Naïza Fadjanie Saint Germain : du sang neuf dans le théâtre de ces «Nouvelles Dramaturgies d’Haïti»

Cette anthologie de 12 textes dramatiques est une publication soutenue par AROCH et OIF, coordonnée par Guy Régis Jr et publiée par Edisyon Chimen. Chimen, de l’Association Quatre chemins en collaboration avec la compagnie Nous théâtre, créée dans l’objectif d’offrir un espace de diffusion et de publication aux dramaturges haïtiens. Cette publication regroupant douze textes dramaturgiques (de 6 autrices/6 auteurs) dont deux sont en créole, sera disponible dans toutes les bibliothèques en Haïti ainsi que dans plusieurs pays francophones. « Le purgatoire » de la dramaturge Naïza Fadianie Saint Germain est le deuxième texte du deuxième tome.

Découvrons ensemble le résumé (la trame) et la présentation (l’à-propos) de ce texte.

À propos
Naïza Fadjanie Saint Germain n’a pas froid aux yeux : le ton est donné dès
la liste des personnages. La présumée virginale Juliette Capulet de William
Shakespeare côtoie des femmes scandaleuses : l’Américaine Linda Lovelace
(1949-2002), star du porno mondialement renommée pour sa prestation dans
Gorge profonde de Gérard Damiano (1972) et Lili Elbe (1884-1931), peintre
danoise, première transsexuelle opérée connue. Auteur de Man into Woman,
elle mourut à la suite d’une transplantation d’utérus. Quant à Tamar, figure
biblique de la femme bafouée et répudiée, elle se vengea de son beau–père
Juda, en obtenant par la ruse qu’elle partage sa couche et mette au monde deux
jumeaux … De cet inceste inversé descendront les rois David et Salomon…
Il n’est cependant pas question de prendre ces personnages au pied de la
lettre et d’explorer leur biographie. Ces femmes ne sont que des figures
mythiques, prétextes à tisser une comédie irrévérencieuse. Et si elles font
assaut d’érudition, elles ne mâchent pas leurs mots pour autant et prennent
plaisir à se lancer à la figure des vacheries, dans une surenchère perpétuelle de
provocations. Les références littéraires, cinématographiques qu’elles déploient
ne sont pas à prendre au pied de la lettre, car elles ne jouent que comme toile
de fond et alimentent les joutes verbales de ces figures de fiction, dont elles
constituent la chair.


Bien que, de temps à autre, un gardien invisible tente de calmer le jeu, ce
purgatoire n’a rien du lieu d’expiation évoqué par la Bible ! Dans cette salle de classe hors du temps, les pécheresses ne se repentent que de leur passée
qu’elles se reprochent mutuellement … Au nom de la liberté sexuelle et de la
libération des femmes.


« Lili : Tu seras toujours et encore un puits sans fin de sottises et de chairs
avariées. Linda, une femme maltraitée.


Linda Lovelace : Tu seras toujours et encore un puits sans fin de simulacres
et de mascarades Einar, un projet raté. Tu ne seras jamais une femme comme
moi, celle qui enfante, celle qui allaite.


Lili Elbe : On ne nait pas femme, on le devient. C’est toute une éducation. »
La leçon de grammaire qui s’égrène tout au long de la pièce porte sur
un distique de l’écrivain humoriste Alphonse Allais, cité notamment par
Guillaume Apollinaire dans les Onze mille verges : « La trépidation excitante
des trains / Nous glisse des désirs dans la moelle des reins » Le ton est donné
et l’autrice surenchérit avec Les Fesses de Paul Verlaine, déniché par Tamar à la bibliothèque...


L’autrice s’amuse avec toutes ces citations et ces anachronismes. Elle rassemble
dans un joyeux méli-mélo les univers disparates de la tragédie élisabéthaine,
de la Bible, et de célébrités défuntes pour créer des personnages hauts en
couleur. L’écriture galope: avec des répliques courtes, cinglantes, des trouvailles
verbales inattendues et un grand éventail d’impertinences… Il fallait oser.

Mireille Davidovici

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