Journée nationale des enseignants commémorée sur fond de crise multiple

Ce 17 mai 2022, ramène la Journée nationale des enseignants, l’occasion pour de nombreux syndicats d’enseignement de se prononcer sur la situation lamentable du secteur éducatif ; conjoncture d’autant plus compliquée avec la dégradation de la situation sécuritaire et la hausse des prix des produits de première nécessité. Ces acteurs du secteur appellent à des mesures efficaces et efficientes pouvant améliorer la vie des enseignants.

La crise n’épargne aucun secteur. Les enseignants, qui avaient déjà énormément de difficultés à joindre les deux bouts, sont plongés dans l’extrême précarité, à cause, d’une part, de la mainmise des bandits armés sur certains quartiers de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Ce qui oblige des centaines d’établissements scolaires à fermer leurs portes. Et, d’autre part, l’inflation galopante qui a provoqué une augmentation considérable du coût de la vie.

Des contraintes qui n’ont pas échappé à Fritz Deshommes, le recteur de l’Université d’État, qui a saisi l’opportunité, en prélude à la fête de l’Université qui coïncide aussi à celle du Drapeau, de s’adresser au secteur éducatif. Il invite les enseignants à se tourner vers le futur. « En dépit des grandes incertitudes et des immenses souffrances du moment présent, nous sommes invités, en fonction de notre mission et de nos responsabilités, à orienter notre regard vers l’avenir », recommande M. Deshommes.

« Nous connaissons une situation inadmissible. Vous vivez dans votre chair les effets déstabilisateurs de cette insécurité qui ébranle jusqu’aux fondements du vivre ensemble. Beaucoup d’entre vous ont dû abandonner votre milieu de vie, laissant parfois derrière vous une maison que vous avez mis plusieurs années à construire. Vous avez eu parfois à vous appauvrir un peu plus pour verser une rançon à la suite de l’enlèvement d’un parent, d’un collègue, d’un ami ou d’un proche. Plus dramatique même, l’UEH pleure encore la disparition de plusieurs de ses enseignants victimes de cette triste insécurité », reconnait, plus loin, le recteur.

Malgré les vicissitudes qu’engendre cette crise multidimensionnelle qui sévit dans le pays, Fritz Deshommes demande à ces hommes et femmes qui ont dédié, mentionne-t-il, leurs vies à l’éducation, à ne pas baisser les bras. « Et quand l’insécurité ébranle jusqu’aux fondements de l’existence, jusqu’à l’espoir de la possibilité d’une survie individuelle et collective, l’utilité de l’acte d’enseigner lui-même pourrait être remise en question. Vous avez su garder la sérénité face à ces interrogations extrêmes. Ou en tout cas, vous avez su les surmonter, grâce à votre passion pour notre beau métier. »

M. Deshommes souligne plus loin les difficultés économiques auxquelles fait face l’Université d’État d’Haïti, en raison d’une diminution constante des crédits budgétaires réels octroyés au secteur, mais il rassure que cela n’affecte en rien la détermination du conseil de l’université à œuvrer pour une amélioration des conditions de l’enseignement, notamment « à l’actualisation de la formation académique, à la pertinence de la recherche scientifique, au renforcement de l’intégration des entités de province, à une meilleure prise en charge des services à la communauté, à un meilleur positionnement de l’UEH au sein de l’Amérique latine et de la Caraïbe ».

Les syndicats d’enseignants, regroupés au sein de la Plateforme des enseignants haïtiens, se sont prononcés également sur les déboires des professionnels de l’éducation. Magalie Georges, qui a pris la parole au nom de la plateforme, a dénoncé l’hypocrisie qui caractérise le secteur. « Alors que nous commémorons la Journée nationale des enseignants’ jusqu’à présent, les enseignants des écoles publiques n’ont pas reçu le paiement du mois d’avril », a-t-elle signalé.

Et encore, elle a fait état d’une baisse drastique du budget alloué au ministère de l’Éducation, passant de 18% à 9%, alors que l’enveloppe budgétaire accordée à la Présidence a été augmentée. Un acte qui, selon elle, caractérise le peu d’importance accordée au secteur par l’État haïtien. Elle réclame des prestations sociales au profit des enseignants afin de les aider à subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs progénitures.

Il convient de rappeler que, suivant le dernier rapport de l’Unicef sur la crise sécuritaire en Haïti, 500 000 enfants ont perdu l’accès à l’éducation en raison de la violence liée aux gangs. Près de 1 700 écoles sont actuellement fermées dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, 772 écoles sont fermées à Croix-des-Bouquets, 446 écoles à Tabarre 274 à Cité Soleil, et 200 autres à Martissant, Fontamara.

 

Esdra Jeudy

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