Haïti, une interminable mission étrangère

La République d’Haïti, ces derniers temps, fait face à une situation qui augmente le désespoir du peuple haïtien. Cette situation qui est aggravée par l’insécurité galopante ne cesse de préoccuper les organisations internationales et mêmes régionales. La situation d’Haïti est au centre de diverses réunions organisées par le conseil de sécurité des Nations Unies. Ces réunions se font dans l’idée de voir comment la communauté internationale (les pays qui se disent amis d’Haïti) pourrait apporter une aide à Haïti. Comme le gouvernement d’Ariel Henry l’a déjà demandé. L’insécurité que connaît le pays ne cesse d’envenimer la situation socio-économique du peuple haïtien.  Et, ce dernier est arrivé à un moment où il ne sait pas à quel saint il doit s’adresser. Il attend un sauveur, peut être une force étrangère pour pouvoir mettre une fin dans la barbarie qui sévit dans le pays.  Cependant, la question de l’intervention d’une force étrangère n’est pas bien vue par une bonne partie de la société civile.  Car, la dernière force qui était dans le pays à savoir la MINUSTAH avait laissé des séquelles au sein du membre de la population haïtienne.

 

En fait, Haïti connaissait beaucoup d’intervention des forces multinationales durant la période post-duvaliériste. Dès fois, nous  la demandons nous-mêmes ou on nous l’impose. Il faut dire qu’au lendemain de la chute du régime héréditaire duvaliériste(1957-1986), Haïti avait connu des moments difficiles liés au mouvement sociopolitique de l’époque. Coup d’État à répétition, les massacres, les tueries et autres… il est vrai que la constitution de 1987 fait qu’Haïti un État démocratique, mais les pratiques  duvaliéristes se pérennisent. À vrai dire, le système démocratique établie dans le pays. Qui est d’ailleurs « une démocratie supportée par la communauté internationale, précisément les puissances occidentales»  n’est pas en santé. Lorsque nous connaissons le niveau de la faiblesse des institutions Étatiques. Une démocratie résumée presque à la séparation des pouvoirs, la liberté de la parole « Je suis dans la démocratie lorsque je peux dire tout ce que je veux ».

  Par contre, ce que les spécialistes appellent, les panneaux indicateurs d’un pays démocratique n’existent pas en Haïti. À savoir la transparence, le droit à la santé, à l’éducation, au logement, aux loisirs sans oublier la sécurité qui est l’une des obligations premières de tout État qui se respecte. Nous pouvons dire que depuis la période post-86, le peuple haïtien réclame ces droits directement à l’Etat pour aller dans le sens de Michel Hector et Laënec Hurbon dans ce texte Genèse de l’État haïtien (1804-1859), écrit sous leur direction. Mais, rien de concret, les présidents passent et le peuple reste sur ses soifs. Tout simplement, étant donné que nous sommes dans la démocratie. La démocratie libérale, le pluripartisme est indispensable. Les partis politiques ne cessent d’augmenter sans avoir un programme, une vision de société.

 Selon Henry M. Dorléans, dans son livre intitulé  La communauté internationale et les droits de l’homme dans les petits pays  il dit que : « Dans la classe politique, certains attendent sans préparer quoi que ce soit le pouvoir qui leur tombera du ciel de la communauté internationale tandis que d’autres, au pouvoir eux-mêmes sont préoccupés à mettre leur progéniture à l’abri des besoins matériels jusqu’à la énième génération » 1999 : 85). Le champ politique est comme une industrie pour la plupart des hommes politiques haïtiens. Car, il les permet de faire leur santé économique. « Haïti n’a plus de ces politiciens visionnaires pénétrés d’un idéal national » (ibid.). Ce qui fait qu’Haïti le premier État noir et le deuxième État indépendant du Nouveau Monde, est devenu de jour en jour un État humilié, méprisé.  Un État fragile toujours à être supporté. D’où  les éléments pouvant expliquer l’intervention des forces étrangères en Haïti de 1993 à nos jours. Il faut dire, le plus souvent ces forces étrangères ne font que défendre leur intérêt. Comme nous l’avons déjà mentionné, la période post-duvaliériste est très mouvementée par rapport aux désidératas de la population haïtienne. Le coup d’État du président Leslie Manigat  en 1988 par  les hommes qui l’avaient donné le pouvoir.  

De 1988 jusqu’à l’arrivée du père Jean Bertrand Aristide à la tête du pays en 1991, les pratiques duvaliéristes ne cessent de répéter. En ce qui la violation des droits humains. Le lavalasien est élu président de la République d’Haïti en 1991, alors que pendant cette même année, il allait être dépossédé du pouvoir. Ce qui allait retourner à la pratique, président provisoire que le régime dictatorial des Duvalier avait stoppé pendant environ 29 ans. Cette situation allait inaugurer ce que nous pouvons appeler l’interminable mission étrangère en Haïti. Parce que, depuis 1993 à nos jours, nous connaissons plusieurs missions étrangères parfois civiles ou milliaires. En tout premier, la MICIVIH (Mission civile internationale en Haïti) février 1993 mars 2000. Cette mission civile était venue en Haïti sous le commandement de l’ONU/OEA. Elle avait pour mission « vérification des droits de l’homme, assistance technique en matière de droits de l’homme et promotion des droits de l’homme en Haïti» (Dorléans. 1999 : 18).

 Toujours selon les écrits de Henry M. Dorléans  « on peut relever trois facteurs qui ont déterminé de façon directe l’envoie de la MICIVIH : le coup d’État du 30 septembre 1991, la situation des droits de l’homme pendant la période du coup d’État et la demande du président de la République d’Haïti Jean Bertrand Aristide» ibid.33. L’UNMIH (Mission des Nations Unies en Haïti) septembre 1993 juin 1993. Cette mission militaire était venue en Haïti sous le commandement des États-Unis. Après, le départ de cette mission, l’arrivée d’une troisième. L’UNSMIH (Mission d’Appui des Nations Unies en Haïti)  juillet 1996 juillet 1997. Cette mission militaire était venue en Haïti sous le commandement du Canada. Il faut noter que durant cette période la Police nationale d’Haïti (PNH) avait été créée. Pourtant, les  Forces armées d’Haïti (FAD’H) avaient été démantelées. L’UNTMIH (Mission de Transition des Nations Unies en Haïti) août 1997 novembre 1997. Cette mission militaire était sous le commandement du Canada. On  dirait qu’Haïti est indispensable aux missions étrangères. La MIPONUH (Mission de Police civile des Nations Unies) décembre 1997 mars 2000. Cette fois, la MIPONUH était venue en Haïti sous le commandement d’un Pays africain, la Guinée Bissau. La  MICAH (Mission civile internationale en Haïti) mars 2000 février 2001. La MICAH était une mission civile. En ce qui concerne, ces différentes missions, on voit elles avaient été envoyées dans le pays presque dans la même année. Et, leur mission n’était pas tellement différente.

On doit noter que de 1993 à 2001 à l’intérieur de cette période le président René Préval (1996-2001), est arrivé à boucler son mandat. Il allait passer le pouvoir à Jean Bertrand Aristide. Ce dernier  a pris le pouvoir une deuxième fois, il est considéré comme l’espoir de la masse qui est assoiffée de justice sociale. Mais, son discours populaire et les actions menées par ses partisans et autres… allaient déclencher des mouvements de contestation contre son pouvoir. Et, il allait être une seconde fois chassé du pouvoir et parti en exil. La situation chaotique existée dans le pays à l’époque, encourageait une nouvelle force militaire beaucoup plus musclée pour instaurer la paix dans le pays. D’où le déploiement de la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti) juin 2004 septembre 2017. Cette force militaire était venue en Haïti sous le commandement du Brésil. Elle est la plus grande du point de vue effectif que connaissait le Pays. Et, elle a duré plus qu’une décennie. La MINUSTAH laissait de très mauvais souvenirs pour le peuple haïtien. Elle apportait au Pays le choléra. Cette épidémie qui causait la mort de plusieurs milliers compatriotes haïtiens. Et, cette force augmentait la situation socio-économique des familles haïtiennes par rapport à la progéniture que les soldats de cette force laissaient dans le pays.

Malgré tous ces éléments négatifs, cela n’empêchait pas l’envoie d’une autre mission : La MINUJUSTH (Mission des Nations Unies pour l’Appui à la Justice en Haïti) octobre 2017 octobre 2019. Cette mission civile était commandée par les États-Unis. Notons que sur le mandat de cette mission, le foyer des groupes armés est multiplié dans le pays. Après, le départ de la MINUJUSTH on nous envoie une autre. Le BINUH (Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) octobre 2019 à nos jours. Cette dernière mission commandée toujours par les États-Unis est une mission civile comme celle qu’elle précédait, la MINUJUSTH. Le BINUH est là pour être consulté dans divers domaines. Il est important de rappeler que sur le mandat de BINUH, le président haïtien, Jovenel Moïse est assassiné dans sa résidence privée à Pèlerin 5 dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021. Cette mission est toujours là dans le pays. Alors que les foyers et les actes des groupes armés ne cessent de prendre ampleur.

En conclusion, la République d’Haïti, depuis les années 92,  recevait et reçoit encore des missions internationales, civiles ou milliaires. Malgré, ces différentes forces étrangères, les problèmes restent et demeurent les mêmes. Sinon, ils s’évoluent. De préférence, les forces étrangères ont plus d’impact négatif que positif. Car, ces forces affaiblissent les institutions nationales. Et, aggravent la situation socio-économique du peuple haïtien, comme la MINUSTH a fait. En augmentant le taux des enfants  que leurs pères ne prennent pas en charge en Haïti. En réalité, on peut dire que les forces étrangères, multinationales ne ressoudent pas vraiment les problèmes du pays. Ce qui fait qu’Haïti connait une interminable mission étrangère. Le problème de l’insécurité qui fait l’actualité ces derniers jours, est très complexe comme je l’ai déjà dit dans ce texte inédit Haïti, un pays pris en otage . À notre avis, la destruction de l’insécurité en Haïti doit être entrée dans un projet. On peut dire un projet à court terme, à moyen terme et à long terme. On ne doit pas prétendre qu’une mission étrangère peut venir nous mettre dans la sécurité. Mais, c’est le peuple haïtien qui doit se mettre en insécurité lui-même.  Lorsqu’il détruit cet État croupion et construit un État serviteur. Un  État de droit dans lequel tout monde est égal en matière de justice.

 

Frantz Sinoble

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