Egbert Personnat émerge comme une figure littéraire, une voix qui ne se contente pas de capturer la surface des choses mais qui s’aventure dans les recoins obscurs de l’existence humaine, là où la lumière se fait rare et la vérité se cache derrière des voiles épais. Personnat n’est pas simplement un écrivain ou un penseur : il est l’incarnation d’une quête profonde, presque existentielle, que beaucoup de ses contemporains n’osent même entamer. Dans un monde saturé de certitudes, de lumières artificielles et de réponses prédigérées, Egbert choisit délibérément de se tenir dans l’ombre, de questionner ce qui échappe à la perception immédiate. « Dans la pénombre de mon existence », son nouveau recueil de poèmes, est plus qu’un titre ; c’est un manifeste qui met en lumière la part d’invisible et d’intangible qui façonne, et parfois bouleverse, l’expérience humaine. C’est une exploration de la condition humaine qui ne se laisse pas appréhender facilement. À travers sa réflexion sur l’existence, la conscience, et la condition humaine, il nous invite à repenser notre rapport à la vie, à la mort, à la vérité et à l’illusion.
L’ombre, dans l’univers de Personnat, n’est pas un simple manque de lumière. Elle n’est pas non plus la simple absence, mais un lieu de confrontation avec ce qui se trouve hors de portée de la connaissance immédiate. Pour lui, l’ombre est un espace où se joue l’essence même de l’existence, un lieu de rencontre avec le néant, où se nouent les paradoxes les plus profonds. Dans cet espace intermédiaire, entre la lumière et l’obscurité, la pensée se fait plus fluide, moins rigide, et surtout, plus ouverte à l’interrogation. Egbert Personnat plonge dans la pénombre non pas par faiblesse ou par défaite, mais par choix. C’est dans cette lumière tamisée, où les contours de la réalité se font flous, que le poète trouve son inspiration. L’ombre devient alors le terrain où les vérités ne sont jamais définitives, mais en constante évolution, appelant à une remise en question perpétuelle. Dans cet entre-deux, l’auteur nous invite à abandonner les certitudes rassurantes, à accepter la fragilité de nos connaissances et à plonger dans un processus de découverte sans fin.
Ingénieur, détenteur d’une maîtrise de Tufts University, Personnat, dont le début de la carrière d’enseignant dans le domaine des classiques et de la littérature haïtienne l’a préparé à interroger les grandes structures de la pensée, entreprend un projet littéraire fondamentalement transcendantal. À travers ses mots, il cherche à révéler l’invisible, l’indicible, ce qui échappe au regard ou au langage ordinaire. Là où d’autres pourraient se satisfaire d’une réalité purement tangible, Egbert choisit de s’aventurer là où la perception humaine atteint ses limites, là où les mystères de la conscience et de l’univers restent intacts. Pour lui, l’invisible n’est pas un néant; c’est une présence furtive, une vérité voilée qui ne demande qu’à être découverte. Dans cette quête de l’invisible, Personnat se positionne à la croisée des chemins entre plusieurs traditions philosophiques, littéraires et spirituelles. Ses écrits cherchent à relier l’intellectuel et le spirituel, le rationnel et l’intuitif. Ainsi, dans ses poèmes, l’invisible devient un lieu d’introspection, de réflexion mais aussi de révélation.
Le rapport à la mort et à l’absurde
Dans le monde d’Egbert Personnat, la mort n’est jamais une simple fin, mais un principe fondateur de la réflexion. La pénombre de l’existence devient alors un espace de confrontation avec l’idée de la finitude humaine. Là où la société moderne préfère souvent ignorer la mort, l’écrivain la regarde en face, sans fard ni illusion, pour en tirer les leçons les plus profondes sur la vie. Il ne s’agit pas de philosopher sur la mort comme une abstraction, mais de la considérer comme un aspect fondamental de l’existence qui éclaire d’une lumière crue nos comportements, nos choix et notre rapport au monde. La mort, dans son approche, n’est pas une fatalité absurde, comme le proposait Camus, mais un guide vers une compréhension plus profonde de soi. Il propose une vision de l’absurde où, plutôt que de nous effondrer sous le poids de la condition humaine, nous devons l’accepter, l’embrasser même, pour en tirer la force nécessaire à une existence authentique. L’absurde devient une porte ouverte sur la possibilité de créer du sens, non dans une quête de sens transcendantale, mais dans l’intimité de notre propre conscience.
La solitude, ou l’art de s’affirmer dans l’obscurité
Un autre thème récurrent dans l’œuvre de Personnat est celui de la solitude, qui s’inscrit également dans cette « pénombre ». La solitude, pour le poète, n’est pas une souffrance solitaire, mais un moyen d’affirmer son être, de se confronter à soi-même dans le silence de l’obscurité intérieure. Loin de la solitude sociale ou physique, l’isolement ici prend une forme existentielle : il est la condition nécessaire pour se connaître, pour se forger loin des bruits du monde extérieur. Dans cette pénombre intérieure, l’individu s’affronte aux ombres de ses propres contradictions, de ses peurs et de ses désirs. Ce processus introspectif est essentiel pour comprendre que l’existence, même dans son aspect le plus solitaire, peut être vécue dans une forme d’authenticité inédite. Écrivant dans la pénombre, Personnat s’ouvre délibérément à un mode d’écriture particulier, où le sens ne se livre pas immédiatement, mais doit être gagné. C’est dans ce style à la fois imagé, dense et fluide, parfois elliptique, que se joue l’essence de son projet : un refus de rendre la réalité trop évidente, une volonté de laisser des espaces vides dans lesquels le lecteur peut projeter ses propres réflexions. Sa poésie devient alors un chemin de libération. Plutôt que d’imposer une vision unifiée de l’existence, il offre un espace où le doute, la question et l’incertitude peuvent coexister harmonieusement. La lecture des œuvres de Personnat devient ainsi un acte de lâcher-prise, un abandon temporaire de la certitude au profit de la recherche de la vérité dans ses formes les plus multiples et les plus insaisissables.
À présent, brille le soleil de l’espérance
Tant dans nos villes que dans nos vertes campagnes
Et, outre-mer, l’on entend depuis nos montagnes
Les oiseaux chantant l’hymne de la délivrance.
À travers « Dans la pénombre de mon existence », Egbert Personnat nous livre une réflexion magistrale sur la condition humaine, sur les zones d’ombre qui façonnent nos vies et sur la manière dont nous pouvons nous y orienter pour mieux nous connaître. La pénombre n’est pas un lieu de renoncement, mais un espace de créativité, d’interrogation et de transformation.
Je n’avais besoin que d’une pénombre
Pour me mettre sur la brèche
Et chanter mon histoire de passager
Aux pieds de rescapé.
Son écriture nous invite à questionner nos certitudes, à accepter l’incertitude comme une partie intégrante de la vie, et à nous aventurer sans peur dans les zones d’ombre qui définissent notre être. Dans la quête de la vérité, il nous enseigne que la lumière n’est pas toujours le guide le plus sûr, et que l’ombre peut être le lieu où naissent les idées les plus lumineuses.
Godson MOULITE