Stigmatisation du créole, Code noir et populisme linguistique

Stigmatisé par certains, méprisé ou dévalorisé par d’autres à tous les étages de la sociétéhaïtienne, le créole est depuis fort longtemps l’objet de préjugés tenaces, de clichés borgnes, de poncifs et de stéréotypes recyclés où le babillage sentencieux, côtoyant le « voye monte », sert souvent à masquer l’ignorance. Alors même que le créole est langue co-officielle depuis l’adoption à forte majorité de la Constitution haïtienne de 1987, et bien qu’il ait été introduit –avec de lourdes lacunes sur le plan didactique--, dans le système éducatif national par la réforme Bernard de 1979 au titre de langue d’enseignement et de langue enseignée, le créole a, en un paradoxe apparent, ses défenseurs et ses pourfendeurs tant parmi les locuteurs unilingues créolophones que parmi les bilingues créoles-français. L’observation de terrain révèle que depuis un certain temps, en Haïti comme en outre-mer, l’aménagement du créole est discrédité par les errements des « créolistes » fondamentalistes qui ont partie liée avec les pourfendeurs du créole au sens où dans leurs écrits comme dans leur approche de la « défense » du créole –approche bien des fois caricaturale et souvent sectaire et dogmatique--, ils alimentent le rejet stigmatisant du créole dans l’École haïtienne et dans le corps social. Le présent article propose d’en défricher les articulations et les soubassements à dominante idéologique tout en situant la stigmatisation du créole dans sa dimension historique et sociale.

La stigmatisation du créole et le Code noir de 1685

 

Sur le plan historique, la stigmatisation du créole s’est constituée en un corps d’idées à dominante idéologique et elle a bénéficié d’un cadre juridique dès 1685(dans cet article, le terme « idéologie » s’entend au sens d’un « Ensemble de représentations dans lesquelles les hommes vivent leurs rapports à leurs conditions d'existence (culture, mode de vie, croyance) » [Le Larousse]. La stigmatisation du créole a investi l’imaginaire des locuteurs et elle est en lien direct avec l’« ordre » imposé autrefois par le système colonial européen à travers un cadre légal, le Code noir, et au moyen d’une gouvernance particulière du système esclavagiste, celle de l’absolutisme royal relayé par les administrateurs coloniaux. Pour légitimer et encadrer la traite négrière dans les territoires conquis et réguler l’organisation du système plantationnaire où les esclaves déportés d’Afrique avaient remplacé les Amérindiens décimés par différentes formes de maltraitance, la France a promulgué le Code noir. L’appellation de Code noir désigne l’Ordonnance royale de Louis XIV ou Édit royal de mars 1685 relatif à la gestion de l’économie sucrière des îles de l'Amérique française et des autres contrées conquises. L’article 44 du Code noir assimile l’esclave originaire d’Afrique aux biens meubles : son humanité lui est déniée, il est « chosifié » à travers son statut d’esclave, et ce déni d’humanité s’applique également à sa langue et à ses croyances. Sur le plan patrimonial, celui du propriétaire et de sa succession, l’esclave peut être acheté, vendu ou donné comme bien meuble. Il est la propriété du maître et n’a pas de nom ni d’état civil mais il dispose d’un matricule à partir de 1839. Le Code noir établit une hiérarchie sociale au sommet de laquelle se trouve le pouvoir royal représenté dans les colonies esclavagistes par l’ensemble des propriétaires-planteurs blancs européens et les administrateurs coloniaux, locuteurs dans un premier temps de diverses variétés de français de l’Ouest de la France (voir plus bas Véronique, 2000 : 35), puis locuteurs de la variété dominante du français de l’époque et qui utilisaient le créole dans leurs transactions langagières avec les esclaves. C’est précisément cette hiérarchisation marquée des rapports sociaux dans le système esclavagiste et plantationnaire, confortée par le Code noir, qui est au fondement de la stigmatisation du créole par l’installation des préjugés, des clichés et des poncifs dans l’imaginaire des locuteurs, de la base au sommet de la pyramide sociale. Exclusivement détenu et exercé par les administrateurs coloniaux et les planteurs blancs européens, le pouvoir colonial a été un pouvoir absolutiste-suprématiste par délégation du pouvoir royal : avec le Code noir de 1685, ce pouvoir parle désormais une langue administrative unique, le français, intériorisée et valorisée au titre d’une langue « supérieure ». À l’inverse, au bas de la hiérarchie de l’« ordre » colonial, les esclaves noirs, délaissant leurs langues ancestrales africaines et devenus locuteurs du créole, s’exprimaient dans cette langue intériorisée et perçue comme étant une langue « inférieure » par rapport au français (voir, entre autres, l’étude de Romain Cruse, « Répartition et dynamiques spatiales des langues créoles dans la Caraïbe » parue dans l’Espace géographique 2015/1 ; voir aussi Marie-Christine Hazaël-Massieux, « Théories de la genèse ou histoire des créoles : l'exemple du développement des créoles de la Caraïbe », paru dans La Linguistique, 2005/1 (vol. 41). La variété de français régional d’Haïti ainsi que le créole ont ainsi hérité, de l’« ordre » colonial, un certain nombre de mots et d’expressions de valorisation/dévalorisation des deux langues en présence dans le corps social et qui expriment aujourd’hui, à travers leur fonds lexical, une hiérarchisation sociale et symbolique. Il faut également prendre toute la mesure que les mots et expressions de valorisation/dévalorisation des deux langues n’ont pas disparu après l’Indépendance de 1804 : au contraire, ils ont prospéré sur le terreau d’un pouvoir d’État postcolonial qui a reproduit à l’identique le système des grandes plantations désormais administrées par les généraux et autres hauts gradés de l’Armée révolutionnaire indigène par ailleurs fort occupés par la remilitarisation du nouvel État indépendant. Ils ont fleuri au périmètre d’un pouvoir postcolonial qui a reproduit presqu’à l’identique le dispositif d’administration du nouvel État sur le modèle de celui des colons et dont la langue administrative est le français –le créole ayant été, dans le contexte d’après 1804, relégué dans les mornes et en dehors de la conquête de la toute nouvelle citoyenneté haïtienne. Les mots et expressions de valorisation/dévalorisation du français et du créole se sont durablement enracinés dans la population en raison principalement de la stratification sociale du nouvel État où les anciens esclaves, majoritaires sur le plan démographique et créolophones, se sont retrouvés au bas de la pyramide sociale et ont constitué de facto une main-d’œuvre quasi-servile à l’emploi des grandes plantations reconstituées et administrées par les généraux et autres hauts gradés de l’Armée révolutionnaire indigène.

 

À quelle date le créole est-il apparu à Saint-Domingue (devenue Haïti en 1804) ? Le créole haïtien serait-il « né » à l'île de la Tortue au XVIIe siècle, où cohabitaient esclaves africains, flibustiers, boucaniers, corsaires et colons européens ? À l’échelle de l’histoire de la colonisation, la datation précise de l’existence ou de la naissance ou de l’apparition du créole à Saint-Domingue –au XVIe siècle ou auXVIIe siècle?--, comme dans tout l’arc des Antilles est sujet à débats sinon à controverses entre les historiens et entre les linguistes. Une étude ample et détaillée de la linguiste Marie-Christine Hazaël-Massieux en dresse un portrait fort éclairant : « Théories de la genèse ou histoire des créoles : l'exemple du développement des créoles de la Caraïbe » (La Linguistique, 2005/1 (vol. 41). L’étude de la genèse du créole s’est enrichie d’une vaste collection d’articles consignés dans la revue Études créoles (vol. XXV, no 2, 2002, « La créolisation : à chacun sa vérité ») coordonné par Albert Valdman. Marie-Christine Hazaël-Massieux, dans« Théories de la genèse ou histoire des créoles : l'exemple du développement des créoles de la Caraïbe », présente comme suit l’état des connaissances sur la genèse des créoles : « Il existe diverses théories concernant la genèse des créoles. Un numéro récent de la revue Études créolesproposait un bilan de ces hypothèses concernant la créolisation et mettait à jour des tendances différentes : certaines qu’on qualifie de « sociohistoriques », d’autres qui sont axées davantage sur la « typologie »... Ces théories sont toutes des hypothèses, fondées sur des scénarios plus ou moins vraisemblables : ainsi certains linguistes qui les défendent se fondent sur l’étude des populations de bateaux négriers, d’autres insistent sur l’importance de la colonisation portugaise, certains soulignent que le temps passé dans les ports avant l’embarquement permettait aux esclaves de commencer à forger un medium commun, certains encore sont sensibles au fait que l’Afrique, qui a laissé des traces si importantes dans le « type » physique des populations, a bien dû aussi modeler la langue résultant des contacts, etc. Les théories varient, certes, mais si les faits historiques sont sûrs, le passage de données statistiques, historiques, géographiques, politiques ou économiques aux faits linguistiques se révèle très souvent délicat (et donc aventuré). »

 

Bien que certains de ses travaux historiques soient l’objet de controverse, Philippe R. Girard est l’un des historiens qui a examiné de près la configuration linguistique de Saint-Domingue à la veille de la révolution de 1804. Dans son étude intitulée « Quelle langue parlait Toussaint Louverture ? / Le mémoire du Fort de Joux et les origines du kreyòl haïtien » (revue Annales / Histoire, sciences sociales 2013/1), cet historien expose, au chapitre « Le paysage linguistique domingois », qu’« À l’époque coloniale, trois types de langues étaient couramment parlées à Saint-Domingue : les langues africaines, le kreyòl et le français. Les langues africaines auraient dû prédominer dans une colonie où la majorité des esclaves étaient bossales (c’est-à-dire nés en Afrique), mais, bien que majoritaires, ceux-ci étaient dans une telle situation de déracinement et d’exploitation qu’ils ne purent imposer leurs langues maternelles.  La diversité des langues africaines limitait aussi leur usage car elle créait d’importants problèmes d’intercommunication (…)Les préjugés sociaux contre les bossales, qui occupaient le bas de la hiérarchie servile, expliquent aussi la disparition des langues africaines au profit d’autres langues considérées comme plus nobles : pour un esclave, ne s’exprimer qu’en kreyòl était un marqueur social indiquant qu’il était né aux Antilles. Les langues africaines ne perdurèrent que dans les communautés de marrons et dans la culture afro-caribéenne, particulièrement le vodou (…) ».

 

Parue dans la revue « L’information grammaticale » (no 85, mars 2000), l’étude du linguiste Georges Daniel Véronique, « Créole, créoles français et théories de la créolisation » n’a pas pour objet de présenter un catalogue des préjugés ciblant le créole au cours des ans. Mais parmi les mérites de cette importante étude, il y a lieu de signaler qu’elle inventorie avec une exceptionnelle clarté « Les conditions sociales d'émergence des langues créoles : l'exemple des « créoles français » [des créoles de souche lexicale française]. L’examen de ces conditions sociales montre bien que l’émergence des créoles est indissociable des conditions historiques et sociales de leur apparition et de leur stratification dans la société plantationnaire. À ce constat capital et de premier plan il faudrait ajouter que ces conditions historiques installent dans l’imaginaire symbolique des locuteurs créolophones une vision « idéologisée » de la langue maternelle créole où coexistent des approximations, des stigmates, des clichés et des préjugés qui ne sont pas de nature linguistique. L’un des mérites de cette étude (voir le chapitre 4, page 34 : « Qu’est-ce qu’un créole ? ») est de répondre à cette question d’apparence simple en faisant le rappel de la typologie des systèmes linguistiques de parentalité des créoles avec leurs langues lexificatrices :  un créole est une langue naturelle au même titre que toute autre langue naturelle, et il convient de rappeler qu’il n’est ni « supérieur » ni « inférieur » à telle ou telle autre langue. La stigmatisation du créole et les préjugés qui l’accompagnent ne sont donc pas de nature linguistique : ils relèvent du champ idéologique et se sont installés dans l’imaginaire des locuteurs en grande partie selon les termes du dispositif juridique du Code noir. Le linguiste Georges Daniel Véronique est également l’auteur d’une vaste étude consacrée au processus de développement des langues créoles et intitulée « Créolisation et créoles » parue dans le livre collectif de référence « La didactisation du créole au cœur de l’aménagement linguistique en Haïti » (Robert Berrouët-Oriol et al., Éditions Zémès et Éditions du Cidihca, 2021). Parmi les grandes qualités de cette étude, l’on retient entre autres la classification qu’il expose en ces termes : « On distingue des créoles exogènes, nés de la transplantation des populations fondatrices vers de nouveaux territoires, et les créoles endogènes nés du contact entre des populations locales et des populations étrangères » (op. cit., page 325).

 

Les préjugés, les clichés et les poncifs contre le créole se sont diversifiés depuis l’Ordonnance royale de Louis XIV (le Code noir), ils ont prospéré après l’Indépendance d’Haïti en 1804 et c’est toute la configuration des classes sociales ainsi que l’économie extravertie d’Haïti qui, au cours des ans, ont servi de terreau à la stigmatisation du créole. Ce n’est pas la langue en soi –ici la langue française, statufiée et dite « supérieure » dans le vocabulaire colonial et postcolonial--, qui produit les préjugés contre le créole : ils sont issus de la hiérarchisation des classes sociales durant la colonisation et après 1804 ; dans le prolongement du Code noir, ce sont les rapports sociaux de « chosification » et de mépris du sujet parlant créolophone qui produisent et alimentent la totalité des termes de stigmatisation du créole. C’est donc dans la hiérarchisation pyramidale des classes sociales issue de la colonisation européenne, dans la configuration du pouvoir économique et politique qu’il faut situer l’apparition et la consolidation de la stigmatisation du créole à travers le lexique des préjugés, des clichés et des poncifs. À cet égard, il faut prendre en compte, comme le précise Georges Daniel Véronique, le fait que c’est« Le contexte colonial et le regard racialiste que l’on porte sur les habitants des îles créoles [qui] expliquent, sans doute, la stigmatisation des langues créoles » (Georges Daniel Véronique : « Émergence des langues créoles et rapports de domination dans les situations créolophones », In Situ / Revue des patrimoines, no 20, 2013 ; numéro consacré à la thématique « Les patrimoines de la traite négrière et de l'esclavage »).

 

Essai de classification du vocabulaire de la stigmatisation du créole

La problématique de la stigmatisation et des préjugés anti créole a été abordée par plusieurs auteurs au cours des ans, notamment par Tontongi, rédacteur de « La persistance des préjugés anti-créole dans l’univers francophone haïtien », un article de premier plan paru dans le livre collectif « La francophonie haïtienne et la francophonie internationale : apports d’Haïti et du français haïtien », sous la direction de Renauld Govain (éd. JEBCA, octobre 2021).L’observation a montré que la stigmatisation du créole est le fait de locuteurs unilingues créolophones et/ou de locuteurs francocréolophones qui s’expriment soit en français soit en créole, elle comprend peu de termes simples (des unitermes) et ils sont en majorité des termes complexes (des locutions). Le tableau qui suit ne présente pas une liste exhaustive des termes stigmatisants et il n’établit pas non plus de correspondance traductionnelle entre les termes créoles (colonne de gauche) et les termes français (colonne de droite).

 

Tableau 1

Termes relatifs à la stigmatisation du créole

 

Termes créoles

Remarques de RBO

 

Termes français

Remarques de RBO

 

 

Les termes français de la colonne de droite ne sont pas une traduction des termes créoles de la colonne de gauche

 

 

patwa / patwa kreyòl

marqueur dévalorisant

 

langue française VS « patois » créole

idée de la « supériorité » du français sur le créole

kreyòl swa

marqueur valorisant

 

français langue « de culture »

idée de la « supériorité » du français en général

kreyòl rèk

marqueur dévalorisant

 

français langue « supérieure »

idée de la « supériorité » du français en général

kreyòl mòn

marqueur dévalorisant

 

langues « inférieures »

idée de la « supériorité » du français en général

gwo kreyòl

marqueur dévalorisant

 

créole = déformation du français

idée de la « supériorité » du français sur le créole

djòl kreyòl

marqueur dévalorisant

 

créole = langue bâtarde

stigmatisation du créole

kreyòl pa gen gramè

infériorisation de la langue

 

créole = enfermement

stigmatisation du créole

kreyòl pa gen diksyonè

infériorisation de la langue

 

créole = langue pauvre

dévalorisation et stigmatisation du créole

kreyòl pa gen òtograf

infériorisation de la langue

 

 

 

lang moun mòn

infériorisation de la langue

 

 

 

nèg save

locuteur doté de compétence en français

 

 

 

nèg sòt

locuteur non doté de compétence en français

 

 

 

sirèt1---» surèt2

qualifie le locuteur

 

 

 

bouch sirèt / djòl sirèt

qualifie le locuteur

 

 

 

 

NOTE - sirèt1 ---» surèt2: cet exemple illustre le phénomène de l’hypercorrectionchez le locuteur créolophone par une sorte de « francisation » du terme où, par exemple, la voyelle « i » remplace la voyelle « u » (voir la définition de « sirèt » dans le « Haitian Creole-English Bilingual Dictionnary » d’Albert Valdman, Creole Institute, Indiana University, 2007, page 669 ; voir aussi l’excellent article de Hugues Saint-Fort, « Comprendre le phénomène linguistique du « bouch sirèt» dans le discours des locuteurs haïtiens unilingues créolophones », Potomitan, juillet 2018).

 

Le tableau des termes relatifs à la stigmatisation du créole ne comprend que deux termes simples (« patwa » et « sirèt »). Il regroupe en majorité des termes complexes (des locutions) à dominante adjectivale (« kreyòl rèk », « gwo kreyòl », etc.) où le créole est négativement « qualifié », ainsi que des énoncés de type « phrase » (« kreyòl pa gen gramè », « kreyòl pa gen diksyonè »). Le champ sémantique dominant des 17 termes créoles consignés dans la colonne de gauche est celui de la stigmatisation du créole par sa qualification « négative » (marqueur dévalorisant, infériorisation de la langue, locuteur non doté de compétence en français). À l’inverse, sur le registre de langue du francocréolophone, le champ sémantique dominant est celui de la prétendue « supériorité » du français sur le créole, couplée à la dévalorisation et à la stigmatisation du créole. Il y a lieu de rappeler, une fois de plus, que la stigmatisation du créole par le biais de préjugés négatifs n’est pas d’ordre linguistique, elle ne relève pas de l’organisation interne du créole, de ses structures morphosyntaxiques et encore moins de son dispositif sémantique. Les préjugés négatifs contre le créole ressortent plutôt de l’idéologie, de l’« idéologisation de la langue », et l’analyse sociolinguistique comme la sociologie de manière générale disposent d’éclairants critères d’auscultation de ce qui demeure un fait social et culturel historiquement attesté. 

 

L’« idéologie linguistique haïtienne », l’« idéologisation de la langue » et la « fétichisation de la langue » créole n’appartiennent pas aux sciences du langage et elles ne peuvent pas modéliser l’aménagement du créole

 

Existe-t-il une « parenté idéologique et fonctionnelle » entre la stigmatisation du créole et le discours idéologique des Ayatollahs du créole, discoursaxé sur l’exclusion et l’anathème repérables au cœur du populisme linguistique ? La réponse est « oui » et cette parenté idéologique est attestée de différentes façons. Ainsi, dans leur dispositif énonciatif, les deux corps d’idées « fonctionnent à l’idéologie » au sens où c’est l’idéologie, plutôt que les sciences du langage, qui est le facteur dominant de leurs énoncés : ceux-ci sont des « jugements » sur la langue historiquement et socialement marqués, comme c’est le cas par exemple avec les termes « kreyòl rèk », « lang moun mòn », « frankofoli », « lang blan an », « lang kolon an ». Toujours dans leur dispositif énonciatif, les deux corps d’idées se rejoignent sur le registre de l’enfermement de la langue créole : d’une part celle-ci est forclose dans sa négativité, et le créole est à ce titre stigmatisé ; d’autre part la langue créole est forclose au périmètre d’un discours fondamentaliste clivant qui « fétichise » le créole et agit comme un véritable repoussoir démobilisateur aussi bien auprès des unilingues créolophones que des bilingues créole-français (voir notre article « La « fétichisation » du créole sous la plume de Daly Valet, une voie réductrice et sans issue », Le National, 13 septembre 2022).

Ce constat, maintes fois vérifié, conforte la

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