30 septanm 91: Mwen te yonn nan diplomat beton devan Biwo Loni nan Nouyòk

Wi, 30 septanm 1991, mwen te youn nan diplomat beton yo ki te devan Biwo Loni nan Nouyòk pou m te pwoteste ak denonse kou Deta militè an kont prezidan Jean-Bertrand Aristide.

 

C’est comme si c’était hier en dépit du fait que cela fait déjà trente et un ans. Je me rappelle ce lundi matin.  Alors que ma femme était au bureau et que moi à la maison avec mes deux enfants, quand un ami, étudiant de ‘’Brooklyn College’ m’avait appelé pour m’annoncer le coup d’État des militaires contre le président Aristide.  Militant très fougueux à l’époque, dans un sac au dos pour enfants, je mettais quelques biberons remplis de jus, d’eau, de lait puis quelques couches pour mon fils et ma file, respectivement deux ans, et cinq mois pour rejoindre en direction du Bureau des Nations unies à Manhattan, les premiers groupes de protestataires.  Ils n’étaient pas nombreux.  À peine une cinquantaine.  Avec eux, nous étions les premiers qui, par anticipation, réclamaient des sanctions contre les militaires de Port-au-Prince au cas où leur tentative de coup de force contre le président fraichement investi dans ses fonctions aurait réussi.

 

Dans l’après-midi, comme les organisateurs de la manifestation étaient informés que le président et quelques membres rapprochés de son équipe étaient à ses bureaux au Palais national, donc l’ordre était intimé aux protestataires de rentrer chez eux. Ainsi, j’avais pris le train avec mes enfants pour rentrer chez moi. À la sortie de la station de train à l’intersection de Beverley Road et de Nostrand Ave, j’avais rencontré un des supporteurs malades d’Aristide qui me disait : pitit gason m, ou pa bezwen pè, tout bagay sou kontwòl/mon fils, tu n’as pas à t’inquiéter, tout est sous contrôle.

 

Arriver chez moi, après avoir changé les enfants, et les donner à manger, j’étais branché sur une petite station de radio (Ginen) communautaire d’alors. C’était à ce moment qu’un correspondant de la station de radio de Port-au-Prince annonçait qu’on venait d’arrêter le président Aristide au Palais national. Il est entre les mains des militaires putschistes qui sont très en colère contre l’élu du 16 décembre, annonçait le correspondant. Ainsi, comme par magie, mon appétit fut coupé.

 

La mobilisation de la communauté haïtienne de New York contre le coup de force

 

À la nouvelle de l’arrestation du président Aristide par les militaires, Brooklyn était mobilisé. Ses supporteurs étaient sur pied de guerre. Dans l’intervalle, comme ma femme rentrait du bureau, donc c’était avec empressement que j’avais laissé les enfants à sa disposition pour aller rejoindre les compatriotes qui protestaient contre le coup de force des militaires. Ainsi, avec un groupe d’amis, on était allé à Eastern Parkway (Brooklyn) où se trouvait le bureau privé de Wilson Désir qui était à l’époque le Consul général d’Haïti à New York. Les larmes aux yeux, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, tous ils crachaient leurs frustrations contre les militaires de facto de Port-au-Prince. On pouvait lire sur le visage de chaque personne présente, leurs remords pour ce qui venait d’arriver. C’est comme si c’était la fin d’un si beau rêve.

 

À l’époque, étant étudiant en science politique à ‘’Brooklyn College’’, institution qui se trouve à ‘’East Flatbush’’, zone où réside une forte communauté haïtienne, donc avec d’autres amis étudiants, on était parmi les premiers groupes de jeunes et d’étudiants qui protestaient contre le coup des putschistes.

 

D’une réunion à Medgard Everes College (Bedford Ave, Brooklyn, New York), avec un groupe d’amis activistes de Brooklyn, la Confédération des Étudiants haïtiens de New York fut créée. Entre-temps, au Club haïtien de Brooklyn College, dans le but de trouver un organe pour véhiculer les messages du mouvement des jeunes, avec un groupe d’étudiants très dynamique, on avait créé le Magazine ‘’Les Kako’’.

 

On ne s’était pas arrêté là.  Pour continuer la mobilisation du retour au pouvoir de l’élu du 16 décembre, on était sur tous les fronts.  Ainsi, le 27 avril de la même année (1992), sous l’initiative de la Confédération des Étudiants haïtiens de New York et du Club haïtien au Brooklyn College (HASA/Haitian American Student Association), à l’Auditorium de Whitman Hall de cette même institution universitaire, on a invité le président Aristide et son équipe à prendre la parole et délivrer un message à ses supporteurs des communautés de Connecticut, de Pennsylvania, de New Jersey et de New York.

 

Devant une audience composée en majeure partie de lavalassiens et de supporteurs à la cause démocratique, le président Aristide avait, comme d’habitude, électrifié la foule avec des mots et des formules éloquentes dont lui seul connaissait le secret.  On se souvient encore de cette phrase : jou ale, jou vini, jou sa, ha, ha.

 

Comme, en dépit des efforts diplomatiques de la communauté internationale, Jean-Bertrand Aristide était encore en exil à Washington, donc la mobilisation pour son retour au pouvoir continuait un peu partout, particulièrement dans les grandes communautés haïtiennes en diaspora.

 

Ainsi, en juin 1993, toujours dans le cadre de la grande mobilisation pour le retour à l’ordre démocratique, avec des jeunes de Connecticut, de New Jersey et de New York, le mouvement ‘Lajenès Reyini’ a été crééÀ l’exception de quelques rencontres à l’église catholique St Francis de Brooklyn et à New Jersey chez un de nos membres, c’était souvent au Consulat haïtien de New York qu’on se rencontrait pour parler de la mobilisation pour le retour à l’ordre constitutionnel du président en exil.  Puis, tout en structurant le mouvement, avec le support financier du président Aristide, en septembre 1993, à Standford dans l’État du Connecticut, on avait organisé une convention de trois jours où des officiels du gouvernement lavalas et autres leaders communautaires étaient invités à prendre la parole.  De cette convention de trois jours était sorti un document de résolution pour Haïti.

 

Ils étaient nombreux ceux-là de la Confédération des étudiants et de Lajenès Reyini qui voulaient, une fois que le président serait rétabli dans ses fonctions en Haïti, rentrer au pays pour contribuer selon leurs capacités professionnelles au processus de développement du pays.

 

Malheureusement, après le retour du président Aristide au pouvoir le 15 octobre 1994, aucun suivi n’avait été fait en ce sens.  Donc, comme il avait fait d’autres amis, je restais à New York pour poursuivre des études avancées en science politique et du même coup, avoir une carrière professionnelle pour prendre soin de ma famille.  Je ne regrette absolument rien.  Peu importe ce que disent ou pensent les gens, tout en étant un mari responsable, un père soucieux de ses enfants, et un étudiant assidu à mes cours, aux côtés d’autres jeunes combattants d’alors, j’ai lutté et contribué au combat de trois ans pouvant conduire au retour d’Aristide au pouvoir.

 

Si pendant le coup de force des putschistes, les jeunes aussi bien que les étudiants de la FENEH (Fédération nationale des Étudiants haïtiens) avaient, tout en demandant le retour du président Aristide, affronté les militaires et les hommes du FRAPH dans leurs sales besognes, quant à nous ici aux États-Unis, spécialement dans des communautés comme Connecticut, New jersey, Pennsylvania et New York, à notre façon, ensemble, nous avions combattu un bon combat.  C’était le combat des progressistes contre les putschistes militaires et civils d’alors.

 

Malheureusement, trente-et-un ans plus tard pendant que les victimes des trois ans du coup d'État du 30 septembre n’ont toujours pas eu de justice, nombreux sont ceux qui avaient comploté, financé et exécuté le coup contre le chef lavalas, ont aujourd’hui le monopole du pouvoir des affaires de l’État.

 

Il faut ajouter parmi ces anciens putschistes qui contrôlent tout aujourd’hui, il y a aussi des  anciens lavalassiens.  Avec eux, ils forment une équipe de bandits légaux à la solde d’un État voyou dont leur stratégie est de passer du temps pour jouir pleinement des privilèges et tirer suffisamment de profit du pouvoir.    

 

Trente-et-un ans après le putsch de 1991, Haïti est plus pauvre qu’avant. Elle continue d’être appauvrie davantage par l’oligarchie locale et internationale. ‘Woch kite nan soley toujou rete nan soley’.  E sa ki te nan dlo yo, vinn plis nan dlo toujou.  

 

Après le passage de la Mission des Nations unies pour la Stabilization en Haïti (MINUSTAH), le pays continue de se déstabiliser chaque jour. 

 

Enfin, le lundi 30 septembre 1991, j’étais présent devant le Bureau des Nations unies à New York pour protester le coup d’État des militaires contre le président Jean-Bertrand Aristide.  

Aujourd’hui encore, je suis témoin, mais pas de Jehovah.  Je suis tout simplement témoin de la façon, dont le Core Group dans leur programme de destruction d’Haïti et les collabos, dans leurs exécutions de ce plan macabre, ont fait du pays de Dessalines, un espace invivable ou les gangs armés, dans leur âme méchante, tuent à longueur journée des paisibles citoyens.  

Mais tout n’est pas fini. J’aimerais, à travers de la récupération de l’unité de nos ancêtres à l’Arcahaie le 18 mai 1803 et de la bataille de Vertières le 18 novembre de cette même année, être aussi témoin de la grande marche évolutive d’un pays émergent vers une politique sociale et progressive.

 

Prof. Esau Jean-Baptiste

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