Renouvellement du mandat du BINUH, des structures socio-politiques s’insurgent

Suivant les recommandations du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le mandat du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) est encore prorogé pour une période de 12 mois. La demande est faite lors de la 9066e réunion du Conseil de sécurité arguant, en guise de justificatif, la situation sécuritaire morose que connaît le pays. Un renouvellement que des organisations socio-politique, telles que PAPDA, UNNOH, FANM VANYAN, MOLEGHAF, CNOHA ne voient pas du tout d’un bon œil. Elles considèrent dans une note, publiée le 17 juin 2022, que les Nations unies ont échoué en Haïti.

Il y a désaccord entre les différents acteurs sur les modalités d’un processus devant conduire au rétablissement d’un climat propice aux élections, le dysfonctionnement de certaines institutions démocratiques dans le pays. Ce sont, parmi d’autres,  des raisons  mises en avant par le secrétaire général de l’ONU dans son dernier rapport au Conseil de sécurité. Il a aussi fait remarquer que les parties prenantes de la crise ne  sont pas parvenues  à la conclusion d’un  accord autour de la réforme constitutionnelle.

Les Nations unies ont fait état de plusieurs rencontres vainement organisées tant par le Premier ministre, Ariel Henry que le Bureau intégré des Nations unies (BINUH) en vue de trouver une solution à la crise institutionnelle et de gouvernance que connaît le pays. L’ONU a également fait remarquer que l’escalade de la violence, entretenue par les groupes armés notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, continue de soulever de profondes inquiétudes au sein de la population.

L’organisation a relaté que 540 cas d’enlèvements ont été recensés dans le pays de janvier à mai 2022 (soit une augmentation de 36,4 %), contre 396 au cours des cinq derniers mois de 2021. Elle ajoute que le nombre d’homicides volontaires a augmenté de 17 %, de 668 au cours des cinq derniers mois de 2021 à 782 au cours des cinq premiers mois de 2022. Pour cette structure, la détérioration des conditions de sécurité est restée au premier plan du débat public, de même que les personnes déplacées par la violence des bandes organisées.

Elle a fait remarquer que la Police nationale a continué de perdre des effectifs en raison de démissions, de départs à la retraite et de décès affirmant que sur un total de 15 459 membres enregistrés, seuls quelque 12 800 étaient en activité au 31 mai. Fort de ce constat alarmant, le secrétaire général de l’ONU a recommandé le renouvellement du mandat du BINUH  pour une période de 12 mois.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. En effet, plusieurs structures socio-politiques ont exprimé leur désaccord par rapport à cette décision, elles ont souligné la position de certains pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU. 

«A relever qu’à diverses séances précédant les renouvellements des différentes missions onusiennes en Haïti, des représentants chinois et russes au Conseil de sécurité  ont soulevé maintes interrogations sur la pertinence de ces missions.  L’illustration la plus récente renvoie à la séance tenue en 2021 peu avant l’adoption de la Résolution 2600 prolongeant le mandat du BINUH de neuf (9) mois soit jusqu’au 15 juillet 2022. Lors des échanges autour de cette séance, l’ambassadeur de Chine à l’ONU, Zhang Jung, eut à déclarer : «  Haïti ne peut pas atteindre la stabilité sans son autonomie » et encore «  l’ONU n’a rien fait en Haïti ».

Pour ces organisations il ne fait aucun doute que cet organisme a échoué en Haïti, un fait, selon elles, que certains membres qui soutiennent les missions dans le pays sont conscients. Elles en veulent pour preuve la déclaration de l’ancien président américain Donald Trump. «Comment expliquer que les Nations unies accompagnent Haïti depuis 2004  en vue de sa stabilisation et que ce même pays qui avait déjà eu en 2019 quinze ans  d’accompagnement continu de l’ONU, soit présenté,  dans l’opinion publique par un État membre du Conseil de sécurité participant à cet accompagnement comme un shithole ?», se demandent ces structures. 

Alors que l’insécurité, qui mine le pays,  est évoquée comme l’une des raisons montrant la nécessité que les Nations unies soient présentes en Haïti, les organisations, signataires de la note, imputent la dégradation de la situation sécuritaire à la représentante du  Bureau intégré des Nations unies en Haïti, Helen M. La Lime.

« Fait hautement grave, l’actuelle représentante du  Bureau intégré des Nations unies en Haïti est l’instigatrice d’une fédération de gangs armés aux pratiques terroristes à travers le pays où le kidnapping est devenu quotidien et traduit un autre signe d’échec des missions onusiennes.  Haïti est ainsi considéré comme le pays ayant le plus fort indice de kidnappings par habitant dans le monde. Est-ce simplement imaginable que le pays ainsi indexé se trouve sous supervision du Conseil de sécurité des Nations unies depuis dix-huit ans ?»      

Selon ces structures, la présence des Nations unies en Haïti s’inscrit dans le cadre d’un plan visant à déstabiliser le pays. En ce sens, ils estiment qu’« il est significatif que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique, avec un passé colonial, esclavagiste et impérial en Haïti, se retrouvent les premiers à la barre à hurler pour le renouvellement de missions onusiennes illégales, inconstitutionnelles, déstabilisatrices»

 

Esdra Jeudy

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