Voyager en tant que noir : une expérience différente de celle des blancs ?

«Être noir et voyager» de Roobens Fils est un ouvrage incontournable, surtout pour les personnes noires, car il met en lumière des réalités souvent invisibles que les non blancs vivent lorsqu’ils se déplacent à travers le monde.

 C’est un livre qui dit les choses crûment, avec une certaine emphase sur ce qui constitue le racisme. Paru il y a plus de 3 ans, cet ouvrage est d’une actualité brûlante. Avec l’installation d’un président américain ouvertement raciste, ce livre vaut le détour. Le vieux démon du racisme est à nos portes aux États-Unis, et on peut déjà crier « sauve-qui-peut ». Trump a ordonné à sa police de rafler tout ce qu’elle peut, car il lui faut du chiffre. Le slogan « America First » est perçu comme une déclinaison du suprématisme blanc.

Pourquoi le voyage d’un noir est-il différent de celui d’une personne blanche ? Pourquoi, aujourd’hui, de plus en plus de gens à la peau noire prennent-ils la plume pour raconter leurs expériences dans ce domaine ? Pourquoi cette discrimination rampante continue-t-elle de frapper essentiellement les minorités, malgré les discours sur l’égalité et l’inclusion ? Autant de questions essentielles auxquelles Roobens Fils tente d’apporter des réponses à travers son ouvrage.

Fort de ses expériences personnelles et de nombreux témoignages, il explore les obstacles invisibles mais bien réels qui jalonnent le parcours des voyageurs noirs. Avec plus de 250 pages d’analyse et de récits poignants, il met en lumière les injustices systémiques qui se manifestent dès l’embarquement dans un avion, à la douane, dans les hôtels ou même dans les interactions quotidiennes avec les habitants d’un pays étranger.

L’auteur raconte des anecdotes qui ne donnent plus envie de voyager quand on est noir. Dans certaines parties du monde, cela relève du parcours du combattant. Les problèmes commencent dès la douane : les agents doutent parfois de votre passeport et vous posent des questions absurdes, cherchant à vous faire craquer. Parfois, cela va encore plus loin.

Se déplacer librement dans le monde reste un privilège dont tous ne bénéficient pas de la même manière. Mais pour un voyageur noir, la suspicion est souvent omniprésente : contrôles au faciès, interrogations absurdes sur l’authenticité des papiers d’identité, interrogatoires excessifs, voire refoulements arbitraires.

Les locaux vous demandent carrément de prendre une photo avec eux, comme si vous étiez une curiosité anthropologique. Dans certains pays, l’exotisme supposé des personnes noires suscite un mélange d’admiration condescendante et de curiosité intrusive, qui transforme l’expérience du voyage en une épreuve émotionnelle et psychologique.

Fils veut sensibiliser

Son ouvrage s’inscrit dans une démarche essentielle de sensibilisation, offrant des clés pour comprendre et, peut-être, faire évoluer les mentalités vers plus d’équité et de respect.

Noir et voyager est un essai qui explore les complexités des relations humaines à travers le prisme du voyage en tant que personne noire. Né de parents haïtiens, l’auteur s’appuie sur son expérience personnelle pour illustrer les multiples défis rencontrés par les voyageurs noirs. Après avoir parcouru et découvert plus de 30 pays, il est à même de mettre en lumière les obstacles quotidiens tels que la discrimination, les stéréotypes et le contrôle au faciès.

Ces dernières années, de nombreux blogueurs et écrivains noirs, dont Roobens Fils, se sont spécialisés dans le récit de voyage, en mettant l’accent sur l’expérience des touristes noirs à travers le monde. Ce créneau attire un public de plus en plus large, notamment ceux qui s’intéressent à cette problématique ou qui ont eux-mêmes vécu les différences de traitement selon qu’ils soient blancs ou noirs.

Rosanna Trippin, d’origine belge et congolaise, s’inscrit dans cette tendance, en partageant ses expériences et ses analyses sur la manière dont les locaux interagissent avec les touristes noirs. Toutefois, bien que Roobens Fils ait déjà largement exploré ce sujet dans son livre avec un regard percutant et des anecdotes marquantes, chaque voyageur apporte une perspective unique. Les différences d’approche, de style et de vécu enrichissent le débat et offrent une diversité de témoignages sur cette terrible réalité.

Si de plus en plus d’auteurs noirs s’expriment sur cette question, c’est avant tout parce que leur parole a longtemps été ignorée ou minimisée. Loin d’être des cas isolés, leurs témoignages dessinent un tableau global d’inégalités profondément enracinées dans l’histoire coloniale et dans les imaginaires collectifs.

L’écriture devient ainsi un moyen de résistance, un espace de revendication où ces voyageurs peuvent exposer les réalités qu’ils affrontent et interpeller les consciences sur la nécessité d’un véritable changement. En menant l’enquête, Roobens Fils ne se contente pas de dénoncer une situation préoccupante : il invite également à une réflexion plus large sur la place des minorités dans le monde et sur les biais inconscients qui alimentent encore aujourd’hui la discrimination raciale dans le domaine du voyage.

Maguet Delva

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