Dans des pays de l'Amérique du Nord (Canada, États-Unis, Mexique), et de l'Amérique du Sud, représenté en particulier par l'Argentine, le Brésil, le Chili, entre autres, et sans oublier dans la Caraïbe, avec la République dominicaine, et d'autres régions éloignés comme l'Europe, l'Afrique, l’Océanie et l'Asie, l'année 2024 n'a pas été seulement marquée par l'augmentation croissante de la circulation, des déplacements et de la délocalisation des dizaines, centaines et milliers citoyens et citoyennes et des familles d'origine haïtienne. Dans beaucoup de cas, ces derniers investissent corps et âme pour jeter les bases d’un avenir plus solide et durable, en investissant dans plusieurs domaines stratégiques en particulier dans l’immobilier. Par rapport aux années antérieures, combien de femmes et des hommes d’origine haïtienne évoluant dans les différents coins du monde, en dehors d’Haïti vont se réveiller le 1 janvier 2025, avec en main la clé de leur maison, nouvellement achetée durant l’année en 2010 ? Quels sont les impacts d'un tel investissement dans l'immobilier dans l’intégration et l’évolution, l'évaluation des actifs et la croissance économique de la diaspora haïtienne ?
Devenir propriétaire d'une résidence pour accueillir ses enfants, ses proches et parents. Investir dans la location ou surtout l'acquisition des appartements, des bureaux pour héberger son entreprise, ou d’un terrain à aménager pour lancer ses projets à moyen ou à long terme, tels sont les vœux ou les rêves qui nourrissent les échanges, la vision, la motivation et les sacrifices d’un grand nombre de ressortissants. Des objectifs (individuel et familial) qui traduisent la réussite dans les différents pays d'accueil pour tout migrant. A quel prix ? A quelle fin ? Pour combien de temps ? Pendant combien de temps faudra-t-il travailler, se scarifier d’un pays à un autre, pour faire des économies, pour s'endetter, pour répondre aux critères et profiter des opportunités d’affaires disponibles ? On ne va pas non plus ignorer celles et ceux, pour matérialiser un tel objectif, qui finissent par tomber dans la prostitution ou la corruption en Haïti ou ailleurs, avec toutes les conséquences possibles en retour ? Entre perte et profit, promotion, projection et prospection ?
Dans la sociographie de la diaspora haïtienne, on ne saurait laisser passer sous silence cette dimension combien importante dans l'articulation des actions individuelles et collectives contribuant à la formulation de cette vision de réussite au sein de chaque communauté. En dehors des apparences superficielles dans le temps traduites par le port des objets de valeurs tels les bijoux et des vêtements de luxe, les véhicules et la fréquentation des lieux célèbres, les voyages et visites en compagnie des personnes partageant ces mêmes visions et valeurs, qui projetaient l’illusion de richesse ou de réussite. La rencontre des différentes vagues des migrants haïtiens dans les mêmes villes finit par enlever certains masques. Avec le temps, ils sont de plus en plus nombreux les Haïtiens d'origine qui finissent par prendre conscience que la réussite réelle, principalement économique passe en grande partie ou obligatoirement par des investissements dans des actifs, notamment immobiliers. Et ce n'est pas le propriétaire des imposants immeubles comme le célèbre “Trump Tower”, à New York, qui nous dira le contraire ?
D’un pays à un autre, de voyage d'études à demande d'asile, les Haïtiens évoluant dans plusieurs pays comme au Canada en particulier, qui se retrouvent dans ces deux profils ou statuts de migrants, même avec un permis de travail ouvert ou restreint ne vont pas bénéficier des droits et privilèges susceptibles de les convertir en propriétaire de biens immobiliers au premier coup. Dans le cas des migrants haïtiens aux Etats-Unis, en particulier celles et ceux qui disposent de statuts temporaires (“TPS” et "Biden") parmi d'autres, tout en étant éligible sur la base de leur réserve économique et de crédit pour profiter des multiples opportunités du marché immobilier, conformes aux lois fédérales entre autres, ne sont pas totalement en sécurité face aux promesses ou menaces de déportation qui accompagnent l'arrivée prochaine de la nouvelle administration aux États-Unis qui doit entrer en fonction, en janvier 2025.
Dans le cas de la République dominicaine, de nombreuses personnalités politiques et économiques d’Haïti s'étaient déjà lancées durant les dix dernières années, dans des investissements immobiliers non-négligeables selon les échos des médias sociaux, sur le territoire voisin. De tels biens, bien acquis ou mal acquis, ne sont pas également en sécurité, surtout dans les contextes de crises politiques, diplomatiques, migratoires ou géopolitiques des deux côtés de la frontière séparant les deux pays. Avec les récentes déportations massives des milliers d'Haïtiens en majorité des anonymes, vers la terre natale, survenues depuis le mois d'octobre 2024 et en cours, cette forme d’insécurité physique et économique, sociale et mentale imposée aux migrants haïtiens, en situation régulière et irrégulière, ne peut en aucun cas encourager ces derniers dans des investissements et projets durables comme l'immobilier.
Des pertes incalculables pour l'économie haïtienne et sa diaspora qu’il faudrait évaluer. Des pertes irréparables et irrécupérables pour ces milliers de paisibles citoyens (hommes, femmes, parents et leurs enfants) tués, disparus ou rapatriés dans leur pays d'origine. Des pertes insurmontables pour les parents et leurs familles haïtiennes évoluant en Haïti et à étranger, qui investissaient dans les voyages, les études et le bien-être de ces proches établis en République dominicaine.
Des profits certains pour les autorités de ces différentes villes, comme pour les personnes qui vont piller résidences et appartements délaissés par les ressortissants haïtiens, en cavale ou en escale entre les frontières, comme ce fut le cas au temps des Juifs sous le régime d’Hitler. A combien pourra-t-on chiffrer les économies des Haïtiens disparus ou déportés dans les banques en République dominicaine ? Comment protéger les droits de ces milliers de jeunes haïtiens déportés, qui venaient tout juste de payer leur loyer, l'écolage de leur formation professionnelle et universitaire, pour des services qu’il ne pourront plus jouir ? Suivant les Convention sur le droit international des migrants et la protection des travailleurs, qui va récupérer en République dominicaine, les salaires et privilèges des travailleurs d’origine haïtienne rapatriés de force la veille, pour ne plus revenir dans ces mêmes villes et quartiers ? Ces derniers pour la plupart qui se préparaient à économiser dans l’objectif de bâtir ou d’acquérir une modeste résidence ailleurs ?
Dans la constitution d'une base de données actualisée sur l’immigration et l’immobilier dans la diaspora haïtienne, un tel champ de recherche aussi pertinente permettrait à l’Etat haïtien d’explorer de nouvelles pistes de rapprochement des intérêts et des services, pour protéger les droits et prolonger l’assistance aux Haïtiens d’ici et d’ailleurs, tout en tenant compte des lois et de la juridiction de chaque Etat. Parallèlement, l’Etat haïtien devrait penser à saluer le travail de différents influenceurs et influenceuses d’origine haïtienne et évoluant dans la diaspora. Ces derniers qui informent, sensibilisent, éduquent et accompagnent ainsi la communauté haïtienne de façon bénévole ou rentable, dans les choix des produits et services immobiliers se confirment comme des acteurs importants et influents à ne pas négliger dans la réalisation de l’état des lieux des actifs immobiliers dans la diaspora haïtienne.
Diaspora scientifique et communauté haïtienne économique et immobilière, il y a urgence pour les membres de la communauté haïtienne éparpillés à travers le monde, de sortir de certaines pratiques traditionnelles, conservatrices et protectionnistes comme le marronnage, afin de donner naissance à une nouvelle génération d'entrepreneurs Haïtiens d'origine, aussi actifs et agressifs que les autres communautés étrangères des pays d'accueil, qui priorisent les investissements économiques à la place des interventions cosmétiques et illusions de richesse sur les réseaux sociaux.
De la création d'un observatoire sur l'immigration haïtienne et l'émergence de la diaspora, à la constitution d'une Chaire universitaire sur la Diaspora haïtienne, ce sont deux parmi des instruments scientifiques et institutions stratégiques qui auraient contribuer dans la production des statistiques et des données qualitatives et quantitatives sur les différents aspects du sujet en question. Avec la contribution et les conclusions des nombreux chercheurs et des spécialistes d’ici et d’ailleurs, pour formuler des réflexions et des politiques publiques, des critiques et des analyses programmatiques sur les relations dynamiques entre l'immobilier et l'immigration des Haïtiens dans le monde, c'est Haïti qui sortirait gagnante. Avec l'organisation des différentes rencontres internationales comme le Sommet international de la Finance, abordant les différents aspects des actifs et des apports de la diaspora haïtienne ailleurs et en Haïti, comme la nouvelle édition prévue dans cette grande ville francophone d'Amérique du Nord, à partir des investissements directs, ce sont autant de pistes et des opportunités qui vont s'ouvrir ?
Depuis la fondation de l'une des plus riches et grandes villes aux États-Unis, par l'un des plus anciens et célèbres migrants originaire de la terre d'Haïti, Jean Baptiste Point du Sable, le fondateur de la ville de Chicago, en passant par le dernier des Haïtiens qui fera bientôt l'acquisition d'un nouveau bien immobilier d'ici la fin de l'année 2024, l'organisation d'une exposition internationale illustrée par des photographies et des documentations des plus pertinentes sur l'histoire et l'évolution de la Diaspora haïtienne dans les investissements immobiliers à travers les nombreuses villes éparpillées dans le monde, allait objectivement contribuer à l’éveil financière et à l’éducation économique des familles d’origine haïtienne établies hors d’Haïti.
Dans les espaces virtuels comme dans les vitrines physique du prochain musée de la Diaspora haïtienne, cette exposition offrirait des regards croisés et une approche inédite sur la place de l'habitat et des investissements immobiliers entre les frontières du rêves, de la réalisation et de la réussite imposés dans le quotidien et l’imaginaire de la diaspora haïtienne, au carrefour de la la diplomatie des villes.
Dominique Domerçant