Clôture de l’atelier de création multimédia en hommage à Jacques Stephen Alexis

L’atelier de création multimédia en l’honneur de Jacques Stephen Alexis, l’une des grandes figures imposantes du milieu intellectuel haïtien, a pris fin le 2 mars 2023 au Centre d’art. Il s’agissait, dans cette initiative, de faire revivre à travers des textes vivants et des dessins une évocation magistrale de l’auteur du roman: «Compère général soleil»

L’artiste plasticienne Pascale Monnin  a animé jusqu’au 2 mars au Centre d’art un atelier de création multimédia en hommage à l’écrivain Jacques Stéphen Alexis, l’une des figures de proue de la littérature haïtienne. L’année 2022 a été consacrée à Jacques Stephen Alexis et à sa Belle amour humaine. il faut toujours revenir à Jacques Stephen Alexis, méditer sur le parcours de sa brève existence et réfléchir sur la portée et la signification de l'ensemble de ses œuvres. Tout cela est une nécessité.

 Relire Alexis en 2023 et se remémorer ses aspirations au changement au vu de la situation socio-politique actuelle est édifiant.Pascale Monnin a proposé d’honorer la mémoire de cet immense écrivain par le biais d’un atelier de création multimédia. L’installation créée dans le cadre de cet atelier a mélangé écriture, dessin et couture. « L’idée est de réaliser ensemble une forme de vitrail bleu qui rassemble des portraits d’Alexis, des dessins, des sirènes, des textes de Jacques Stephen Alexis ainsi que des cartes postales écrites par les participants au cours des ateliers et adressées à cet auteur militant mort pour ses idées », a expliqué l’artiste dans son projet.

En effet, avec l’appui du Centre d’Art, depuis le 14 février, Pascale a réuni dans son atelier seize jeunes, dont des écrivains, des comédiens et des jeunes artistes plasticiens haïtiens : Carl-Henry Pierre, François John Woodly, Youvensky Despeignes, Shneider Léon Hilaire, Réginald Sénatus, Eunice Desmorne, Heritz Joseph, Yasmine Edouard Bertho Jean Pierre, Jennifer Clairin, Alexa Cabeche, Gertrude-Hugh Février, Kav-Alye Pierre, Marc Sony Ricot et Anaïse Hector. L’atelier a commencé par une présentation de Jacques Stephen Alexis, de sa vie et de son œuvre. Ce fut aussi l’occasion de relire la carte postale écrite par Alexis à sa fille Florence, de relire la lettre écrite à Duvalier ainsi que la lettre adressée aux artistes de l’époque…  Les participants rassemblés ont créé à l’écrit et en dessin des cartes postales à Alexis : « Que lui dirions-nous si nous avions la chance de le rencontrer ? Quel dialogue possible avec cet écrivain qui, même à cent  ans, garde les traits de l’homme jeune et brillant qui fut fauché à 39 ans au nom de son engagement politique contre la dictature de l’époque », a précisé Pascale Monnin

Un ensemble de dessins représentent Jacques Stephen Alexis. Bon nombre des dessins le montrent avec son chapeau. Les artistes ont reproduit son portait sur le vif. On reconnaît Alexis dès le premier regard. Et,  d’autres dessins représentent des sirènes sorte de créatures fantastiques marines. Elles sont souvent dépeintes comme des chimères mi-femmes mi-oiseaux, des cartes postales pour faire passer Alexis d’une main à l’autre,  les envoyer à Alexis aussi. Question de ressentir  sa présence malgré la poussière du temps  et des textes qui ont permis à nombre de participants de s’ approprier dans un bref instant la vie et l’œuvre de l’auteur de « L’espace d’un cillement (1959) » qui aura été durant toute sa vie écrivain, homme politique et médecin haïtien, qui s’est illustré par sa résistance à la dictature de François Duvalier. Le National publie deux de ces textes.

 

«Mon cher Jacques,

Nommer ton nom est une fête. Ton nom est un soleil. Jacques Soleil. Pour l’année de la Belle amour humaine, l’année de tes 100 ans, on a entendu ton beau nom soleil dans la bouche des ministres, des universitaires sur tous les tons possibles. Leurs gestes mentaient, leurs paroles ont manqué de respect à ton engagement d’homme. A chaque fois qu’ils disaient ton nom et parlaient de ton héritage, ça sonnait faux, comme un mensonge à révolter les dieux.

Personne n’a vu venir la nuit.

Quand le monstre rose est apparu, on parlait de fête,de carnaval, d’année de joie.

Il était question d’inventer de nos ruines un pays chanson. Mais c’était un beau mensonge pour cacher la plaie venue ravager les saisons.

Ce pays est un grand champ de mines. Dans chaque rire résonne le nom d’un naufragé. Alors pour supporter la vie, nous parlons de toi et d’autres sacrifiés en vous qualifiant de soleil. Vous, les oubliés de la même chute.

Toi qui es dans la lumière et dans la vérité, dis-nous combien de printemps il nous faudra pour chasser la nuit?

Jacques, à chaque aube qui naît, nos paroles ne suffisent plus à peindre l’effondrement des sentiments. Le ciel et la mer nous ont tout pris. Et malgré tout, nous aimons sans cesse. Dans la souffrance, dans la douleur, dans chaque geste. Ce pays est le nôtre. Alors Jacques, patience, si tu reçois cette carte, saches qu’un beau jour la mer recrachera nos arcs-en-ciel et il sera printemps à chaque poignée de main qui criera liberté.

Février Gertrude-Hugh

 

«Cher Jacques Stéphen Alexis,

 

Je t’écris pour te dire que je t’aime.

Alors, pourquoi, te demandes-tu?

Je t’aime pour plusieurs raisons, vois-tu.

Il est rare d’aimer quelqu’un d’un grand amour pour une seule raison.

 

Je t’aime pour ton nom.

Je t’aime pour ton œuvre.

Je t’aime pour chaque fleuve qui coule dans l’Haïti qui t’a vu naître.

Je t’aime pour ton élégance sans commune mesure.

Je t’aime pour ta colère de chien atteint de rage.

Je t’aime pour ta force de vivre.

Je t’aime pour ton courage d’aimer.

 

Je t’aime, vois-tu, pour toutes ces raisons et pour d’autres encore.

 

Je t’aime pour ton héritage inépuisable.

Je t’aime pour ta culture sans borne.

Je t’aime pour la peinture et la littérature.

Je t’aime pour les sciences et les arts.

Je t’aime pour la magie et toutes les choses occultes du monde.

Je t’aime pour ton sacrifice.

Je t’aime pour ton engagement, ton enragement.

 

Je t’aime pour le mystère et tous les abîmes profonds qui hantent le cœur des hommes.

Je t’aime pour les éléments interstellaires qui nous habitent et traversent nos songes.

Je t’aime pour les fonds marins, les horreurs d’argile.

Je t’aime pour les fleurs et les oiseaux qui peuplent la terre de mille éclats de rire.

 

Vois-tu, cher Jacques, l’amour devrait être le mot le plus long du dictionnaire de la vie.

C’est le mot le plus beau, le plus vivant, le plus fertile, le plus frais et le plus vrai.

Tu as tant cherché l’amour avec la pureté au cœur.

Tu l’as cherché, tu l’as trouvé et tu nous l’as donné en partage dans chacune de tes phrases, dans chacun de tes actes.

 

Moi, je t’aime, Jacques, parce que ton passage fut un privilège sans nom, beau, indicible.

Tu sais Jacques, tes pas sur le sol de nos vies ont laissé des traces indélébiles sans fin de parcours. »

 

Carl Pierrecq

 

Schultz Laurent Junior

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