Éloise Philippon brise les cordons esthétiques : « Tèt chaje » !

Détentrice d’une spécialisation en illustration de mode à l’International Arts and Design School de Miami, Éloise Philippon s’est plutôt tournée vers la peinture, en laissant de côté la production grande échelle. Ses oeuvres picturales témoignent d’une forte sensibilité traversée par l’humour, et l’ironie des circonstances, jusqu’à prendre les formes de véritables parodies sociales.

Dans les créations artistiques signées par cette femme artiste franco-haïtienne, le pluriculturalisme trouve une place importante, entre les personnages, les paysages et les messages partagés. Les titres de la collection 2018 confirment bien cette dimension mondialisante proposée par la vision esthétique de Éloise Philippon. « Tèt chaje », « In silly cone Valley », « King of the Bongo », « One teapot different Faces » , « Ring my Bell », « Under Construction », « Les vauriens », « To sexy for my », « The grapes », « L’heure du bon thé », sont parmi les thèmes exposés !

Des thématiques qui interpellent, à la fois dans la forme plastique et l’univers poétique qui célèbrent dans chaque pièce l’éternel mariage des matériaux. Les critiques sont visiblement présents dans ce festin pictural, et ne portent pas de masque comme l’oeuvre titrée « L’heure du thé bon marché» le démontre, le dénonce ironiquement autour de la table bien garnie.  

Dans l’une de ses expositions, en dehors des défilés de mode, la publication du catalogue « Parodies sociales » offre à l’artiste Éloise Philippon la possibilité de livrer une prestation dans le champ des arts plastiques et visuels. Ses oeuvres sont détachées de toutes les normes académiques et des canons esthétiques classiques habituels.

Du « Jean Michel Basquiat » à sa manière, certainement moins choquante et provocante, dans une approche plus ironique, qui emprunte la démarche du « Castigat ridendo morès ». L’artiste plasticienne Éloise Philippon, dans ses oeuvres, expose, explique, exprime, extériorise et exploite tous les styles, les supports et les sentiments pour matérialiser le génie qui l'habite ! 

De père français et de mère haïtienne, Éloise Philippon est née en Haïti en septembre 1993, avant de laisser sa terre natale au lendemain du séisme du 12 janvier 2010. Ses origines familiales et les changements d’environnement sur son parcours lui ont offert l’occasion d’élargir sa vision du monde, et sa passion artistique autour des différents styles et tendances esthétiques qui animait son passe-temps.

Dans les critiques de l’historienne d’art et fondatrice de la prestigieuse galerie Festival Arts, Marie Alice Théard, rapporte : « Ces touches agressent notre quiétude. À cause, ou grâce au déferlement de ces ressentis, nous nous retrouvons pris dans le prolongement du souffle de Jean-Michel Basquiat. L’un des plasticiens les plus prisés actuellement par les collectionneurs et par la critique internationale ».  

Dans cette radiographie proposée par l’une des plus importantes voix de la culture contemporaine et promotrice artistique de cette génération, Marie Alice Théard, poursuit dans sa lecture : « Quelle audace de faire pareille référence. Mais, Éloise nous y oblige par sa révolte exprimée de façon satirique, sa colère intérieure contre les stupidités d’un monde inhumain, sa poésie immédiate, son dire concis et fort, sa mise en page aérée aux personnages, parfois non identifiés, sans oublier la dynamique musicale de l’atmosphère créée ».

Des projets de l'artiste pour sa terre natale ont été revisés avec le temps par rapport à la conjoncture. Elle projetait jadis de revenir en Haïti, pour évaluer le marché local et les potentialités du prêt-à-porter, après avoir participé  à plusieurs défilés durant ces quatre années d’études, en dehors des travaux sur mesure. 

De la mode à la mythologie, en passant par l’histoire et l’ironie, des oeuvres comme : « Fishy ficshy », « The neighbor’s Bush », « Homo-Connectus », « Fucking Flies », permettent de mesurer l’ouverture d’esprit et l’esprit critique de cette femme artiste à la fois engagée et détachée de toute forme de complicité ou de passivité face aux injustices sociales. 

De la mode à la peinture, avec un accent autour du corps humain, celui de la femme est visiblement représenté dans grand nombre des créations signées par Éloise Philippon, qui cherche par tous les moyens à couper le cordon esthétique traditionnel.

Des animaux comme les vaches ou vaux dans l'oeuvre: « Les vauriens », et le taureau de « Ring my Bell », sont également célébrés dans cette démarche artistique qui libère tellement autant d'énergies et des émotions traduites dans « King of the Bongo » ou encore « Tèt chaje » !

Des plaidoyers se construisent parallèlement dans la puissance des oeuvres de l’artiste qui confirment cette forme de sens de l’observation affirmée autour des faits sociaux. À travers l'oeuvre titrée « Les allumeuses », une lampe de nuit la place de la tête, d’un corps féminin, nu, l'artiste expose et propose un discours en faveur ces victimes. L’influence du noir et des nuances, en dehors des seins affirmés, mettent en Lumière certaines logiques, des considérations, discriminations, hypocrisies et complicités qui persistent dans les relations de marchandisation du corps de la femme, d’ici et d’ailleurs.

Dans le renouvellement du personnel féminin engagé dans la création, la production et les prestations culturelles dans le domaine des arts plastiques et visuels en Haïti, la contribution esthétique de l’artiste Élodie Philippon représente un bel apport significatif et expressif, pour célébrer au musée des Femmes d’Haïti, la créativité au féminin pluriel.

Dominique Domerçant

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