L’enfumage quantique de l’indigence mis en équation (Partie 1)

(Partie 1)

Voici la première partie d'un texte qui propose de cartographier sans équivoque l'enfumage quantique de l'indigence qui fait buguer l'intelligence du collectif haïtien dont l'agonie résonne comme un cantique séculaire de l'errance.

 

L’équation quantique

Quand la mécanique de l'indigence fait bugger l'intelligence collective d’un peuple, on peut objectivement préjuger qu’en amont toute l’inspiration de sa culture transpire d’insignifiance. Une insignifiance si majestueusement contagieuse qu’au-delà de la théâtralisation des diplômes, des prix et des distinctions accordés pour les besoins de reproduction de l’indigence, elle transforme les productions littéraires, médiatiques, artistiques, sociologiques et ‘‘toutologiques’’ provenant des élites culturelles de ce peuple en des cantiques de l’errance, tant elles égrènent la défaillance et la célèbrent comme une heureuse résilience. Une errance si explicite qu’elle a été axiomatisée et modélisée comme une équation quantique.

E= MC2 ! Tel un résultat mathématisant une démarche empirique incongrue, mais non moins rigoureuse, cette équation fantaisiste traduit le bilan des observations Contextuelles Anthropologiques et Sociologiques de l’écosystème haïtien. Observations qui jalonnent des projets pris comme autant d’études de CAS de l’improbable cohésion des différents domaines stratégiques de la gouvernance haïtienneObservations qui suggèrent de cartographier l’Errance du collectif haïtien au travers des liaisons culturelles insoupçonnées qui rendent toute une partie de la société haïtienne complaisante, tolérante et insouciante vis-à-vis de la Médiocrité, de la Corruption et de la Criminalité. Observations qui témoignent de la médiatisation des réussites précaires, alors qu’elles sont le fait de postures culturelles, citoyennes et professionnelles insignifiantes, irresponsables et inconséquentes.

E= MC2 ! Quelle vibrante équation dont l’équilibre quantique confirme que la modélisation systémique permet de comprendre nos sociétés au travers d’un langage mathématique qui se raconte au gré de mots charriant des maux comme des variables culturelles, anthropologiques et sociologiques ! Variables qui, dans le contexte d’Haïti, égrènent en rosaire abrégé 4 stations de pénitence comme les jalons de la trajectoire de la défaillance du collectif haïtien.

  • E comme jalon de l’enfumage produit par la culture du minimum insignifiant ;
  • comme jalon du marronnage pratiqué pour résilier tout engagement et toute responsabilité ;
  • C en première instance comme jalon de la corruption qui s’est installée dans la société comme le modèle plébiscité de la réussite ;
  • C en seconde instance comme jalon de la criminalité devenant par la toute-puissance de l’impunité la variable de reproduction du système.

E= MC2 ! Tel un assemblage de mots erratiques, cette équation laisse retentir l’écho des maux structurels qui ébruitent l’effondrement d’une population impuissante et agonisante. Équation anthropologique de l’errance dont la charge quantique modélise les maux structurels comme la somme des médiocrités culturelles collectives donnant aux institutions d’un pays leurs courbures shitholiques.

Objectivement, cette équation est porteuse de signifiance dans le sens qu’elle peut aider à repenser les stratégies du changement dans les écosystèmes défaillants comme Haïti. De par sa formulation, elle stipule qu’on ne peut acter l’échec des institutions d’un pays sans imputer la responsabilité aux acteurs qui pilotent les structures économiques, politiques et sociales. Car, tout compte fait, ces structures ne sont que des interfaces permettant aux hommes et aux femmes enracinés en un lieu d’atteindre leurs objectifs et d’assouvir leurs intérêts. Conséquemment et invariablement, ce sont les hommes et les femmes d’un pays qui donnent de la valeur à leurs institutions politiques et à leurs structures sociales au travers de leur commune intelligibilité, de leur manifeste exemplarité, de leur exaltante dignité, de leur indéfectible honorabilité et de leur vibrante humanité. Quand un collectif, comme celui d’Haïti, n’a pas de leadership national disposant et disponible pour de telles valeurs, il ne peut que s’abandonner au gré des défaillances qui le poussent dans les bras d’une certaine assistance humanitaire toujours plus totalitaire dans ses finalités. Quand, un collectif, comme celui d’Haïti, n’a pas et refuse de se donner des repères éthiques pour vivre dans une veille stratégique incessante, il ne peut que s’en remettre au gangster noster ; et cela, avec la même désinvolture que s’il entonnait un cantique séculaire d’une invariante errance.

L’insignifiance en succès médiatisés

Pourtant, des signaux anticipatifs, SOS : collectif en errancedanger indigence, ont été lancés pour aiguiller la trajectoire de la gouvernance. De manière cohérente et pertinente, ces signaux établissaient sans équivoque que la menace fantôme de l’enfumage qui grandissait et assombrissait l’horizon du destin collectif prenait sa source dans la culture du minimum insignifiant qui empêche de prendre le temps pour dimensionner les incertitudes à l’aune d’un travail scientifique sur les données. Voilà, mot pour mot, ce que nous écrivions en 2005 déjà, dans un article intitulé Des eaux qui nous inondent[i] : Nous écrivions que le malheur haïtien venait de l’inculture des données et de l’indifférence vis-à-vis des signaux anticipatifs dans lesquelles vivaient le management stratégique, politique et décisionnel haïtien.

« Les catastrophes qui s'abattent sur nous, qu'elles soient naturelles (cyclones) ou proviennent de la méchanceté des hommes (Insécurité / criminalité), ont pour cause profonde notre entêtement à ignorer les données[ii]. »

Mais, les stratèges politiques n’avaient pas pris la mesure de ces alertes comme potentiels signifiants pour éclairer leur pilotage, car l’errance est le modèle pour lequel ils ont été choisis. Les stratèges politiques haïtiens, par leur nature intrinsèquement servile et médiocre, se désintéressent de comprendre que le contexte culturel prédomine les structures et s’installe comme cadre objectivant pour dimensionner les stratégies et offrir des pistes pour agir sur les problématiques d’un écosystème humainement effondré. Toujours en 2005, nous écrivions :

« Pourtant certains tentent désespérément de sonner l'alarme...Mais, on ne les écoute pas...On préfère à leurs prévisions basées, pourtant sur des identificateurs rigoureusement mesurables (signaux anticipatifs), les chants de sirène de ceux qui encensent[iii]. »

Hélas, les politiques n’ont pas le monopole de l’insignifiance dans l’écosystème haïtien. Dans leur sillage, les réseaux culturels et académiques ne valent pas mieux. Dans leur univers d’entre soir, les lettrés, les experts haïtiens ne savent que reprendre la parole subventionnée ou dictée en haut lieu. Et pour cause, ils n’ont aucune prise sur le réel dans lequel ils vivent, et leur pensée, comme leur vie, est maintenue à un minimum grégaire. Dans ces basses eaux culturelles, les précarités matérielles annihilent toute conscience et rendent l’intelligence fictive. La perte de la conscience induit une déficience qui rend le savoir futile. En effet, par inconscience, le sujet, malgré son contact avec le savoir, reste dans une totale indifférence vis-à-vis de son environnement. Ce qui l’entraine peu à peu dans une profonde insignifiance le rendant inapte à donner du sens aux interactions avec son milieu. Il devient incapable de saisir les signaux intelligibles de son environnement et de leur donner du sens ; c’est-à-dire, incapable de problématiser et de contextualiser systémiquement les incertitudes de son milieu pour faire émerger des variables endogènes de responsabilité.

Déjà en 2005, nous dénoncions l’insignifiance des experts haïtiens qui travaillaient dans l’ombre à renforcer la bêtise haïtienne.

« Mais quels sont ces experts qui nous gouvernent ? […] Pourquoi ici tout événement (du plus banal, du plus anodin au plus signifiant) tourne au drame et prend des allures d'apocalypse et de fin du monde ?...Alors qu'on aurait pu, sur la base de données savamment collectées, et rigoureusement soumises à l'analyse, déceler des indicateurs permettant de quantifier l'ampleur des dégâts qui nous guettent, et du coup d'anticiper les actions afin de minimiser les pertes[iv]. »

Dans cet article vieux de 16 ans, nous mettions déjà le doigt sur les vraies défaillances à la base des errances haïtiennes. Nous nous étions fixé le

« […] propos de démontrer que notre vulnérabilité, notre impuissance face à ces hasards qui nous sondent et se transforment souvent en eaux qui nous inondent n'est dû, en partie, qu'à l'échec de notre système d'enseignement des unités de valeur scientifique. L'inculture des données quantitatives[v] ! ».

A cette époque, on ne parlait pas encore d’intelligence artificielle en Haïti, mais j’insistais déjà à rappeler l’immense pouvoir des données sur la prise de décision dans des contextes d’incertitudes. C’est du reste pourquoi je suis allé au corps à corps[vi] avec un brillant économiste haïtien, universitaire doctoré de son état, qui avait publié, en mars 2021, un article dans lequel il célébrait le côté visionnaire de ceux qui avaient prédit depuis 80 ans qu’Haïti allait produire des monstres et des gangsters qui allaient mettre en déroute toute la société. L’insignifiance de cet article, venant d’un économiste, réside dans le fait que l’universitaire doctoré qui l’a écrit s’est contenté de reprendre ce qui a été annoncé, sans offrir des pistes pour remédier a ce qui n’est qu’un constat d’errance. Or objectivement, cette errance renvoie aux lacunes des institutions académiques et universitaires haïtiennes qui forment des gestionnaires, des ingénieurs, des planificateurs, des économistes, des statisticiens qui se contentent de reprendre ce qui est dit en haut lieu sans contextualisation, sans problématisation, sans appropriation pour agir sur les défaillances de leur écosystème.  Postures culturelles déficientes que je dénonçais déjà en 2005 :

« Ici on n'anticipe pas, on subit et on accuse l'autre, le voisin...le blanc ! Nous n'avons pas la culture des données ! Pourtant à en croire les Curriculum Vitae qui circulent çà et là, ce pays regorge d'ingénieurs, de planificateurs, de statisticiens, d'experts et de docteurs de tout poil. Pourquoi leurs savoirs ne sont-ils que livresques ? Pourquoi une fois confrontés à la réalité incertaine, qui ne souffre pas de nos maux, ne rit pas de nos joies et ne vit pas de nos vies, ils se montrent impuissants...ou pour répéter l'autre : « ils deviennent des experts de l'échec et de la faillite[vii] ? »

Plombés par ce lourd handicap, les réseaux de lettrés et d’universitaires haïtiens ne se doutent pas que la pensée humaine est le siège de phénomènes physiques qui la mettent sous l’influence du contexte, et la rendent ainsi disponible pour changer d’état comme la lumière qui peut se faire onde ou particule. Nonobstant cette propriété quantique de la pensée, ils ont négligé le poids de la conscience dans leurs analyses et ont sous-estimé leur propre rôle dans l’enfumage qui étouffe Haïti, du fait notamment de leur inconscience, leur insouciance et de leur insignifiance. Car, si au lieu de servir d’étouffoir et de contre feux pour leur propre réussite, ils avaient mis en avant la pensée critique pour amener le collectif à résister aux précarités, ils auraient permis de décoder les signaux anticipatifs et auraient pu guider l’action des politiques par des décisions plus éclairées.

 Or, sans avoir fait ces brillantes études doctorales, depuis 2005, j’avais compris que

 « les problèmes de l'action humaine se posent en termes de choix […] et de plans … et qu’on ne peut les adresser que par une formation contextuelle qui  apprendrait le futur citoyen […] à structurer, à hiérarchiser, à […] faire des prévisions de façon à remettre en cause les routines existantes de la vie pour formuler les problèmes d'une façon intelligible et communicable, afin de décider [….] de manière à ordonner les incertitudes. Les outils qui permettent de répondre à cette perpétuelle quête de sens de l'homme pour faire face à l'imprévu... Là où l'homme primitif invoque les dieux et tente de les apaiser, le scientifique voit le hasard, sous la forme d'un événement probable, et tente de le mesurer statistiquement[viii]. »

Sans le formuler implicitement, j’étais déjà en pleine systémisation contextuelle, et promouvais déjà la reliance entre différentes disciplines pour appréhender le flou, le complexe et l’incertain en dénonçant la pauvreté de l’enseignement des sciences (mathématiques, statistiques, informatique) dans nos écoles et universités.

« De nombreuses fois, nous avons dénoncé, dans les colonnes de ce quotidien et aussi ailleurs, la triste réalité de l'enseignement des sciences (et en particulier des maths) dans nos écoles. Cet enseignement ne cultive que l'échec, car il ne se borne qu'à nous faire désapprendre. Hélas, certains ont préféré voir en nous des contestataires. Certains directeurs d'école [pompeux et illustres dans leur insignifiance] n'ont pas hésité à nous traiter de « Bolchevik ». Ils prétendent, au nom d'une sainte loi mentale, en vogue dans les milieux douteux, qu'‘on ne critique pas le management, quand on fait partie du management’’. Pourtant les faits sont là : nous avons désappris à vivre en harmonie avec notre environnement naturel. Nous avons désappris à vivre au rythme des besoins de notre corps. Nous avons désappris à protéger notre habitat[ix]… »

 Sans le dire explicitement, j’avais l’intuition que la pensée humaine obéissait aux lois de la mécanique quantique et pouvait être disciplinée par un apprentissage profond. Une hypothèse révolutionnaire qui induit pour la pensée un état d’indécidabilité la rendant dépendante de son milieu et donc transformable à souhait. Une vérité que Marx formula intelligiblement au milieu du XIXe siècle, mais qui n’a pas été comprise du fait de la prépondérance de l’insignifiance   puisqu’en posant l’idée que la conscience humaine était déterminée par les conditions de l’existence, Marx insinuait que le contexte dans lequel l’individu évolue porte les ferments qui influent sur sa pensée, sur sa conscience et sur son monde. La conscience apparait donc comme la clé qui ouvre les portes du changement, ce qui donne à l’éthique la force motrice pour réguler les comportements humains.

C'est le potentiel quantique de cette conscience sous-estimée que nous analyserons dans la seconde partie.

 

Erno Renoncourt

 

 

[i] https://lenouvelliste.com/article/18256/des-eaux-qui-nous-inondent

[ii] Ibid

[iii] Ibid

[iv] Ibid

[v] Ibid

[vi] https://blogs.mediapart.fr/erno-renoncourt/blog/170321/vision-apocalyptique-pour-haiti-selon-les-lalime-de-predictive-en-prospective

[vii] https://lenouvelliste.com/article/18256/des-eaux-qui-nous-inondent

[viii] Ibid

[ix] Ibid

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