Dans un Haïti où les défis socio-économiques se dressent chaque jour, nombreux sont les entrepreneurs qui cherchent à concilier innovation et impact social. Parmi eux, Donel Saint-Juste se distingue non seulement par sa volonté de développer des solutions économiques viables, mais surtout par son engagement profond en faveur de la culture et de l’éducation. Son projet ambitieux, Lire pour l’Avenir, est né d’une conviction profonde : la lecture, véritable outil d’émancipation, doit être au cœur de la formation des jeunes, en particulier dans les régions du Nord-Est d’Haïti, souvent laissées pour compte.
L’histoire de Donel Saint-Juste n’est pas celle d’un entrepreneur classique. Avant de se lancer dans le domaine de l’entrepreneuriat, il a vécu les difficultés d’un jeune haïtien de province confronté à des infrastructures éducatives limitées et un accès restreint à des ressources culturelles. « J’ai grandi dans une région où les bibliothèques étaient rares, où les livres étaient souvent un luxe, et où les jeunes n’avaient pas de modèles pour s’intéresser à la lecture », confie-t-il. Ce manque d’opportunités culturelles et éducatives l’a poussé à s’interroger sur la manière de briser ce cercle vicieux de la pauvreté intellectuelle et de redonner aux jeunes le pouvoir de s’approprier leur avenir. Après avoir poursuivi des études en gestion et en entrepreneuriat, Donel est revenu dans sa région d’origine, le Nord-Est, où il a décidé de concentrer son action sur un projet qui dépasse largement le cadre économique : Lire pour l’Avenir. À la croisée des chemins entre éducation, inclusion sociale et entrepreneuriat, Lire pour l’Avenir s’inscrit dans une vision globale de réintégration de la culture dans la vie des jeunes du Nord-Est haïtien.
Le projet repose sur un principe fondamental : l’accès à la lecture et à la culture peut profondément changer les trajectoires de vie des jeunes et constituer une réponse à la crise éducative du pays. Mais Lire pour l’Avenir ne se contente pas de distribuer des livres. Il veut créer une véritable dynamique collective autour de la lecture. Le programme se déploie à travers plusieurs axes principaux. Le premier est la mise en place d’ateliers et de clubs de lecture dans les écoles, mais aussi dans des espaces publics tels que des places communautaires ou des parcs. Ces clubs sont conçus comme des lieux de rencontre et d’échanges où les jeunes peuvent partager leurs lectures, découvrir de nouveaux auteurs et discuter des thèmes qui les intéressent. Ces espaces sont également propices à la rencontre avec des auteurs locaux, des animateurs culturels, voire des chercheurs, pour des conférences et des débats.
Au-delà des clubs de lecture, Donel Saint-Juste a souhaité que Lire pour l’Avenir prenne une dimension interactive et créative. Plutôt que de simplement encourager la lecture passive, il invite les jeunes à participer activement en écrivant leurs propres récits, en créant des critiques littéraires ou en organisant des concours d’écriture. Ce modèle vise à nourrir la créativité et à renforcer la confiance en soi des participants, deux éléments essentiels pour un épanouissement personnel et académique. L’une des spécificités de ce projet est aussi sa capacité à s’adapter aux réalités locales. Les livres et les programmes sont conçus en tenant compte des spécificités culturelles du Nord-Est et du reste du pays, tout en incluant des œuvres de littérature haïtienne et caribéenne. Ainsi, des auteurs comme Edwidge Danticat ou Gary Victor, très appréciés dans la région, sont intégrés dans les lectures proposées aux jeunes.
De plus, les livres sont systématiquement accompagnés d’outils pédagogiques afin d’encourager une réflexion critique et de stimuler l’analyse de la réalité sociale à travers les œuvres littéraires. Lire pour l’Avenir va au-delà de l’objectif initial d’encourager la lecture. Il est également une initiative porteuse de développement économique et social pour la région. En créant un écosystème autour de la lecture, l’entrepreneur a ouvert la voie à la création d’emplois dans le secteur culturel : formateurs, bibliothécaires, médiateurs culturels, écrivains et même libraires locaux sont sollicités dans le cadre du projet. Ainsi, en parallèle de son action éducative, Donel Saint-Juste contribue à dynamiser l’économie locale et à offrir de nouvelles perspectives professionnelles aux jeunes de la région.
L’impact du projet s’étend également au-delà des bénéficiaires immédiats. En créant des espaces de réflexion et de débat, Lire pour l’Avenir permet à la communauté de se rassembler autour de questions essentielles, que ce soit sur le rôle de la culture dans le développement local, les défis environnementaux ou la place des jeunes dans la société haïtienne. Ces discussions renforcent le tissu social et ouvrent des portes à une citoyenneté active et éclairée. Malgré les difficultés logistiques et financières inhérentes à la mise en œuvre de ce genre d’initiative dans un pays en crise, les premiers résultats de Lire pour l’Avenir sont déjà visibles. De nombreux jeunes, qui n’avaient jamais eu accès à des livres, ont non seulement commencé à lire, mais ont également développé un esprit critique et une curiosité intellectuelle qu’ils n’avaient pas auparavant.
Les parents rapportent également une transformation notable dans l’attitude de leurs enfants, qui montrent désormais plus d’intérêt pour leurs études et souhaitent participer à des projets collectifs. Les retours des écoles et des établissements éducatifs sont également encourageants. Plusieurs enseignants soulignent que les clubs de lecture ont favorisé une meilleure compréhension des programmes scolaires et ont suscité un réel enthousiasme parmi les élèves. La communauté scolaire est progressivement convaincue que la lecture n’est pas un simple loisir, mais un moyen d’acquérir des compétences essentielles pour réussir dans la vie.
Donel Saint-Juste incarne l’entrepreneur social d’aujourd’hui, capable de mêler innovation, culture et développement local pour répondre aux défis de son époque. Son projet Lire pour l’Avenir est un modèle de ce que peut être l’entrepreneuriat social : un projet qui n’aspire pas seulement à un rendement économique, mais qui transforme profondément la vie des individus et des communautés. Pour Donel, la lecture est bien plus qu’un simple moyen d’apprendre ; elle est une clé qui ouvre les portes de l’avenir et permet aux jeunes de rêver, de comprendre et d’agir sur le monde qui les entoure.
Godson MOULITE
