La violence gynécologique et obstétricale comme violence contre les femmes haïtiennes

La tendance à fétichiser la violence contre les femmes fait oublier que cette violence est dynamique et qu’elle prend des formes diverses. Généralement, dans le petit syllabaire de la violence contre les femmes, on parle de violence sexuelle ( harcèlement, attouchements  non désirés, viols, etc.), de violence psychologique et verbale, de violence économique, de violence conjugale, de cyber violence,  etc. faisant oublier les autres formes de violence insidieuse comme le proxénétisme et la violence gynécologique et  obstétricale.

Il n’existe à date pas de législation dans les pays du Nord sur cette dernière forme de violence. Cependant, le Venezuela, l’État du  Chiapas et l’Argentine ont une législation en la matière.

Au Venezuela, la violence obstétricale se définit «L’appropriation du corps et du processus reproducteur des femmes par les personnes qui travaillent dans le domaine de la santé, appropriation qui se manifeste sous les formes suivantes : traitement déshumanisé, abus d’administration de médicaments, et la conversion de processus naturels en processus pathologiques. Cela entraîne pour les femmes une perte d’autonomie et de la capacité à décider en toute liberté en ce qui concerne leur propre corps et leur sexualité, ce qui influe négativement sur leur qualité de vie.

 

L’Argentine et ‘l’État du Chiapas considèrent les situations suivantes :  En Argentine, le texte de loi comprend trois éléments qui ont pour objet de prévenir la violence obstétricale en s’assurant : 1) que les femmes sont considérées avec respect, de façon individualisée et personnalisée, avec une intimité assurée durant l’entièreté du processus de l’accouchement et en tenant compte des normes culturelles; 2) qu’elles sont considérées, durant tout le processus d’accouchement, comme des personnes en santé afin que leur participation soit facilitée, ce qui leur permet de mener leur propre accouchement; 3) qu’elles ont le droit d’avoir un accouchement naturel, qui est décrit comme respectueux des temps biologiques et psychologiques, qui évite les pratiques invasives et l’administration de médication non justifiée par l’état de santé de la mère ou de l’enfant ( 2014). Au Mexique, l’État du Chiapas a mis en place une loi portant précisément sur la violence obstétricale qui implique l’interdiction de s’approprier le corps de la femme par un traitement déshumanisant, se caractérisant par une médicalisation abusive et une pathologisation des processus naturels de l’accouchement (Comisión Nacional de los Derechos Humanos 2011).

 De ces définitions et prescriptions on retient :

 Le rejet d’une appropriation du corps des femmes par le personnel médical

 Le rejet de la  négation de l’ agentivité de femmes

 Le rejet du non- respect de leur intimité

 Le rejet de leur déshumanisation

 

 

 

La situation en Haïti

Il n’existe aucun texte de loi sur cette  forme de violence faite aux femmes ni aucune recherche à ma connaissance y relative en Haiti

Ce sont les témoignages d’une femme médecin et d’une accouchée qui m’ont fait prendre conscience de cette forme de violence contre les femmes dans notre pays.

Témoignages de la femme médecin :

« J’étais médecin à l’Hôpital Général, le personnel médical insultait les femmes au moment du travail. Quand elle refusait d’ouvrir les jambes par exemple, avec des mots bien sentis on leur déclarait : lew tap pran bagay la ou te louvri jamb ou byen prop. Louvri janm ou.Si malgré tout elles résistaient on leur administrait des tapes pour les y forcer»

« Les femmes qui refusaient d’ouvrir les jambes étaient souvent ridiculisées et abandonnées :  ou po ko gen tranche lew pare wa dim»

 Autre témoignage de la femme médecin : «Une femme  ayant des problèmes de santé mentale est arrivée avec des vers dans son vagin. Elle était devenue le centre d’attraction de tout l’hôpital. Tout le monde se pressait pour aller voir le phénomène»

Témoignage d’une femme ayant accouché à l’Hôpital Général :

«Les médecins me touchaient le vagin y introduisant le doigt comme si  c’était une  viande qu’ils palpaient. Je suis restée   les jambes ouvertes ainsi pendant plusieurs heures.»

J’ai été personnellement été victime de propos déplacés de la part de gynécologues.

 Ces témoignages mettent en lumière que dans le contexte précis d’Haïti les définitions ci- dessus doivent être complétées.

Nous définirons donc ainsi la violence obstétricale et gynécologique en attendant des recherches y relatives

Tout acte, toute intervention, toute parole , toute omission  commis par le personnel de santé, qui ne sont pas justifiés médicalement ou sont accomplis sans le consentement libre et éclairé d'une femme enceinte, d'une parturiente

Sont notamment cités comme relevant de la violence obstétricale et gynécologique[1] :

La révision utérine, lorsque réalisée sans anesthésie ;

l'épisiotomie, lorsque pratiquée de manière quasi-systématique ; ( L’OMS reconnait de 25% comme la norme)

le « point du mari » : point de suture appliqué après une épisiotomie resserrant l'entrée du vagin ;

le toucher vaginal, lorsque pratiqué sans consentement ou sur une patiente anesthésiée;

 la stérilisation  sans consentement des femmes ( comme cela se passe au Canada pour les femmes autochtones et des femmes racisées. Problème mis en lumière par Ariane Metellus avec son documentaire« On m’a volé ma fertilité»);

les insultes;

les propos machistes et sexistes;

l’infantilisation de la parturiente;

 le non- respect de l’ intimité de femmes;

le fait de n’être pas cru par le personnel de santé quand on décrit malaises et douleurs;

l’administration  non justifiée de médicaments ;

 Une recherche viendra préciser les formes particulières que prend cette violence en Haïti

 

Pistes pour y remédier

Sans connaitre l’ampleur du phénomène et même à titre préventif il nous semble qu’il faudrait résoudre les problèmes systémiques qui accompagnent la violence gynécologique et obstétricale et risquent de l’accroitre et de la normaliser.  Notamment :

  • Diminuer les frustrations du personnel de santé en lui payant à l’heure son salaire, mettre à disposition des maternités du personnel qualifié et suffisant.  
  • Aménager des salles avec lits et  rideaux  pour préserver l’intimité des femmes et des parturientes ( à l’Hôpital Général, les femmes sont souvent étendues  à même le sol).
  • Développer une campagne en direction des femmes sur l’accouchement sans violence.
  • Éduquer les médecins dès l’école de médecine sur la notion de consentement,
  • Élaborer pour les étudiant.e.s en médecine et le personnel infirmier des contenus sur la violence faite aux femmes et notamment sur la violence gynécologique et obstétricale

 En guise de conclusion

Il ne nous échappe pas que dans notre pays  de nombreux accouchements  se passent en dehors des dispensaires et centres hospitaliers, donc ne  sont pas  médicalisés. Des informations pertinentes devraient être recueillies auprès des matrones, des femmes sages pour juger de leur respect des femmes pendant l’accouchement ( mythe ou réalité? je me souviens que l’on me raconta que les femmes étaient fouettées par des femmes sages  pour accélérer le travail)  un accompagnement devrait leur être fourni pour leur permettre d’augmenter leur efficacité et efficience.. Il ne nous échappe pas non plus la charge probablement plus lourde de cette violence contre les femmes pauvres et défavorisées ( aux États -Unis cette charge est plus lourde pour les femmes racialisées)  due à l’intersectionnalité  des oppressions .   Nous suggérons que des recherches soient menées sur ce  problème par les organisations féministes pour en déterminer l’ampleur.  La violence gynécologique et obstétricale  est un problème qui affecte probablement particulièrement plus les femmes populaires en Haïti, sans que les femmes des milieux favorisés n’en soient  forcement exemptes. Le fait que les obstétriciens et gynécologues soient principalement de sexes masculins en Haïti pourraient avoir une incidence sur l’ampleur du phénomène.

 

Pascale Romain

Novembre 2021

 

[1] Référence Google

https://www.bing.com/search?q=la+violence+gynecologique+obstetricale++wikipwdia&qs=n&form=QBRE&sp=-1&pq=la+violence+gynecologique+obstetricale+&sc=0-39&sk=&cvid=74219EDD2A9449AFBE57E09E3DAE83BC#

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