Vers le mémoricide ?

Dans la capitale comme dans les provinces, la migration et l’éclatement des familles sont devenus la norme. En dehors de quelques publications et communications renouvelées sur les réseaux sociaux, il ne restera plus rien en tant que souvenirs dans la mémoire collective des familles et des institutions.

Dans ce nouvel ordre de confinement culturel, l’identité collective ne trouvera pratiquement plus rien comme substance ancestrale, comme nourriture patrimonial pour se renouveler et se vivifier. Plus que jamais la culture dominante ou les cultures dominantes de préférence, ne feront certainement pas de cadeau. Trop lourd et trop loin le passé de chacun, les souvenirs de plus d’un seront certainement délaissés au prochain coin qui conduira vers la survie du chacun pour soi et tous contre la mémoire collective d’un pays, de toute une nation, et durant plusieurs générations dans une forme d’autodestruction planifiée.

Dans l’ouvrage : « Le mémoricide, quel cadre juridique pour préserver le patrimoine culturel ? », l’auteure Vanessa Koum Dissake abordait dans la collection Sciences criminelles de l’Harmattan un sujet qui tient certainement sa place dans les actualités de nos jours, sans pour autant faire grand écho.

Du mémoricide, c’est quoi au juste ?  « La culture est devenue pour chaque société un enjeu économique, social et politique. Toutes les questions liées au pouvoir ont d’ailleurs un lien avec la culture. Et la guerre qui frappa l’ex-Yougoslavie à la fin du siècle dernier en est un exemple éloquent. Elle a cristallisé le mémoricide comme un crime de droit international », rapporte le résumé de cet ouvrage de référence.

Donc, le mémoricide se résume dans un certain sens,  comme ce : «crime contre la mémoire et contre la culture qui pourrait être défini comme la destruction du patrimoine culturel dans l’objectif de configurer une identité collective».

Dans la nouvelle expérimentation de déshumanisation collective et institutionnelle que propose la République d’Haïti en tant que laboratoire de l’international, les principaux faits marquants les plus spectaculaires entre la gouvernance des catastrophes naturelles, et l’architecture de la logique des crises complexes et interminables qui justifient bon nombre de présence des institutions internationales sur le sol dessalinien confirment sous la loupe de la raison une forme renouvelée de mémoricide.

D’ici les prochaines décennies qui nous mèneront vers l’année 2054, qui marquera la  commémoration prochaine du 250e anniversaire de l’application du nouvel ordre mondial en 1804, il ne restera pratiquement que des fragments de la mémoire historique, quelques vestiges de la grandeur politique de l’idéal haïtien, et quelques feuilles rebelles et desséchées qui tomberont des branches de l’arbre de la liberté, dont les racines sont alimentées à travers les puits du mémoricide.

Devant l’absence d’une conscience collective nationale pour protéger les racines de toute une nation et dans le silence qui nous rapproche autour des contradictions les plus absurdes qui se confondent à quelques normes de notre modernité, on pourrait se demander comment sanctionner si on ne se souvient de rien.

Désistement dans les rangs des gardiens du patrimoine, destruction des vies et des biens tout autour, Haïti arpente au quotidien les rues du génocide perpétuel, comme pour retrouver les traces orphelines de la civilisation indienne sur cette terre, devenue maudite pour les Haïtiens issus des noirs, les survivants de l’esclavage, et, pourtant paradisiaques pour les plus récents étrangers passagers, sans trace ni mémoire, de toutes les races et parfois sans histoire.

 

La Rédaction

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