Deux ans de cela, en 2022, ils sont trois créateurs confirmés du village de Noailles situé dans la commune de la Croix-des-Bouquets qui portaient le flambeau du fer découpé dans l’art haïtien. Jean Eddy Remy, Jean Anderson Bellony et Falaise Péralte. A la Maison Dufort, la fondation AfriAmerica allait placer sous les projecteurs, ces maîtres du fer.
Découvrons les dimensions esthétiques, artistiques et culturelles de cette exposition qui a réuni des talents qui maîtrisent l’art du fer découpé depuis plusieurs décennies, avec des expositions et des performances en Haïti et dans d’autres coins du monde. Nway kanpe représente une belle aventure autour de l'art contemporain haïtien. Les photos de Josué Azor, Fred Mogin, associées au talent de Fabrice Ledan illustrent ce catalogue qui confirme la resistance artistique et la résilience esthétique dans cette communauté de talents.
Des notes sombres retiennent notre attention dans le document de l’exposition : « Le triste contexte évoqué, nous rappelle la disparition brutale du sculpteur Anderson Bellony. Nous lui rendons un hommage », peut-on lire à la deuxième page.
Dans le contexte actuel et ses nombreux défis, l’action de la Suisse dans le domaine de l’art et de la culture cherche à promouvoir un secteur culturel indépendant, renforcé et autonome. Ces propos du chargé d'affaires Fabrizio Poretti de l’ambassade de Suisse en Haïti illustrent ainsi le catalogue : « Nous considérons la culture et l’art comme des connecteurs et vecteurs de développement partagé qui ont le potentiel de renforcer la société civile et favoriser la cohésion sociale. », poursuivait le diplomate à l’époque.
Dans la présentation de l'artiste Jean Eddy Remy, on retient qu’il est : « Un jeune leader de la communauté des sculpteurs de Noailles à Croix des Bouquets. Son dynamisme, son hyperactivité, sa capacité à créer des liens entre individus, communautés, cultures, pays, lui ont permis de dépasser la multitude d'obstacles entravant la création en Haïti. ».
De « Rezistans », à « Spiritualité », en passant par « Alètman », et sans titre, Jean Remy Eddy nous fait découvrir la puissance de son intuition créative et de son instinct pénétré par les traditions ancestrales et les faits sociaux qui l’entourent. « Mèt dlo », « Piba pifoule », figurent parmi les autres œuvres qui participent dans cette célébration du génie haïtien qui domine l’essence du fer et de la matière artistique.
Distingué au Liban en 2009, lors des Jeux de la Francophonie, Jean Eddy Rémy est un natif du Village de Noailles, qui développe une écriture graphique de plus en plus personnelle. « Son geste, libéré du dessin, valorise désormais la tôle de récupération à l’état brut. ». Son contact avec d’autres talents internationaux, notamment le maître Kossi Assou, lors du Forum Transculturel en 2006, lui avait permis de revoir son approche esthétique et ses démarches artistiques.
Difficile de ne pas se rappeler la date du 13 octobre 2021, qui marquait la mort brutale de Jean Anderson Bellony, ce sculpteur confirmé qui a vu le jour le 13 mars 1970, au Village Noailles. Entre le musée communautaire de Georges Liautaud et l’Institut français, ses œuvres avaient eu le temps de communiquer avec des publics différents, lors des nombreuses expositions collectives.
Dans le somptueux local de la Maison Duffort, Bellony avait présenté la dernière fois ses œuvres avant de faire le grand saut. Le document souligne : « En août 2014, une de ses sculptures est présentée au MUPANAH, à l’occasion de l’exposition "Rencontres" ». Bellony a hérité d’un sanctuaire Vodou qui a été restauré par la fondation AfriAmerica, dans le cadre du programme Cultural Emergency Response (CER) de la fondation du Prince Claus en 2009. ».
De « Bossou » à « Pwason », sans oublier « Kafou », « Bossou », et d’autres sans titres, sont autant de créations qui garderont en éveil l’immortalité de cet artiste absent dans le village depuis.
Du premier coup d’œil, ses anthropo-morphies anguleuses et surlignées se découpant dans l’espace, par des contours brisés, contrariés, évoquent les ornements gravés dans la pierre des monuments mésoaméricains. Mais, Falaise ne peut pas connaitre Olmèques, Toltèques, Mayas ni même Aztèques. ».
Durant l’année 2004 : « Pour son exposition au Centre culturel AfricAmericA, Falaise abandonne la technique simpliste des appliques murales, si typique de Croix-des-Bouquets et prend le risque de présenter une dizaine de pièces tridimensionnelles, toutes de grandes dimensions. ».
Des sculptures qui portent les titres de « Serenad premye novanm », « Rankont kosmik ak sou maren », « Soumaren », « Pasasyon St Nikola », participent dans la célébration des talents de Falaise Péralte.
Dans le catalogue qui met en valeur ces trois créateurs, plusieurs personnalités se sont inscrites dans la promotion de cette dimension culturelle combien pertinente dans l’espace haïtien. Barbara Prézeau Stephenson, et les responsables de la Maison Duffort figurent parmi les artisans de cet hommage autour de ces trois créateurs.
Dominique Domerçant