Le pouvoir d’un tweet

Le manque de clarté dans l’agenda politique « ordinaire » a interpellé douloureusement, pendant très longtemps, les acteurs politiques en particulier et l’ensemble de la population.  Il était encore permis de croire que le respect des échéances démocratiques était une composante essentielle dans la construction d’un État de droit.  L’Exécutif pouvait renvoyer des élections (ce qui arrivait souvent) mais estimait qu’il était nécessaire d’annoncer de nouvelles dates, d’expliquer ses intentions et de rassurer la population même avec force maladresses et mensonges.

Contrairement à ce qui était prévu par la Constitution de 1987, le pays n’a jamais connu d’élections indirectes. Les acteurs politiques se sont accommodés de la situation et la population n’a pas estimé qu’il était de son droit de les réclamer. Mais, les élections, y compris les contestées et les contestables, ont permis de croire que les hommes de pouvoir étaient élus et non désignés de fait. Naïvement, on parlait d’apprentissage de la démocratie, de rodage des institutions républicaines et espérait qu’avec le temps, on allait pouvoir éviter les errements, corriger les fautes, terrasser les habitudes mesquines et paver la voie à l’application stricte de la loi, mêmes les plus imparfaites. En attendant mieux.

Aujourd’hui, la politique politicienne a choisi d’enclencher la marche arrière, brouillant ainsi toutes les pistes de compréhension de la vie politique en Haïti. Personne, en vérité, n’ose mettre une pièce sur le sort réservé aux 10 sénateurs encore en fonction le 10 janvier à minuit. La réponse viendra peut-être par un tweet, comme c’est l’usage depuis quelque temps. Évidemment, les moyens de communication branchés et faciles sont au-dessus de la vox populi et des compromis lucides.

Le débat sur la fin du mandat des 10 sénateurs, les derniers parlementaires et les derniers élus de la République, est fatigant.  Comment prendre pied dans ce vacarme ? Entre arguments savants, logiques d’intérêts, revanches bornées et enfumage à souhait, le citoyen (détenteur du pouvoir de choisir ses représentants) ne comprend rien. Absolument rien.

Il y a fort à dire sur le sérieux du travail des représentants du peuple en ce qui a trait à la gestion du bien commun. Mais, quelque part, la poursuite de l’idéal démocratique devrait être supérieure aux faiblesses de ceux qui ont reçu le pouvoir par délégation populaire. 

Lundi prochain, le pays peut se réveiller sans élus. Il s’agit d’une situation de déclin résultant de la faillite de tous les acteurs et pouvoirs politiques. Et là, il va falloir un examen redoutable de nos comportements et de notre passivité. Place maintenant à la clairvoyance, au dialogue, au courage, à la ferme volonté et à l’éthique pour ne pas assassiner l’espoir d’une vie meilleure pour tout un peuple et ses dirigeants.

Faut-il dénouer la crise pour pouvoir organiser des élections ou choisir de nouveaux élus pour mettre fin à la crise ? C’est une question qui vaut largement budget du Parlement.

 

Jean-Euphèle Milcé

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