Notre autisme !

Le huit clos continue et prend sa vitesse de croisière. Les acteurs n’ont aucune conscience que, de plus en plus, les murs protégeant et cachant le vrai jeu des comédiens s’effritent pour livrer peu à peu au regard l’indifférence des uns et des autres pour la réalité concrète d’une population aux abois avec les crises qui ne font que s’aggraver au niveau économique, sanitaire, sécuritaire, ou environnemental. Les choses ont leur loi. La nature, dit-on, a horreur du vide. Les sociétés qui fonctionnent sans gouvernance réelle, sans qu’on tente de les modeler, de les sculpter à l’aune de valeurs préétablies dans  le sens d’une amélioration permanente de la vie des citoyens, ne peuvent que sombrer dans le chaos jusqu’à disparaitre ou tomber sous la coupe d’autres sociétés elles-mêmes ordonnées, organisées.

 

Dans la presse en général, dans les salons, ne se discute que de la partie glauque où tous les coups sont permis entre ces politiciens que la nation regarde avec suspicion. On continue à brandir tous les arguments prétendus légaux, on a recours à toutes les arguties possibles, dans un lieu tellement dévoré par la précarité qu’on n’accorde plus d’importance à la loi. Entre-temps, le quotidien continue sa course, broyant les citoyens avec son cortège de problèmes. Misère, chômage, dénuement, maladie, ignorance, déboisement. L’insécurité surtout détruit tout. On aimerait bien savoir comment se sentent ceux qui ont œuvré à distribuer toutes ces armes dans le pays. Une question d’argent ? De pouvoir ? Quels liens ont ces gens avec cette terre ? Avant de construire des prisons supplémentaires, il faudrait penser à des asiles psychiatriques. Car au vu de ce qui se passe au pays, nous avons certainement un grave problème de santé mentale. Quand on n’est plus capable de voir, de comprendre la réalité, quand on se construit une autre vie à partir de ses frustrations, de ses haines, de sa peur de la précarité, alors on franchit les frontières de la folie.

 Dans de nombreux pays, les analystes s’accordent à dire que les élites politiques s’écartent, se détachent de plus en plus des dynamiques réelles des sociétés. Mais ce sont souvent des sociétés déjà évoluées qui disposent de garde-fous, de société civile forte ce qui leur permet, du moins pour un temps, de supporter la déchéance intellectuelle et morale de leurs classes politiques. Mais Haïti, notre pays, peut-elle supporter l’autisme de ces nuées de dits politiques qui ne se préoccupent au fond que de se garantir des positions devant leur donner accès à des privilèges dans un pays à bout de souffle qui ne tient debout que grâce à l’héroïsme de ses populations de l’intérieur et de l’extérieur ? Notre monnaie nationale qui se délite ne fait sujet d’aucun débat. L’environnement est le cadet des soucis de nos politiques. La santé, l’éducation, et les autres secteurs ne connaissent de timides avancées que grâce au dévouement de quelques rares personnes du système qui essaient contre vents et marées d’empêcher le naufrage.

Nous ne versons pas dans le pessimisme. Mais il est temps, plus que temps, qu’on arrête cette comédie des intérêts individuels qui en nourrissant et répétant des crises perpétuelles ne font que clouer notre cercueil. Au sein de cette Caraïbe qui devient une destination enviable pour les investisseurs du monde entier, allons-nous accepter qu’Haïti, notre pays, continue à être entre les mains de gens incapables d’avoir du cœur, de l’intelligence et de l’imagination pour saisir notre réalité à bras le corps afin de nous dégager du kokoratisme ? Comprendrons-nous à temps que devons à tout prix déployer nos efforts pour faire échec au complot et penser un avenir qui nous remettra à niveau avec les autres nations du continent ?

 

Gary Victor    

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