Nomination des avocats comme juges à la Cour de cassation : nouvelle pomme de discorde au sein de l'appareil judiciaire

La démarche de l'exécutif, visant à pourvoir les postes vacants à la Cour de cassation de la République, ne fait pas l'unanimité dans le monde de la basoche. En effet, une liste de candidats a été soumise au Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire, en date du 9 mai 2022, par l'entremise du ministère de la Justice et de la Sécurité publique. Si le déclenchement du processus a été salué par certains hommes de loi, le fait que des avocats figurant sur la liste des personnalités proposées vient de soulever un autre débat.

En effet, de nombreux juges déclarent que la loi ne permet pas d'intégrer un avocat à la Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire du pays, une position que le barreau de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince rejette d'un revers de main, indiquant que la loi n'autorise pas à des magistrats, exerçant une fonction juridictionnelle de se livrer à une interprétation des textes juridiques.

 

« Aussi, le Conseil, soucieux du respect de la légalité, après analyse des textes de loi régissant la matière, spécifiquement la Constitution (arts. 175, 176, 184-2), le décret du 22 août 1995 (arts 13, à 15) et la loi du 27 novembre 2007 ». Le conseil dit avoir constaté un certain flou dans les deux derniers textes. 

 

« Si la Loi de 2007 sur le statut de la magistrature semble ignorer les mécanismes d'intégration de l'avocat à la Cour de cassation, pour autant elle n'élimine pas radicalement cette possibilité, justifiant ainsi la référence au décret sur l'organisation judiciaire », soutient le barreau. 

 

Mais le conseil de l'Ordre des avocats estime qu'il existe plusieurs précédents en la matière où le ministère de la Justice, le Sénat de la République et le Conseil supérieur du Pouvoir judiciaire (CSPJ) ont eu à entériner les  candidatures d'avocats au poste de juge à la Cour de cassation.

 

Plus loin, le conseil rappelle que selon l'article 184.2 de la Constitution qu'il ne revient pas non plus à la CSPJ d'interpréter la loi, mais son pouvoir est d'informer et de recommander sur l'état de la magistrature. Et que de telles prérogatives n'appartiennent exclusivement au pouvoir législatif, aux termes de l'article 128 de la

Constitution.

 

En conséquence, le conseil de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince invite les magistrats concernés à rester dans les limites des normes régissant leurs compétences et à se garder de porter atteinte à la division des pouvoirs, principe cardinal de l'État de droit. Le média-activisme dont s'autorisent aujourd'hui certains juges, en toute légèreté, risque, en effet, de préjudicier gravement à l'image de la magistrature et d'affecter durablement le bénéfice d'impartialité qui lui est attaché.

 

Enfin, le Conseil estime que l'intégration des avocats dans l'ordre judiciaire peut contribuer à apporter un souffle nouveau, et une perspective originale dans cette institution hautement importante pour l'appareil judiciaire. 

 

Esdra Jeudy

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