Haïti-Crise

Des tribunaux dysfonctionnels, incendiés ou dépourvus de magistrats

Depuis plusieurs années, le système judiciaire haïtien connaît des turbulences qui affectent profondément le sort des justifiables. Cette situation s'est vite aggravée durant les premiers mois de l'année. Dans quelques juridictions, des tribunaux sont incendiés, pillés et vandalisés; d'autres sont totalement dysfonctionnels en raison de l'insécurité qui sévit dans le pays.

Un rapport du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), en date du 10 avril 2024, soulève la situation chaotique du pays et les différentes violations des droits humains enregistrées pendant le premier trimestre de l'année. Depuis le début de l’année 2024, les Cours et Tribunaux sont dans l’impossibilité de fonctionner soit en raison de l’insécurité, soit en raison de problèmes plus structurels qui datent d’avant 2024 ou encore, à cause de la grève illimitée des greffiers.ères en date du 12 décembre 2023, où ils affirment observer un arrêt de travail illimité”, a confié l'organisation de défense des droits humains.  “Dans la juridiction de Port-au-Prince : Depuis le 29 février 2024, les portes du Parquet 

ainsi que celles du Tribunal de première instance demeurent fermées ; entre février et mars 2024, les bandits mettent le feu à la barrière principale du Tribunal de paix de Delmas.

 Dans la soirée du 2 avril 2024, ils perforent le mur du bâtiment et tentent de s’y introduire. Cependant, les forces de l’ordre sont arrivées à temps pour les en empêcher le 29 mars 2024, des bandits pillent les locaux du Tribunal de paix, section sud de Port-au-Prince. Ils en profitent pour incendier partiellement le rez-de-chaussée du bâtiment. Cependant aucun bilan n’est à date dressé, les responsables ne pouvant se rendre sur les lieux. Le juge titulaire dudit Tribunal affirme aussi avoir fait appel à son ministère de tutelle pour une évaluation du bâtiment. Il n’a encore reçu aucune réponse , ont fait savoir les responsables du RNDDH. 

Ces attaques contre des bâtiments de l'appareil judiciaire ne concernent pas seulement le centre-ville de Port-au-Prince. Dans la juridiction de la Croix-des-Bouquets : Dans la nuit du 2 au 3 mars 2024, des bandits armés ont incendié le Tribunal de paix de ladite commune. Selon les responsables, cette attaque va davantage compliquer le travail des auxiliaires de la justice. Ils affirment que le tribunal fonctionnait déjà au ralenti tant en raison du fait que le personnel avait déjà du mal à s’y rendre, à cause de l’insécurité qu’en raison de la grève des greffiers.ères. Parallèlement, aucun bilan des pertes enregistrées n’est encore dressé. 

Dans la juridiction de Petit-Goâve, Dans la nuit du 8 au 9 février 2024, une  manifestation en provenance de la Plaine prend la direction de la ville. Les manifestants.es s’introduisent par effraction dans les locaux du Tribunal de première 

instance, les saccagent et emportent tout le matériel trouvé sur place. Ils avaient même tenté d’y mettre le feu. 

A Fort-Liberté, des manifestants ont pillé puis  incendié le 7 février 2024, les tribunaux de paix de Ouanaminthe.  A Jacmel, les activités judiciaires sont au ralenti au Tribunal de première instance à cause du mouvement de grève des greffiers.ères et ce malgré la nomination de quatre (4) juges et juges d’instruction au sein de la juridiction. En outre, certains tribunaux du Sud'Est fonctionnent sans un juge de paix titulaire, a rappelé le RNDDH. «Un (1) seul juge assure le fonctionnement des Tribunaux de paix de Belle Anse et de Mapou. Le Tribunal de paix de Cayes-Jacmel cohabite avec l’Office de l’état civil dans le centre polyvalent. Dans la juridiction des Gonaïves : le 6 févier 2024, le Tribunal de paix section Nord des Gonaïves est vandalisé par des manifestants.es. Le tribunal de paix de l’Estère ne fonctionne pas depuis plus d’un an en raison du fait que le juge titulaire ne peut se rendre sur ses lieux de travail, à cause des bandits armés de la base Kokorat san Ras. Dans la juridiction de Saint-Marc : les Tribunaux de paix de Liancourt et de Petite-Rivière de l’Artibonite ne fonctionnent pas à cause des actes de banditisme de la base Grand Grif.»

En effet, c'est un pouvoir judiciaire qui fonctionne sous les béquilles. L'instabilité politique a provoqué le renouvellement de mandats de certains juges, des juridictions qui devaient fonctionner à cinq juges n'ont que trois (3) ou deux (2) juges d'instruction.  A la cour de cassation, des secteurs s'interrogent sur les irrégularités qui suivent les juges qui ont été nommés par le Premier ministres Ariel Henry en 2023. Des justiciables sont incapables de passer par devant leurs juges. Des responsables de certaines associations de magistrats qui ont été contactés par la rédaction du Journal Le National, n'ont pas voulu s'exprimer, face aux retombées de l'insécurité sur le  pouvoir judiciaire.  L'un d'entre eux, sur le couvert de l'anonymat, indique qu'il est en attente comme tout le monde d'une reprise à la normale des activités dans le pays.

 

Oberde Charles 

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