Guerre de territoire

Décentralisation et déconcentration. C’est la nouvelle réalité politique, économique, spatiale et culturelle d’Haïti dans la redéfinition de ses nouvelles frontières qui ne permettra pas une meilleure organisation des prochaines élections dans le pays, pour le renouvellement du personnel aux postes électifs retenus par la Constitution.

Depuis plusieurs mois, le territoire national, notamment le département de l’Ouest, continue de subir de nouvelles transformations, tant par l’élargissement de certaines frontières que par la réduction de plusieurs autres périmètres, face à la nouvelle configuration de la vie et de la sécurité en Haïti.

Des constats et des contrastes se bousculent dans le sombre tableau social, ce qui met à nu la faillite de nombreuses institutions étatiques et l’impuissance des acteurs des collectivités territoriales. On pourrait même jusqu’à demander où sont passées les mairies. Ces maires qui veulent presque toutes organiser le carnaval, mais pratiquement absentes ou impuissantes dans beaucoup de cas et des catastrophes qui se multiplient.

Des acteurs certainement nombreux, qui affichent une impuissance plus que manifeste. Il est d’une évidence que les frontières de Port-au-Prince, de la Croix-des-Bouquets ou même Carrefour ont bougé. L’organisation du territoire et la juridiction de ces communes ont été revues par la force des hommes et des femmes qui disposent de plus en plus de la force violente pour sectionner la ville et sanctionner certains citoyens et leurs familles. En somme, toute la population pratiquement vulnérable.

Des moyens manquent terriblement à ces entités administratives, malgré la motivation et les compétences minimales dont certaines disposent. La décentralisation souffre dans tous les sens et de tous les maux. C’est à l’État central que reviendra de donner le signal pour la définition d’un nouvel ordre spatial ou territorial en Haïti! Mais avec quel pouvoir, quand nous savons que des groupes armés ont tout redécoupé avec toutes les mauvaises intentions pour torturer, traumatiser et tuer.

Durant cette nouvelle Journée mondiale de la terre qui sera célébrée le 22 avril, les établissements scolaires, les universités et les médias, dans leurs -rares- missions socio-éducatives, devraient porter les débats sur le questionnement de la nouvelle organisation du territoire en Haïti. Une problématique qui n’est que l’arbre qui cache la forêt?

Dans quels sens réinventer des relations plus harmonieuses, humanisantes et durables entre les Haïtiens, ceux et celles qui continuent d’habiter cette terre, devenue trop fragile sous leurs pas. Cette terre trop violente, capable de les enterrer. Cette terre qui se plie sous la violence des catastrophes naturelles, cycliques et imprévisibles.

La liste est longue. Des fonds marins que l’État central  ne maîtrise pas ni ne contrôle pas comme en surface entre les vagues et l’espace aérien. La construction d’un mur s’impose pourtant par le voisin qui définisse une nouvelle fois les bornes. Des frontières qui se cherchent et se réinventent à chaque saison pluvieuse, et lors des interventions venues d’ailleurs.  

Pour cette terre, nous avons livré bataille pour acquérir la liberté et le droit à la dignité, de l’eau et des arbres pour nous nourrir et des abris pour nous protéger. À quand un éveil collectif pour une solidarité intercommunale et interdépartementale, dans la nouvelle organisation territoriale? Combien de litres de sang manque-t-il encore pour nourrir cette terre devenue trop affamée, pour pouvoir enfin voir germer et fleurir l’arbre de la liberté jadis!

Si rien n’est fait rapidement pour restaurer l’ordre étatique, régalien ou républicain, on doit, dans un futur proche, se faire du souci pour la configuration territoriale actuelle de la capitale d’Haïti.

 

Dominique Domerçant  

 

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