien qu’une petite nuance a été porté dans le texte de Frank Dégoul (2006) où l’utilisation de ce dernier peut se faire de façon très contrôlée avec une pincette de façon pour qu'arriver à un moment où le sel n'ait aucun effet sur le zombi, mais il ne serait en aucun cas inconcevable de rester dans le cadre global pour aborder la question au regard du pouvoir politique en Haïti.

La première chose qu'une personne peut prendre en considération pour aborder cette question est la place que le pouvoir politique donne à l’éducation pour tous. Il est clair que l’éducation est un facteur clé dans le progrès d'une société, cela aide les personnes à aiguiser mieux que n'importe quelle autre chose leurs raisons et à avoir une vue critique sur la réalité. Mais, déjà dans le pays, il a été vu que la question de l’éducation n'a jamais été le principal souci des dirigeants de ce pays depuis pas mal de temps. Tout d'abord, elle était une affaire totalement exclusive, qui n’était pas pour tous, seulement les privilégiés du pouvoir à la base avec Pétion et Boyer (Sainte-Claire, 2016). De là, à partir de cette inégalité qui était à la base du système éducatif il y a lieu de se demander si le pouvoir politique ne se constitue pas en principal garant de l'abrutissement de la population de même qu’il a été question de voir les zombis de Zofer dans « Les affres d'un défi » de Frankétienne (2010) de rester tête basse devant lui. Les citoyens dans ce pays doivent rester tête basse aussi devant les manifestations du pouvoir politique, sans être en mesure de produire un jugement rationnel pour une amélioration de leurs conditions de vie.

En quoi cela va affecter la question de revendication chez les citoyens ? Divers aspects peuvent être pris en considération pour apporter des réponses à cette question. Tout d’abord, une personne peut utiliser le cadre de l'espace public dont parlait Jürgen Habermas, bien que ce soit hors contexte vu qu'Habermas réfléchissait sur la bourgeoisie occidentale, qui se base essentiellement sur l'usage public de la raison où un argument sur une question d’intérêt général ne saurait s'imposer que par le fait qu'il est rationnellement jugé meilleur qu'un autre (Loïc, 2015). Avec toutes les limites de la perception de l'espace public de Jürgen Habermas d'ailleurs critiqué par Nancy Fraser, comme étant une mise sous silences de nombreuses autres catégories de la société (Lits, 2004). Mais, il revient ici de se baser sur l'unique utilisation de la raison telle évoquée par ce dernier. De là, il ne peut aucunement être question d’une affaire de suivisme aveugle sans aucun jugement ou remise en question comme lorsque Zofer trainait ses zombis, les intimant des ordres comme bon lui semble, ils n'avaient tout simplement qu'à obéir en dépit de tout (Frankétienne, 2010). Dans n'importe quelle façon que la question pourrait être abordée la maitrise des rudiments de base que fournisse l’éducation que soit à l’école ou au plus haut niveau de l’université est plus que nécessaire. Tout cela pour parvenir à franchir le cadre que posait Emmanuel Kant (1784) dans «  Qu’est-ce que les lumières ? », le fameux Sapere Aude, pour qu'aucune autre personne n'ait à penser à la place d'une autre, mais plutôt à chacun d'utiliser librement son entendement. Or, ceci n'est nullement le cas pour la majorité des personnes dans ce pays, qui plaident jusqu’à maintenant pour un meilleur système éducatif qui sera accessible à tous, sans aucune échelle, favorisant tout le monde mais, pas les gens qui habitent uniquement en villes ou qui possèdent beaucoup d’argent. Ajouter à tout cela, tenant compte dans la situation actuelle du pays, il est à remarquer une baisse considérable des milieux d’instruction dans le pays, ce qui paraît encore pire dans une certaine mesure. 

Pour approfondir le débat, un auteur qui pourrait venir en aide sur cette question c'est Pierre Bourdieu (1981), qui montrait la nécessité pour que tout le monde dans une société puisse avoir accès à un ensemble de capital culturel et social pour qu'il puisse y avoir une opinion vraiment collective, et non l'affaire exclusive de quelques-uns. À partir de là, même en  utilisant le prisme de la zombification, une personne peut mieux saisir toute la pertinence de sa théorie sur la représentation politique (Bourdieu, 1984) où les citoyens sont complètement dépossédés, sont totalement pris au piège de la représentation, n'ont pas d'autre choix que de rester comme des zombis,  vue la configuration de la vie politique comme étant un lieu régit par l'offre et la demande (Bourdieu, 1981), attendant que la meilleure offre vienne à eux en restant totalement passif. À l'heure actuelle dans le pays il n'y a pas de président élu constitutionnellement, il sera question d'attendre au moment où il y aura des élections soit après deux ou trois ans, peu importe, pour que les gens puissent faire choix d'un candidat qui pourrait soi-disant défendre leurs intérêts, ce qui est vraiment comparable à lorsqu’on donnait à manger aux zombis.

Pour aller plus loin, dans les différents textes sur la zombification, il a été question de voir que le zombi, a été objet de baptême tel que le décrit très bien Frank Dégoul (2006) dans son texte. De là, il était question de rendre le zombi étranger à lui-même comme c'était le cas auparavant avec les esclaves qui débarquaient sur l’île. D’où la question de l’aliénation. Ainsi, il est à voir qu’au-delà de la question de l’éducation de base, qui n’était pas l'affaire de tout le monde dans le pays, survient un autre problème au plus niveau, qui touche d'une façon très large les gens qui sont dans le domaine de la production du savoir dans le pays.

Alors il est à dire que cette situation d'aliénation dont est objet le zombi, elle n'est pas aussi différente de ce que connait le pays aujourd'hui avec les gens. Tout d'abord la première critique peut être venu en ce qui concerne le domaine de la connaissance, l'incapacité de se penser à partir de soi-même, le fait de penser dans le modèle de l'occident tout en niant l'originalité de la situation haïtienne. C'est un cas évoqué par plusieurs auteurs haïtiens travaillant sur les questions haïtiennes comme par exemple Glodel Mezilas (2016) dans son livre « Haïti, les questions qui préoccupent », Jean Casimir (2008) « Haïti et ses élites » De même que Edelyn Dorismond (2020a) dans son livre intitulé « Le problème haïtien » où ils évoquent la nécessité de sortir dans les prismes de l'occident pour essayer de voir le pays comme quelque chose de spéciale. De là, n’y a-t-il pas lieu de voir dans le pays des intellectuels zombis, aliénés et cette situation  ne va pas changer d'un coup en occupant des hauts postes de décisions dans le pouvoir. Si les personnes sont aliénées dans ce pays, donc incapables de se penser eux-mêmes, en dehors des carcans de l'occident, il sera à voir une reproduction de cette situation sur l'ensemble de la société de façon globale, puisque les élites n’hésiteront pas à contribuer à cette œuvre.

L’illisible projet humain

Frank Dégoul (2006) dans son texte « Du passé faisons table d’hôte » n'a pas manqué de montrer avec beaucoup de dextérité le lien qui existe entre le phénomène de la zombification et l'histoire en faisant pas mal de référence au code noir, à la situation coloniale de façon générale.  De là, ce qu'il y a à comprendre c'est que la question coloniale continue de tourmenter encore ce pays. De ce fait, un autre angle sur lequel une personne peut mettre un peu d'accent, touche la question de la communauté politique abordée par le philosophe Edelyn Dorismond (2017), sur la question des « Sociétés Postesclavagistes et fondation politique ». Il a été question de comprendre dans ce texte, la difficulté qu'une personne peut rencontrer dans ce pays, pour parler de l’existence d'une communauté politique, ce qui laisse croire que dans ce pays c'est la division ou encore le déchirement, l'inexistence de lien social, qui laisse place à la règne d'une pensée rachitique incapable d'embrasser le tout en d’autres termes le commun. Alors, pour faire suite à ce cas, il sera question de voir en quoi cela n'est aucunement différent des zombis.

Il a été mentionnée dans le texte de René Depestre (1988) qu’ « il n'y aurait pas d’unité d’intérêts et de passions entre les zombies. Ni le mépris ni l’hostilité des autres « races » à leur égard ne seraient capables de forger un lien entre eux ». De ce fait, en considérant l’absence de lien social évoqué plus haut par le philosophe Edelyn Dorismond, et ce que cet extrait nous révèle, il ne serait pas du tout insensé de croire qu'en Haïti, il n’existerait que des zombis, incapables de faire des dépassements, de mettre sous silence leurs différences pour le bien commun. Alors, en tenant compte de ce cadre, comment serait possible pour qu'il y est des revendications venant de la part des citoyens qui ne prennent pas en compte le commun dans un état de division pareille ? Il sera à voir que chacun essayera de tirer le drap dans sa direction, cherchant à influencer le pouvoir, à raturer aussi la majorité des citoyens pour faire passer leur égo, comme c'est le cas de la société civile par exemple, qui est parfois une instance de légitimation du pouvoir politique, en donnant des consultations, sous prétexte de représenter l’intérêt commun (Pierre, 2022). Il sera question dans ce cas de ce que Pierre Bourdieu (2001) appelle « l’appropriation usurpatrice » dans son texte « Le mystère du ministère ». Pour faire suite à ce cadre, il importe de jeter un regard maintenant sur la question de la représentation de la vie humaine en Haïti, par le pouvoir politique.

Que représente un être humain aux yeux de l’État en Haïti ? Quelle considération l’État fait-elle de la vie en Haïti ? Qu’est-ce qu'elle représente en réalité pour ce dernier ? Il est à dire que des éléments de réponse ont été apportés à l'ensemble de ces questions dans le texte du philosophe Edelyn Dorismond (2020b) Qu’est ce qu’une vie humaine en Haïti ? Comme élément de réponse à l'ensemble de ces questions de façon brève il est à dire que la vie humaine en Haïti nage dans l'insignifiance la plus totale pour l’État, et ce dernier ne fait que garantir la bestialisation de la vie en Haïti. Tout en prenant en compte le mode de gestion du covid -19 en Haïti, l'auteur souligne le fait que le pouvoir en place ne laisse pas lieu aux citoyens de se réaliser pleinement.  Face à cet état de fait évoqué par l’auteur de ce texte il revient à dire que les gens de ce pays, sont au même niveau que le zombi, il n'y a pas de grande différence à faire.

Les zombis étaient traités de telle sorte qu'ils ne puissent pas être trop à l'aise ou du moins « gâté », le même état de fait a été évoqué par l'auteur aussi pour montrer la façon dont les gens de ce pays sont entretenus en les mettant dans une position pour qu'ils soient toujours dans une soif, soif de manger, de se réaliser, de s'accomplir entre autres.

Après l'ensemble de ces considérations, il convient maintenant de jeter un regard sur la question du travail. Tout d'abord il importe de préciser que le travail, sa conception contemporaine comme étant une chose noble, n'a fait que survenue avec la modernité vers les XVème – XVIème siècle ( Jaccard, 1975). Avec ce qui est de la question du processus de civilisation progressive des mœurs où il y aura un ensemble de changement, un ensemble de valeurs bourgeoises qui vont ensuite se propager sur l'ensemble de la population, jusqu’à être considérées aujourd’hui comme étant une vertu (Jaccard, 1975). Mais, le travail bien que cela soit une vertu dans cette époque, il y a un autre problème qu'il engendre avec le capitalisme c'est la question de l'exploitation à outrance engendrer de façon globale où les gens sont considérés seulement comme étant des forces de travail, jusqu’à être chosifié par le système. De là, il y a lieu de comprendre que le capitalisme en soi, est un grand fabricateur de zombi, où les gens ne sont réduits qu’à leur force de travail. Mais l’enjeu dans tout cela c'est qu’aujourd’hui les gens ont besoin de travail pour se réaliser en tant qu’être humain, pour faire l’expérience pleine et entière de la capabilité comme pouvait le mentionner le philosophe Edelyn Dorismond. De là ils seront en mesure de sortir dans l’immédiateté, dans le présent, et de se construire un idéal comme être humain ( Dorismond, 2020b). 

Mais, bien que le travail relève de l’ambiguïté, où d'une part les gens ont besoin du travail pour se réaliser et d'autre part le travail peut les réduire à des choses. Il convient quand même au pouvoir politique de souligner ces questions et apporter des éléments de réponse à l'ensemble de la population pour que les gens puissent se réaliser comme humain, et vivre aussi en dignité, de là,  il faut non seulement penser le travail pour les gens de ce pays, mais dans de très bonnes conditions aussi, différents du zombi pour mieux dire, ou encore de ce que connaît les gens dans les parcs industriels. Ainsi le travail devrait être l'objet de politique publique pour le bien-être de tous. Vu que sans cela l’être humain ne connaîtra que de la souffrance intérieure, l'amertume face à la vie, de la dépression face à cette impuissance d'agir comme pouvait l’exprimer le professeur Edelyn Dorismond. L’être humain doit être en mesure de penser son demain, de le façonner et pas seulement de le subir sans en avoir aucune emprise sur celui-ci. Avec l’émergence de la modernité les gens vont être beaucoup plus centrer sur eux-mêmes, plus individualistes, et cela va plutôt les porter à se mépriser, à être frustré vu la réalité de la vie, ce qui aura comme conséquence un exil intérieur pour reprendre un peu Roland Jaccard (1975).

En somme, il était question de voir ce qu'est la zombification d'une façon globale, et pour la décrire plusieurs textes ont été mobilisé, et ensuite il était question d’essayer de voir en quoi le pouvoir politique tel que constitué en Haïti contribue grandement au raturage de la capacité des citoyens à revendiquer. Maintenant, il est d'autant plus souhaitable qu'il y ait de politiques qui prennent en compte la vie des gens dans ce pays, avec toutes les considérations nécessaires pour leur plein épanouissement, pour pouvoir enfin parler de bien-être de tous.

 

Jacky Rodson THÉODORE

 

Références 

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CASIMIR, J (2008) Haïti et ses élites l'interminable dialogue des sourds.

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