Vers une rentrée judiciaire sur fond de crise

Pour l'année 2022, plus de 83 % de la population carcérale sont en détention préventive prolongée. Dans un tel contexte Haïti va entamer la rentrée de l'année judiciaire 2022-2023 le 3 octobre prochain. Parallèlement des tribunaux sont encore dysfonctionnels dans plusieurs coins du territoire. Sous la pression des gangs, le parquet de Port-au-Prince a été délogé, les greffiers ont tenu des mouvements de grève à plusieurs reprises au cours de cette année. Les avocats pour leur part, ne cessent de réclamer de meilleures conditions de travail.

Suivant l'article 75 du décret du 22 août 1995, se rapportant sur l’Organisation judiciaire en Haïti, le premier lundi du mois d'octobre est le début de l’année judiciaire qui prend fin le dernier vendredi du mois de juillet. Par contre, ce vendredi correspond à la date de la fermeture annuelle des tribunaux.

 

Cette année judiciaire va être lancée dans un contexte vraiment difficile par rapport à la situation socio-économique et sécuritaire du pays. Le système judiciaire fait face à un grand vide suite à la mort de l'ancien président de la Cour de cassation, Me René Sylvestre, le 23 juin 2021 et le dossier de l'enquête concernant l'assassinat de l'ancien locataire du Palais national, Jovenel Moïse, le 7 juillet dernier.

 

 

En effet, le 3 octobre est la date prévue pour la cérémonie officielle de la rentrée judiciaire 2022-2023. Malgré le contexte actuel qui n’incite pas à célébrer cette nouvelle rentrée selon la Fédération des Barreaux d'Haïti (FBH).

 

Alors qu'une lettre a été adressée au Premier ministre ce 30 septembre portant la signature du président de FBH Me Jacques Letang et du vice-président Me Carl-Henry déclarant que les conditions ne sont pas réunies pour organiser une cérémonie de rentrée judiciaire. « Elles ne le sont pas non plus pour nous permettre de participer à la rencontre fixée pour ce jour », affirment-ils dans cette lettre.

 

 

 Pour justifier l'impossibilité de cette activité, de nombreuses questions ont été posées au Premier ministre par la Fédération des barreaux d'Haïti telles que :

 

 «Doit-on rappeler que la Cour de cassation de la République, institution appelée à procéder à la réouverture solennelle, n'est plus à même de se réunir en audience, faute de président, faute de magistrats ?

 

Doit-on vous rappeler que vous n'avez pas encore daigné accorder un nouveau local au Palais de justice de la plus grande juridiction du pays, déguerpi manu militari par une bande de malfrats il y a de cela plus de quatre mois?

 

 

Doit-on vous rappeler que dans plusieurs juridictions comme aux Cayes, Saint Marc, Cap-Haïtien, les commissaires du gouvernement multiplient les actions arbitraires et illégales, sans aucune réponse du ministère de la Justice, qui ne se donne même pas la peine de répondre aux multiples alertes de nos barreaux ?

 

 

Doit-on vous rappeler que le secrétaire général de notre Fédération, incarcéré depuis plus de deux mois pour des motifs fallacieux, ne sera pas en mesure de se déplacer pour vous rencontrer?

 

Doit-on vous rappeler que le pays est pratiquement bloqué depuis des semaines, que cela fait des mois que les citoyens et les citoyennes n'ont plus accès au carburant comme aux biens et services essentiels»? 

 

 

Pour sa part le juge Martel Jean Claude déclare que le Gouvernement ne fait que respecter les lois. Selon lui les portes des tribunaux étaient toujours ouvertes même pendant les vacances des auxiliaires judiciaires. La cérémonie n'a rien d'important, car le décret a tout approuvé, le travail continue convenablement même après de nombreuses difficultés rencontrées durant cette année. 

 

 

Cependant, le Premier ministre Ariel Henry, pour réaliser cette cérémonie, prévoit de nommer 5 juges dans la Cour de cassation. Une décision qui facilitera le fonctionnement de la Cour, selon le juge Martel Jean Claude.

 

« La Cour est composée de douze juges il ne restait que trois, après la nomination de 5 juges la Cour pourrait fonctionner comme à l'ordinaire selon la loi». La rentrée judiciaire n'a rien à voir avec une rentrée des classes, c’est juste une cérémonie permettant aux auxiliaires de se remettre au travail».

 

Par ailleurs, même après les propos de certains bâtonniers, surtout celui de Fort-Liberté, aucun changement n'a été opéré. La cérémonie officielle de la rentrée judiciaire est toujours prévue pour ce 3 octobre à venir.

 

 Veron Arnault

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

0 COMMENTAIRES