Lettre ouverte au ministre de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP)

Le Bureau exécutif de l'Union Nationale des Normaliens/nes d'Haïti (UNNOH) vous salue et saisit l'occasion pour vous demander, pour le plus grand bien des parents et des élèves issus des masses défavorisées, de bien vouloir revenir sur la décision d'éliminer, cette année même, les classes de Septième Année fondamentale au niveau des lycées du pays. D'autre part, il sollicite la révision de la stratégie de réalisation du projet d'élaboration du manuel scolaire unique en créole et réclame la résolution , au profit des enseignants/tes et autres, avant la prochaine rentrée des classes, d'un certain nombre de problèmes qui ont déjà trop duré.

Monsieur Nesmy Manigat,

 Monsieur le Ministre,

Le Bureau exécutif de l'Union Nationale des Normaliens/nes d'Haïti (UNNOH) vous salue et saisit l'occasion pour vous demander, pour le plus grand bien des parents et des élèves issus des masses défavorisées, de bien vouloir revenir sur la décision d'éliminer, cette année même, les classes de Septième Année fondamentale au niveau des lycées du pays. D'autre part, il sollicite la révision de la stratégie de réalisation du projet d'élaboration du manuel scolaire unique en créole et réclame la résolution , au profit des enseignants/tes et autres, avant la prochaine rentrée des classes, d'un certain nombre de problèmes qui ont déjà trop duré.

Considérons, tour à tour, les trois points susmentionnés.

I- La fermeture des classes de 7e, 8e et 9e Année Fondamentale au niveau des lycées de la République

Il convient de souligner que la décision de séparer le fondamental du secondaire renvoyant à une disposition inscrite dans la Réforme Bernard  ne représente pas en soi un problème, mais sa mise en application exige une certaine préparation. Dans cette perspective, il s'agit tout d'abord de mettre en place les écoles fondamentales complètes appelées à accueillir ces élèves qui ne seront plus désormais reçus dans les lycées. Vous conviendrez avec nous, Monsieur le Ministre, que la mise en place de ces écoles fondamentales complètes n'est pas encore véritablement concrétisée, sauf dans de rares cas, ce qui rend cette décision du MENFP présentement inopportune et pénalisante pour les parents et les élèves en particulier ceux des classes défavorisées.

Vous n'êtes pas sans savoir que certains lycées comportent plus de 10 à 12 classes de septième année fondamentale. Il est quasiment impossible de les transférer  intégralement vers nos écoles nationales actuelles, lesquelles dans la majorité des cas, ne disposent pas de locaux adéquats capables de recevoir le même effectif d'élèves accueillis habituellement par les lycées. Si, comme annoncé par le MENFP, les classes de Septième Année fondamentale sont fermées dès cette rentrée scolaire au niveau des lycées alors qu'il n'existe pas encore d'infrastructures d'écoles fondamentales complètes à même de recevoir l'effectif d'élèves concernés, qu'adviendra-t-il ? Les conséquences sont prévisibles : nous aurons une masse d'élèves  abandonnés du jour au lendemain sur la route de l'éducation sans espoir de trouver ailleurs la possibilité de poursuivre leur scolarité.  Pire, l'opinion publique nationale devra constater que le droit à l'Éducation de tous ces mineurs-es est en train d'être bafoué par l'État haïtien lui-même appelé pourtant à l'assurer suivant les prescrits constitutionnels (Art.132).

Il n'est donc pas opportun, Monsieur le Ministre, de fermer cette année les classes de 7e Année fondamentale dans les lycées. Dans le cas contraire, ce serait, au nom d'une prétendue application de la Réforme Bernard, exclure un grand nombre d'élèves qui seront par la suite exposés à devenir des enfants soldats grossissant ainsi la bande des gangs armés qui tuent, massacrent, kidnappent. C'est pourquoi l'UNNOH vous exhorte à reporter cette décision inopportune qui pénalise un grand nombre de parents d'élèves et de préparer plutôt son application par la mise en place préalable des différentes écoles fondamentales complètes. Dans cette perspective, il se révèle urgent d'autoriser les directeurs et directrices des lycées à démarrer les inscriptions pour les classes de la 7e Année fondamentale. 

II- Le projet d'élaboration du manuel scolaire unique en créole

Monsieur le Ministre, la stratégie adoptée en vue de réaliser  le projet d'élaboration du manuel scolaire unique en créole, projet à notre sens intéressant,  soulève un ensemble d'interrogations qu'il importe de considérer et de prendre en compte inévitablement pour assurer la réalisation du projet dans l'intérêt du pays en général et des différents acteurs du monde de l'éducation en particulier. Comme vous le savez déjà, les grands enjeux  auxquels renvoie la question du manuel scolaire nous obligent à la traiter avec soin et à tenir compte d'un ensemble de préalables sans lesquels nous risquons de passer à côté des objectifs visés.

Le projet d'élaboration d'un manuel scolaire unique en créole se révèle fondamental et requiert une grande concertation. Dans cet ordre d'idées, avez-vous pris le soin de le mettre suffisamment en débat, pour mieux le clarifier et obtenir un minimum de consensus populaire ? Est-il assez discuté et clarifié avant de passer à la phase  d'exécution ?

À l'évidence, le document intitulé « Cahier des charges pour l'élaboration du livre scolaire unique... » et qui sert de cadre de référence ne présente pas un argumentaire clair justifiant suffisamment le bien-fondé de cette démarche.

Organiser un ensemble de débats publics  autour du manuel scolaire unique ne représente-t-il pas, à votre avis, un atout important pour la réussite du projet et son appropriation par toutes les couches sociales ? Pensez-vous que ce projet peut avoir une chance de réussite en dehors d'une appropriation populaire suffisante ? Comment le peuple pourra-t-il se l'approprier et assurer par-là sa réussite s'il n'est pas suffisamment éclairé sur ses objectifs fondamentaux ?

De plus, tous les titulaires des dix Directions départementales ont-ils déjà une maitrise suffisante de ce projet de livre unique afin d'être à même de fournir des explications au public et au personnel enseignant de leur département géographique respectif ?

Monsieur le Ministre, puisqu'il est heureusement envisagé la rédaction du manuel unique en créole. l'AKA (Akademi Kreyòl Ayisyen) est-elle officiellement partie prenante de la démarche vu que sa contribution se révèle essentielle pour assurer l'usage d'un créole académique dans la production du manuel ? En outre, aviez-vous pensé à mettre en place une équipe pluridisciplinaire qui se chargerait de recenser  et d'analyser en profondeur tous les manuels scolaires existants afin de relever leurs principales faiblesses et de concevoir ensuite un manuel acceptable ? À noter que c'est ce manuel nouvellement conçu qui devrait être remis aux éditeurs pour être publié ce, pour éviter d'aboutir à un manuel scolaire ''unique'', mais en réalité multiple.

Le manuel scolaire unique en créole implique à coup sûr une nouvelle approche pédagogique mettant l'accent sur la nécessité pour l'élève de participer à la construction de ses apprentissages, faisant appel  aux principes d'interdisciplinarité, de transférabilité  et de contextualisation, renvoyant aux réalités proches du vécu des élèves  et  mobilisant de plus une pédagogie transversale. La question qui interpelle est la suivante : les équipes d'élaborateurs-élaboratrices des différentes maisons d'édition sont-elles outillées pour élaborer un manuel scolaire unique en fonction de cette nouvelle approche combien utile et appréciable ?

La formation des enseignants-es, d'une part en matière de pédagogie et des contenus à enseigner ; d'autre part en langue créole comme outil linguistique renvoyant à une maitrise du lexique et de la syntaxe du créole, est-elle déjà assurée ?

Monsieur le Ministre, il se dégage malheureusement l'impression que le manuel scolaire unique en créole va être réduit à  une simple traduction en créole des multiples manuels scolaires existants tels qu'ils sont avec leurs contenus, à bien des égards, discutables. Dans ce cas, ne pensez-vous pas que c'est le Ministère de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) qui devrait concevoir lui-même  ce manuel scolaire unique en créole académique et  livrer ainsi aux éditeurs un produit fini pour publication ?

Tenant compte de l'importance  du projet et des bénéfices qui peuvent en découler, il vaut la peine, si les préalables sont respectés, que tous et toutes et spécialement l'ensemble des acteurs du système éducatif se donnent la main en vue de contribuer  à sa réalisation. En effet, le respect des préalables représente la condition sine qua non pour la réussite d'un tel projet dans l'intérêt du pays en général et de tous les partenaires du secteur éducatif en particulier ceux et celles engagés pour le renforcement de l'apprentissage d'une citoyenneté éclairée.

Monsieur le Ministre, l'UNNOH saisit l'occasion pour vous rappeler que le projet d'ateliers de promotion de la citoyenneté, de l'éducation à la citoyenneté dans les écoles, durant l'année 2021-2022, par vous annoncé en grande pompe et à plusieurs reprises, tarde encore à démarrer alors que l'année scolaire vient d'être bouclée.  Le MENFP a même commencé, dans le cadre de ce projet, à acquérir un ensemble d'ouvrages traitant la thématique de la citoyenneté,  mais ces livres sont gardés dans les dépôts sans être encore distribués. Vous venez d'ouvrir des camps d'été avec des élèves en NSIII et NS IV, des jeunes qui seraient très intéressés à des débats sur la question de la citoyenneté et bénéficier de ces ouvrages. Ne serait-il pas opportun de leur offrir ces ouvrages en cadeau aidant ainsi à combler le déficit de citoyenneté dont souffre l'école haïtienne et dont ils en pâtissent ?  Vous voudriez bien, Monsieur le Ministre, nous renseigner sur la  date retenue pour le démarrage, comme déjà annoncé, des ateliers sur la thématique de la citoyenneté au niveau des écoles ?

Permettez, Monsieur le Ministre, ce rappel sur l'urgente nécessité  de résoudre avant la rentrée prochaine des classes un certain nombre de  problèmes qui peuvent, outre la fermeture des classes de septième année fondamentale et autres, entraver la rentrée scolaire 2022-2023. Citons-les :

- le problème de la nomination de tous/tes les enseignants/tes qualifiés/es et le paiement de tous les arriérés de salaire,

- celui du dysfonctionnement  de la police d'assurance et du non-octroi jusqu'à présent de la carte de débit, carte  accordée aux autres fonctionnaires publics sauf  à ceux du secteur éducatif ;

- la remise en retard des chèques qui devaient être livrés le 25 de chaque mois et qui sont, depuis un certain temps, remis au plus tôt  le "40", souvent le "50" et même le "55" ou le "58" du mois.  

Espérant que vous comprendrez le bien-fondé de notre démarche et que suites célères seront données à nos requêtes, nous vous prions de  recevoir, Monsieur le Ministre,  nos salutations patriotiques.

 

Pour le Bureau exécutif  de l'UNNOH

Josué MERILIEN, Coordonnateur général                

  Péguy NOËL, Responsable  de la Coordination de P-au-P

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