« Poème pour célébrer la terre » cri de cœur du poète haïtien Roger Dorsinville

Roger Dorsinville, poète de la littérature haïtienne contemporaine a publié en 1955 un long texte intitulé :  « Pour célébrer la terre » suivi de « Poétique de l'exil » les deux textes ont été réédités chez Mémoire d' encrier à Montréal. Dans « Poème pour célébrer la terre » c’est le cri de la terre vibrant, qui implore notre secours.

Animé par un rythme incantatoire et syncopé, ce poème est un hymne à la terre et aux hommes et femmes qui la fécondent. Puisant son inspiration dans l’attachement charnel du paysan à la terre, il est une invitation à la fête et à la danse, une forme d’acte propitiatoire servant à exorciser à l’avance l’avènement de la dictature des Duvalier, deux ans plus tard. Homme politique et écrivain, Roger Dorsinville est né à Port-au-Prince en 1911 et y est décédé en 1992. Il a été militaire, évangéliste, enseignant, journaliste, chef de cabinet présidentiel, ainsi que consul, ministre et ambassadeur dans différents pays d'Amérique du sud et au Sénégal, avant de mettre fin à sa carrière politique en 1965. Il vécut en exil au Libéria et au Sénégal jusqu'en 1986, année de son retour en Haïti. Roger Dorsinville laisse derrière lui une œuvre considérable : poésie, roman, nouvelles, théâtre, essais qui ont tous retenu l' attention de la critique et des intellectuels avisés. Son texte engagé : « Poème pour célébrer la terre » est le cri dz cœur d un poète à sa terre natale. Une ode à la terre haïtienne à laquelle est attaché notre cordon ombilical.Pour célébrer la terre

 

Verte et fraîche

Hors de la nuit

Arrachée verte et fraîche

A la nuit

 

Pour célébrer la terre

Hors du lit de la nuit

Où dormait la nuit

Molle et douce dans chaque creux de la terre

 

La nuit comblait chaque creux de la terre

Coulant jusqu’au profond de chaque ravin

Le long de toutes les pentes

 

Et chaque pente surélevée

Chaque doux mamelon de colline

Toutes les montagnes brandies le jour comme un cri

Chaque pente chaque montagne

Etaient enveloppées par la nuit

Enveloppées dans la nuit

Prises dans la pesanteur mouillée

Des bras de la nuit

La terre entière

Dans ses creux

Dans ses collines

Enveloppées dans la pesanteur mouillée de la nuit

 

Pour célébrer la terre hors de la nuit

Verte et fraîche

Mille rayons clairs debout

Derrière d’autres mornes

Jusqu’à d’autres raons clairs

Derrière d’autres mornes

 

 

 

Mille rayons clairs

De mornes à mornes

Dentelés

Dans les rayons clairs

Mille par mille rayons clairs

Font une tente de clarté

 

Au-dessus des creux profonds

Arrachés à la nuit

Au-dessus des creux profonds

Hors de la nuit

Au-dessus des creux

Entre les mornes

Crêtés de rayons clairs

Hors du creux profond de la nuit

Hors du creux noir et mouillé de la nuit

 

Dans un creux profond de mornes

Dans un creux entre des mornes crêtés de rayons clairs

Dans un creux hors de la nuit

Hors de la mollesse ouverte

Profonde et mouillée de la nuit

 

Dans un creux profond de mornes

Dans un creux de clarté

Couvert de clarté

Des tentes de la clarté

 

Un arbre seul

Pour célébrer la terre

Un arbre seul

Dur et droit

 

Que cachait la nuit (…) Schultz Laurent Junior

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