Dans une approche tournée vers l’analyse géopolitique influençant les industries culturelles haïtiennes à l’échelle mondiale, face à une Europe en pleine crise économique et la guerre en Ukraine, suivie par l’arrivée de l’administration Trump aux Etats-Unis, dominée par une politique migratoire, et des mesures très contraignantes, encore moins la crise migratoire en République dominicaine et dans d’autres terre d’asile dans la Caraïbe et en Amérique latine, sont autant de réalités qui affectent à la fois le bien-être collectif des principales communautés haïtiennes, parmi les plus importantes et influentes, et la dynamique culturelle de la diaspora dans son ensemble, malgré les nombreuses initiatives portées par des créateurs et créatrices d’origine haïtienne de la diaspora, qui évoluent notamment dans des villes comme la Floride, Boston, New-York, Chicago, Indiana entre autres.
Derrière tous ces efforts, ces sacrifices et ces investissements par et pour la promotion de la culture haïtienne, la communauté haïtienne au Canada, en particulier celle qui évolue dans la métropole de Montréal, semble en dépit de certains problèmes d’ordre socioéconomique, organisationnel, et migratoire entre autre, vouloir imposer les marques d’une dynamique culturelle intense, riche et diversifiée au fil des ans, quarante ans après publication de l’ouvrage “Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatigue”, de l’un des plus célèbres haïtiano-canadiens.
Dany Laferrière a en effet ouvert la voie en 1985, avec la sortie de son premier livre, quelques années plus tard adaptée dans le cinéma. D’une pierre trois coups pratiquement : la littérature, le cinéma et la sociologie du genre et de la race dans ses multiples dimensions viriles, autant que la culture ancestrale de l’écrivain devenu académicien. Les éditions Mémoire d’Encrier parmi d’autres, se sont ainsi taillé un nom dans cette dynamique autour de la promotion d’une culture mosaïque, à travers laquelle des auteurs haïtiens trouvent leur place et tiennent la face.
Derrière lui, comme bien avant lui, et même parallèlement avec lui, plusieurs autres noms sont venus greffés dans l’arbre généalogique de la culture haïtienne. Fabienne Colas s’impose certainement comme cette voix féminine qui porte supporte plusieurs piliers importants de la culture authentique haïtienne à travers ses multiples initiatives et manifestations créatives, performatives et culturelles à cheval entre plusieurs champs artistiques et culturels telles que Haïti en Folie. La Fondation Fabienne Colas se présente ou s’impose comme un organisme de référence au Québec, évoluant dans le domaine artistique à but non lucratif qui se consacre à la promotion de la diversité et de l’inclusion dans le cinéma, les arts visuels et la culture au Canada comme à l’étranger.
Dans la ville de Montréal, le Centre international de Documentation et d’Information haïtienne, caribéenne et afro-canadienne (CIDIHCA) ne passe pas inaperçu par son influence, ses multiples contribution et la somme des travaux produits qui serviront plusieurs communautés, des générations et la diaspora en particulier.
Difficile de présenter Montréal comme la capitale culturelle de la diaspora haïtienne sans faire le décompte des travaux scientifiques réalisés depuis plusieurs décennies par des dizaines et des centaines de chercheurs, passant du statut d'étudiants à professeurs dans plusieurs universités au Canada, sans citer en exemple le professeur Samuel Pierre, parmi d'autres figures d'excellence de l'intelligence haïtiano-canadienne.
Depuis 1973, la Maison d’Haïti se confirme comme un organisme communautaire et culturel, dédié à l’accueil, à l’éducation et à l’intégration des personnes et des familles migrantes de toutes origines ainsi qu’à la création et au développement des liens étroits avec la société québécoise. Plusieurs activités de référence sont organisées depuis par la Maison d’Haïti, parmi d’autres institutions et organisations communautaires qui ne ratent jamais l’occasion pour célébrer et commémorer les grandes dates et manifestations autour d’Haïti, dans ses heures de gloires comme dans ses moments de déboire, notamment après le séisme de 2010. On pourrait citer La Perle retrouvée qui a vu le jour en 1998.
De nouvelles institutions et organisations communautaires et socioculturelles viennent compléter la liste des opérateurs d’origine haïtienne et au service de la communauté haïtienne établie au Canada, en particulier à Montréal, après chaque grande vague migratoire. A travers l’ensemble des réalisations et des publications de Com C’est Nous, il est possible de répertorier un grand nombre des activités qui favorisent la promotion de la diversité et l’inclusion des communautés, au sein desquelles les Haïtiens tentent de se positionner durant les trois à quatre dernières années. Autant rappeler que Com C’est Nous se confirme parmi ces nouveaux opérateurs ou créateurs de contenus qui accordent en partie une attention particulière à la diaspora haïtienne.
De nombreux autres opérateurs culturels à la fois dynamiques et diversifiés dans leurs champs d’interventions et expertises culturelles ne passent pas inaperçus durant les trente, vingt et dix dernières années. A travers la musique, les arts plastiques, le théâtre, la danse, les arts sacrés, le Vodou, les arts culinaires ou la gastronomie, ces hommes et ces femmes portent la voix de la culture haïtienne au Canada, et en particulier à Montréal, jusqu’à contribuer à faire de cette ville une des villes qui représentent le plus, le mieux et de façon constante la culture haïtienne et dehors de la terre natale.
Dans cette liste, on peut citer : La Compagnie de Théâtre Créole qui brille à travers ses multiples initiatives culturelles et des réalisations qui confirment son autorité artistique dans la diaspora haïtienne depuis plusieurs années. Passerelles productions est une entreprise spécialisée dans la promotion de l’art et de la culture haïtienne à Montréal. Les Ateliers Authentiques d’Art visuel de Montréal figurent parmi ces structures artistiques et culturelles très dynamiques au cours des dernières années.
Durant les derniers mois, la vitalité culturelle de la diaspora haïtienne continue de s’ouvrir à de nombreux autres talents et des groupes qui viennent tant en Haïti et dans les autres communautés élargies de la diaspora. On peut citer les succès confirmés des nombreux spectacles des meilleurs talents et les formations musicales, ou projets culturels les plus en vogue. Zafèm, le concept BAYO, Erol Josué, et bien d’autres célébrités qui ont performé sous les couleurs d’Haïti ne diront pas le contraire ?
Des faits qui se confirment, des statistiques qui viendront prochainement conforter la thèse que la ville de Montréal se prépare à devenir l’une des plus importantes destinations de la vitalité culturelle de la diaspora haïtienne. Pourquoi et comment ? Quelles sont les retombées réelles pour la communauté haïtienne au Canada, et à Montréal ? Comment cette nouvelle dynamique pourra-t-elle profiter au relèvement d’Haïti, qui assiste passivement au départ d’un grand nombre de ses talents vers d’autres terres d’accueil, d’exil et d’asile ?
Des dizaines et des centaines de professionnels, des amateurs et un nombre incalculable des passionnés initiés aux arts et aux pratiques des multiples activités culturelles en Haïti, parmi les noms plus connus et d'autres anonymes se sont offerts une nouvelle terre d'accueil ou d'asile, entre la famille, les études et l'exil au Canada, pour résister et/ou réussir, se réparer, autant se refaire une nouvelle vie ou pour se réinventer au cours des dernières années.
Désormais une nouvelle génération d'hommes et femmes aux talents multiples viennent rejoindre le train déjà en marche depuis les dernières vagues de professionnels et des familles venant d'Haïti, qui fuyaient la dictature des Duvalier, les violences politiques et coups d'État de l'après 1986, et sans oublier des catastrophes naturelles de 2010 entre autres. Ces talents artistiques confirmés, sont répartis entre les professionnels et les amateurs évoluant dans les différentes filières des industries culturelles partagés entre les principaux publics créolophones, francophones, anglophones, africaraibes et hispaniques.
Dans une prochaine publication, je vous inviterai à explorer les principales dimensions qui justifient pourquoi et comment Montréal est sur le point de devenir la capitale culturelle de la diaspora haïtienne. Quels sont les enjeux, les défis et les atouts, et certainement il y a lieu d’identifier les opportunités et les limites de cette dynamique, autour de la représentation, la défense, la négociation et le développement de culture haïtienne au Canada.
Derrière toutes ces grandes manifestations artistiques et socioculturelles les plus diversifiées, proposées et imposées par les membres de la diaspora haïtienne au Canada, et dans la juridiction culturelle de Montréal, il y a lieu de rappeler l'absence d'une coordination réelle, effective et structurée de ces acteurs, qui fonctionnent dans la majorité des cas dans leur coin. Les créateurs autant que les opérateurs culturels de la diaspora haïtienne ne disposent pas d'un véritable espace de dialogue pour poser les vrais problèmes des industries culturelles haïtiennes et spécifiques à chaque communauté d'accueil dans la diaspora.
Dynamique culturelle croisée, concurrentielle, compétitive et contradictoire. La diaspora culturelle haïtienne au Canada n'a pas d'agenda. C'est le chacun pour soi qui prime. Entre renouvellement et renforcement, les trois dernières vagues migratoires venant d'Haïti continue de compléter la liste par un grand nombre d'acteurs, de créateurs et des opérateurs à talents dans une nouvelle forme de résistance, de résilience et de réinvention de leur statut social et culturel, face à un nouveau système étatique tout en étant francophone, qui dispose des normes culturelles et institutionnelles très exigeantes. Une autre forme de marginalisation ou de reconversion imposée à la face de ces créateurs dépassées par le temps, l'âge, la formation et l'intégration dans cette nouvelle capitale culturelle de la diaspora haïtienne ?
Dans quel sens il faudra tenir compte des principales réflexions sur la nouvelle capitale culturelle de la diaspora haïtienne, cette ville qui a connu ses moments phares en 1967, lors de l’exposition universelle. Pourquoi et comment elle se distingue en faveur ou non de la culture haïtienne comme : Un héritage historique fort, une vitalité culturelle exceptionnelle, un carrefour diasporique Mondial, un écosystème institutionnel et académique solide, une reconnaissance symbolique et politique….
Dominique Domerçant